Près d’un an après la disparition de Jean-Louis Murat, les éditions Le Boulon viennent de publier le livre-hommage au chanteur auvergnat intitulé Les jours du jaguar de Pierre Andrieu. Préfacé par Jennifer Charles d’Elysian Fields, cette « bio subjective » de 200 pages et 50 photos retrace la vie et la carrière de Murat avec des chapitres spécifiques sur les grands thèmes de ses chansons et de nombreuses interviews de Jean-Louis, mais aussi d’une quinzaines de personnes qui ont travaillé et vécu avec lui.
7 Jours à Clermont : Comment es tu rentré dans la sphère Murat ?
Pierre Andrieu : On a commencé à faire des interviews en 2003 pour les sorties d’albums Le Moujik et sa femme et Lilith. Cela s’est bien passé et j’ai pu assister à des répétions avec les mecs de Rogogine… on fumait des clopes et on buvait des bières c’était cool. Quand on a commencé à parler, ça va que j’étais avec ses potes sinon il m’aurait viré à coup de… enfin bref. Au bout de 10 ans , au fil des interviews qui se passaient bien, je me suis dit : si on fait des interviews comme ça, cela pourrait être sympa de faire un livre uniquement à base d’interviews, Murat par Murat.
7JàC : Ce projet est resté sans suite ?
P. A : Murat étant Murat, cela se passait très bien mais il voulait de moins en moins faire d’interviews pour des petits médias. Je bossais pour un site internet et Radio Campus et il privilégiait les gros médias nationaux. Cela devenait compliqué alors je suis passé à autre chose et je ne pensais plus à ce livre.
Murat était allergique à tout ce qui parlait du passé
7JàC : Et, du coup, comment se projet a-t-il refait surface ?
P.A : J’y ai repensé au moment de la sortie du Best of, je me suis dit c’était l’occasion de refaire une interview en parlant des débuts. J’en ai parlé à Laure, son ex-femme, qui s’occupe de sa société d’édition et comme j’avais du temps, je pensais faire une série d’interviews pour en faire un livre. Elle m’a dit qu’il était allergique à tout ce qui parlait du passé et que ce serait possible quand il serait parti… il est mort 15 jours après.
7JàC : L’éditeur a posé des conditions ?
P. A : Je voulais écrire sur Murat et l’Auvergne, Murat et la mort, Murat et le sexe… mais il n’aimait pas trop que ce soit un livre avec des interviews. Je commence donc à écrire le premier chapitre Le meilleur de Murat sur le Best of mais il me manquait l’interviews sur Babel qui parle beaucoup de l’Auvergne. J’ai appelé un ami, Pascal Mondaz qui était ingé son sur ce disque pour qu’il me raconte l’enregistrement. Une fois que j’ai mis le doigt dedans, j’ai fait 15 interviews derrière, notamment celle de son bassiste Fred Gimenez. Une interview d’une heure et demi. Il se souvient de tout, des rapports qu’ils avaient, des rapports de Murat avec la presse… c’était passionnant et l’éditeur a changé d’avis sur les interviews.
7JàC : Qu’est ce qui ressort de ces entretiens à propos de Murat ?
P.A : Ce qui ressort c’est que c’était très difficile de travailler avec lui mais qu’il était quelqu’un de passionnant qui essayait de mettre en avant les autres, qui donnait une chance aux gens qui venaient du bas de l’échelle y compris les ingénieurs son. Il ne voulait jamais refaire deux fois la même chose et à chaque album, il repartait toujours de zéro. Il était stimulé par le fait de travailler avec d’autres personnes, du coup il a mis le pied à l’étrier à beaucoup de personnes.
Il n’y a que les gens qui ne connaissaient pas Jean-Louis qui ne l’aimaient pas
7JàC : Il avait quand même la réputation d’être particulier…
P.A : Ce que disent les gens c’est qu’en effet, il était particulier mais une fois qu’on le connaissait, il se montrait généreux, ouvert sur les propositions des autres musiciens. Pascal Mondaz raconte que sur l’enregistrement de Babel, Murat a écrit les chansons, il les a joué au batteur et au bassiste, il a enregistré sa voix et après il a laissé les autres musiciens apporter ce qu’ils savaient faire. Il leur laissait carte blanche et si des choses ne marchaient pas, c’est lui qui s’adaptait. En fait ce qui ressort c’est qu’il n’y a que les gens qui ne connaissaient pas Jean-Louis qui ne l’aimaient pas.
7JàC : Il s’était quand même constitué une sorte de carapace…
P.A : Il essayait de se protéger des gens un peu casse-couille et des fans. C’est pour cela que lorsqu’il sortait, soit il avait des lunettes, soit il s’habillait comme un sac, avec une capuche pour ne pas trop se faire emmerder. Quand on a un tel niveau de popularité, on est facilement emmerdé. Pour les médias c’était pour avoir des punch-line lors de ses interviews, pour le reste c’était pour être tranquille mais globalement c’était quelqu’un d’accessible.
Que les gens confondent Johnny Hallyday et Elvis Presley, ça l’énervait
7JàC : D’après les témoignages, montrait-il une forme d’exigence ?
P.A : Oui, il était très exigeant avec lui même et avec les autres. Que les gens confondent Johnny Hallyday et Elvis Presley, ça l’énervait. Comme le dit Laure, il prenait un soin infini pour enregistrer. Il voulait de la spontanéité mais après il réenregistrait, il réécoutait, il ajoutait des choses… il voulait vraiment faire une œuvre et il ne sortait pas des trucs dont il n’était pas fier.
7JàC : Sous des airs nonchalants n’était-il pas un gros travailleur ?
P. A : Oui il bossait beaucoup mais il était anti travail normal… c’était paradoxal. Il se réveillait à 5/6 heures comme les paysans et il pouvait travailler jusqu’à minuit. Le résultat est là avec quasiment un disque par an, au total 31 albums en incluant les live, environ 500 chansons, mais beaucoup de titres inédits ne sont pas publiés et il y avait des choses qu’il a mis sur Internet et qui ne sont pas sorties.
7JàC : Un jour il a dit que malgré tous ces albums il restait l’outsider le chanson française. Tu confirmes ?
P. A : C’est un peu vrai puisqu’il a eu du succès mais après, parce qu’il sortait trop de disques et qu’il avait une grande gueule, il a été un peu mis au ban. Il a dit que Nagui était un con, du coup, il n’a pas fait Taratata, l’émission la plus populaire, pendant 10 ans. Après il a insulté le patron du Printemps de Bourges donc il a été banni du Printemps… et tout un tas de trucs comme cela. En fait, il aimait ça. Il aurait voulu avoir du succès, mais il ne voulait pas faire l’effort pour en avoir. Donc oui il avait un côté outsider.
Pierre Andrieu sera présent pour une rencontre-dédicaces autour de son livre Les jours du jaguar au tiers-lieu culturel Les Vinzelles à Volvic, samedi 27 avril 2024 à 19h.
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