Une folle épopée avant le match du siècle   

Comme chaque année, dans la plus prestigieuse des compétitions de football en France, les petits clubs rêvent d’exploits. Pour la saison 96-97, le Clermont-Foot est un jeune club, né sur les cendres du Clermont FC, qui évolue en Nationale 2 (4^edivision). L’équipe emmenée par Thierry Coutard passe les premiers tours sans encombre avant de disputer un premier match mythique à l’Etrat, dans la banlieue de Saint-Etienne. Une séance de tirs au but disputée jusqu’au bout de la nuit, dans un stade dépourvu d’éclairage : « Notre parcours aurait pu s’arrêter dans le Forez face à une équipe hiérarchiquement inférieure. Le président de l’époque, Alain Dalan, n’était pas favorable à disputer cette séance car on ne voyait plus rien. Quand l’arbitre nous a expliqué que, dans ce cas de figure, c’est le club le plus petit qui serait qualifié, on a tout de suite trouvé que la luminosité était largement suffisante ! ». Il faudra alors 34 penaltys (une séance comporte normalement 10 frappes) pour départager les deux équipes. Un souvenir qui a marqué le gardien de but Olivier Enjolras : « On était proche de noël et il y avait fort heureusement une guirlande électrique derrière le but qui donnait un peu de visibilité. Mais on a presque fini le match à la lumière des phares ! » Clermont poursuit ensuite son petit bonhomme de chemin en éliminant Lorient puis Martigues, deux équipes jouant les premiers rôles en D2.

Le match d’une vie, une immense fête dans la ville

Clermont atteint alors le stade des huitièmes de finale pour la première fois depuis 1946. Le tirage au sort offre une réception de prestige avec le Paris Saint-Germain. Si le club parisien n’a pas encore les moyens du Qatar, c’est Canal + qui permet au PSG d’être tenant de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes, dont il sera également finaliste cette saison-là (défaite face au FC Barcelone). Les exploits de Clermont sont remontés jusqu’aux oreilles de l’entraîneur brésilien Ricardo, qui décide alors d’envoyer sa meilleure équipe en Auvergne. Une marque de respect aux yeux de Thierry Coutard : « Paris est venu avec toutes ses stars pour ce match. Le champion du monde brésilien Raï, des internationaux français comme Vincent Guérin, Paul Le Guen ou le gardien Bernard Lama: tout était réuni pour vivre une belle fête du football mais on avait l’appréhension de prendre une fessée.  » Devant le prestige de cette affiche, le public ne s’y trompe pas et les 9.000 places du stade Montpied ne suffisent pas à contenter toutes les demandes. La ville décide alors de mettre en place un écran géant place de Jaude où près de 20.000 personnes vont vibrer, comme aux plus grandes heures des finales de l’ASM…

Quand le football bascule dans l’irrationnel

Pourtant, à la mi-temps, tout semble déjà clair. Clermont se montre vaillant mais les hommes de Thierry Coutard sont menés 2-0 : « En rentrant aux vestiaires j’ai entendu Michel Denisot et Jean-François Domergue (Président et Directeur sportif du club parisien) se dirent qu’ils ne rentreraient pas trop tard à Paris. Je me suis servi de ces paroles dans mon discours à la mi-temps et mes joueurs sont revenus transfigurés ! » Mickaël Bessaque réduit l’écart sur penalty et redonne l’espoir aux siens. Puis Paris hausse le niveau et ajoute deux nouveaux buts peu après l’heure de jeu. Clermont est alors mené 4-1 et l’issue de la rencontre ne fait plus guère de doute… Quelques minutes plus tard Julio César Dely-Valdes manque le but du KO et réveille Olivier Enjolras et les siens : « Sur cette action manquée, l’attaquant parisien se relève en rigolant. Cette attitude nous a réveillé et motivé ! J’ai des amis qui étaient présents au stade qui prennent alors la décision de partir pour éviter les embouteillages. Arrivé au rond-point, ils entendent à la radio qu’on revient à 4-2 (but de Christophe Chastang) puis arrivé en centre-ville ils apprennent qu’on a marqué à nouveau (but de Nicolas Le Bellec) avant de faire demi-tour et de revenir. » Au stade comme en ville, tout le monde comprend alors qu’il se passe quelque chose. Sur son banc, Thierry Coutard en est plus conscient encore : « J’observe le banc parisien, le staff adverse est en panique. Sur le terrain, les joueurs de la capitale se cherchent du regard. Ces Parisiens sont emportés par l’ambiance folle du stade et ne savent plus où ils en sont. » Auteur du but victorieux en finale de Coupe d’Europe un an plus tôt, Bruno N’Gotty inscrit alors le 4^ebut clermontois contre son camp… 4-4 ! Un score inouï tant l’écart présumé entre les deux équipes semble immense. La suite, on la connaît tous, Clermont l’emporte aux tirs aux but, Olivier Enjolras, ivre de bonheur, grimpe sur la barre transversale de son but et la capitale auvergnate vit l’une de ses plus folles nuits de fête.

Un acte fondateur à l’origine du retour dans l’ère professionnelle.

Clermont tombera au tour suivant face à Nice (2-1). Les héros étaient sans doute fatigués mais pour un club en pleine crise de croissance, l’essentiel est ailleurs puisque le Clermont Foot profitera des retombées de cet exploit : « Le club était en pleine progression et grimpait dans la hiérarchie nationale. Le souci c’est que le budget avait de plus en plus de mal à suivre et nous connaissions de vraies difficultés financières  qui,  à terme, pouvaient mettre la structure en danger. Grâce à ce parcours, on a pu faire un bas de laine et continuer à faire grandir cette équipe vers les divisions professionnelles. » Pour Thierry Coutard, ce match face à Paris a été un acte fondateur autant que l’événement d’une vie : « ma carrière a été marquée par cette aventure. C’est un souvenir qui m’a construit et fait aujourd’hui partie de moi et de mon histoire. » Pour Olivier Enjolras aussi, cette aventure restera un souvenir marqué d’une pierre blanche : « Chaque année, on se retrouve avec les anciens pour disputer un match et se remémorer ce souvenir. On a tous vieilli, on ne vit plus forcément à Clermont mais ce match a tissé entre nous tous un lien unique et indéfectible. »

Un souvenir gravé dans toutes les mémoires et qui a montré que Clermont pouvait être une véritable terre de foot.

La fiche du match :

Clermont-Foot (Nationale 2) 4–4 (a.p.) Paris-Saint-Germain (D1) (0-2, 4-4)

Clermont vainqueur 4 tirs au but 3

Le 1^ermars 1997 au stade Gabriel-Montpied. 9.000 Spectateurs environ.
Les buts : Paris :Cauet (12’) – Dely-Valdes (24’) – Raï (57’) – Loko (68’). Clermont : Bessaque (52’) – Chastang (69’) – Le Bellec (82’) – N’Gotty (csc 87’)

Les équipes : Paris : Lama – Fournier – N’Gotty – Le Guen – Kennedy – Guérin – Cauet (Calenda, 78’) – Allou – Loko (Pouget, 74’) – Raï – Dely-Valdes. Entraineur : Ricardo

Clermont : Enjolras – Cohade – Aguad – Vigouroux – Bessaque – Le Bellec – Jobert – Maloumbi (Amblard, 70’) – Bentoumi (Ribérol, 66’) – Groueix (Lestrade, 52’) – Chastang. Entraineur : Thierry Coutard

Remerciement particulier pour l’aide précieuse de Florent Crossoir, qui nous a ouvert les portes des archives du Clermont-Foot.