Ces temps-ci, les têtes de gondole du sport clermontois flirteraient plutôt avec les couronnes d’épines. S’il est vrai que les volleyeuses, handballeuses et rugbywomen de la métropole tiennent leur rang, ceux qui requièrent généralement toute l’attention des foules sont à la peine. Au point que les affres d’une relégation animent les conversations autour du Montpied et du Michelin. Mais que sont donc devenus nos héros de cette folle première page de L’Equipe ?
« Ils m’avaient tiré dessus ! »
Pour retrouver Olivier Enjolras 27 ans après l’exploit du 1 er mars 97, pas besoin de chercher bien loin. Au Centre de formation partagé avec l’ASM, ‘’Enjol’’ dirige la formation des jeunes gardiens du Clermont Foot. « Des U16 jusqu’aux U20 je suis en charge de 7 ou 8 gardiens ». Un travail sur les domaines tactique et physique mais aussi un gros travail psychologique. « Un gardien remplaçant est amené à passer du temps sur le banc. Il faut qu’il puisse assumer ça parfaitement sinon… »
Entre trois saisons à Gannat et une escapade à Yzeure, Olivier avait gardé 321 fois la cage clermontoise de 1994 à 2007. Son image est définitivement collée à ce 8e de finale de la Coupe quand, menés 4à1 par la troupe du capitaine Rai, les Clermontois de Nationale2 nous avaient offert une folle remontada à 4 partout conclue par une fabuleuse séance des ‘’péno’’.
Deux tirs au but repoussés face à Paul le Guen et Vincent Guérin, et voilà Enjolras devenu légende. « Je n’y suis pour rien, ils m’avaient tiré dessus ! » avance l’intéressé avec un excès de modestie. Car, à se repasser les images, notre portier était bel et bien parti du bon côté pour créer un exploit qui, financièrement, aller sauver le club d’une faillite annoncée.
Le PSG mais pas que
Après qu’une poignée des 15 000 supporters qui avaient suivi l’évènement sur l’écran de la place de Jaude aient quelque peu agité la nuit clermontoise, la bande à Thierry Coutard refaisait le match à Paris sur le plateau dominical de Télé-Foot. En toute modestie (encore) Olivier concluait en espérant avoir le temps de visiter la Tour Eiffel « avant de retourner demain vendre mes jeans.»…puisqu’il était vendeur de vêtements chez l’un des partenaires du club.
En même temps qu’il s’apprêtait à quitter la cage alors que le Clermont Foot s’installait en Ligue2, notre héros malgré lui bossait pour obtenir le diplôme d’entraîneur des gardiens, cumulant bientôt un job de régisseur au club et celui de formateur. Les années ont passé et Olivier s’est professionnalisé en même temps que son club.
Quant à la boîte aux souvenirs, elle ne recèle pas que l’exploit du 1 er mars 97 : « Pour moi, les moments très forts ce sont aussi les saisons des montées, de N2 en N1 puis en Ligue2, avec les titres de champions qui les accompagnaient. Quelle soirée mémorable aussi que ce tour de Coupe 97 sur le terrain du petit club de L’Etrat. On a failli passer à la trappe au terme d’une séance de 17 tirs au but achevée à la lueur des phares de voitures ! ». Quelques semaines plus tard…c’était le PSG. À 52 ans la passion est demeurée intacte: « Mon projet ? C’est de rester en forme pour participer physiquement au travail avec mes jeunes gardiens ! »
L’homme devenu tranquille
« Je suis dans ma grotte mais je peux sortir ! » Ni à Lascaux ni à Volvic, c’est dans le village aux 140 caves au pied duquel s’étire la Couze Chambon que nous débusquons l’autre Olivier. De six ans l’aîné d’Enjolras et le toisant de 15 cm, Merluche ne s’est pas départi d’un humour bien à lui. Sa ‘’grotte’’ n’est qu’une métaphore soulignant une envie de jouer l’homme tranquille à l’écart de la métropole clermontoise (et de ses embouteillages).
Tranquille mais pas reclus, l’activité professionnelle d’Olivier Merle le conduisant régulièrement à Saint-Rémy-sur-Durolle où il retrouve son ami Robert Beillonnet, sacré deux fois Meilleur Ouvrier de France. Et pourquoi faire donc ? Des couteaux pardi !
Voilà plus de vingt ans que fut amorcée la collaboration entre l’entreprise Florinox et celui qui allait mettre un terme à une aventure de deuxième-ligne ‘’hors norme’’ entamée tardivement avec les cadets du Blanzat Athlétic Club et conclue sous le maillot du Stade Aurillacois.
Entre les deux, un parcours aussi détonnant que l’était, à l’époque, le physique de celui que les néozélandais allaient baptiser ‘’l’homme et demi’’. D’abord lanceur de poids au Stade Clermontois, mis à l’essai au sein des packs de l’ASM et du RC Vichy, c’est au FC Grenoble qu’il gagnait ses galons d’international avant de porter 108 fois les couleurs montferrandaises entre 1994 et 2000.
La fierté du coq
«Je me serais bien vu fêter un titre de champion de France mais j’ai savouré pleinement le privilège de porter le maillot tricolore frappé du coq…et tout ce que j’ai vécu avec le XV de France.»
De quoi être fier. 45 sélections et 37 victoires entre 1993 et 97. Le Grand Chelem du Tournoi 97 agrémenté de cette indicible jouissance (partagée par toute la France) de battre les anglais chez eux, les tournées victorieuses en Nouvelle Zélande et chez les Springboks… «Mon meilleur souvenir ? C’est la somme de tout cela !»
Après avoir porté ses 198 cm, ses 135 kilos et sa force de frappe sur tous les terrains du monde, l’Homme et demi aurait bien souhaité transmettre son expérience. « ’étais motivé pour m’investir avec les jeunes et les éducateurs de l’ASM, mais ça n’a pas pu se faire… dommage !»
Un temps dans la confection de vêtements ‘’grandes tailles’’, un temps ambassadeur du vignoble auvergnat, Olivier Merle a finalement tranché en se recentrant sur la coutellerie. Couteau de table, couteau à pain, couteau pliant avec ou sans tire-bouchon, «le produit phare c’est le pliant signé Merluche, éventuellement personnalisé rugby.» Avec, bien sûr, le manche en bois… d’olivier.
Un détail : quand il était petit (le fut-il un jour ?) Merluche jouait au foot. Et comme il tenait déjà beaucoup de place, il était gardien de but, comme l’autre Olivier. C’est fou fou fou ce que le monde est petit !
Ce petit village incroyable où habite Olivier Merle, ce ne serait pas Montaigut-le-Blanc des fois ?