En ce début des années 70, la sécurité commence à préoccuper le monde de la Formule 1. La décennie, il est vrai, a fort mal débuté. Jochen Rindt, sacré champion du monde à titre posthume, Piers Courage, Jo Siffert, Bruce Mac Laren, Pedro Rodriguez ont perdu la vie en quelques mois. Les pilotes ont ainsi créé le GPDA (Grand Prix Drivers Association) afin de réclamer des aménagements sur les différents circuits, Jackie Stewart en est un porte-parole influent. C’est dans ce contexte que le grand cirque de la F1 débarque à Clermont en ce début de mois de juillet 1972. Jusque-là, Charade a été épargné par les événements dramatiques, à l’exception du décès du Britannique Ivor Bueb lors d’une course de Formule 2 des Trophées d’Auvergne en 1959. Pour ce nouveau cru, les organisateurs ont consenti à de nouveaux efforts pour sécuriser davantage la piste : des double-rails ceinturent désormais la totalité du parcours, l’entrée des stands est modifiée, une piste de décélération est ainsi aménagée avant le virage Louis-Rosier. Un rail de sécurité sépare dorénavant les stands de la piste. Mais des détails visiblement leur ont échappé. Ils leur coûteront cher.
Good Year a l’avantage
A l’orée du rendez-vous en Auvergne, le Brésilien Emerson Fittipaldi mène le championnat du monde. La Lotus 72, qui arbore les couleurs noir et or du cigarettier John Player Special, reste l’arme absolue depuis qu’elle a fait ses débuts, deux ans auparavant. Dennis Hulme, sur Mac Laren, et Jacky Ickx, au volant de la Ferrari, emmènent l’opposition. Si la F1 couronne d’abord un pilote, elle est aussi, dans les seventees, l’occasion d’affrontements entre les constructeurs, les motoristes et les manufacturiers de pneumatiques. Selon les circuits, l’avantage peut ainsi aller aux voitures chaussées par Good Year, ou aux bolides équipés par Firestone. A Charade, la différence se révèle particulièrement flagrante. Good Year a l’avantage.
Amon, Hulme et Stewart (tous chaussés par Good Year) ont dominé les essais. Seul Ickx (4e) s’est immiscé dans le paquet de tête malgré ses enveloppes Firestone. Le Grand-Prix de France marque les premiers pas du Clermontois Patrick Depailler en Formule 1. A presque 28 ans, le champion de France en titre de Formule 3 dispose d’une troisième Tyrrell, aux côtés de Stewart et Cevert et il s’est qualifié au 16e rang.

Fin de carrière pour Helmuth Marko
La course, hélas, va tourner à la loterie et au drame. Une grande partie du circuit est bordée, de chaque côté, d’une bande formée par de petits silex, insuffisamment stabilisés. Ils vont provoquer une cascade de crevaisons dont seront victimes notamment Chris Amon, pourtant en passe de remporter la victoire, ou encore Jacky Ickx, alors second. Plus grave, l’Autrichien Helmuth Marko va perdre un œil suite à la projection d’un caillou en plein visage. Stewart et Fittipaldi, épargnés, forment le couplé gagnant d’un grand-prix qui tourne à polémique. Depailler, pour sa part, n’est pas passé à travers les gouttes. Après une première crevaison, il s’arrête au 27e tour, victime de la rupture d’une rotule de triangle de suspension. A la suite de ce week-end, marqué par de nombreux incidents, les organisateurs seront directement mis en cause par de nombreux pilotes, à commencer par Jackie Stewart lui-même.
Le scénario-catastrophe du Grand-Prix 72 va précipiter les événements. Malgré le projet d’aménagement d’un circuit court, susceptible de répondre aux nouvelles exigences de sécurité, Charade ne retrouvera jamais son lustre. La fin d’une belle histoire.

[…] une quinzaine d’années le circuit de Charade va vivre son âge d’or. Le GP de France auto de 1972 et le GP de France moto de 1974 marquant une sorte d’apothéose dans les deux […]