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Arbitre sous la pluie / Photo Rugby+
"Sifflons sous la pluie" Photo Rugby+
Chroniques

L’arbitre, si tu continues…

Des gémonies auxquelles fut voué l’arbitre néozélandais d’un quart de finale perdu en Coupe du monde jusqu’au courant de sympathie porté à son collègue australien au terme d’un quasi hold-up réussi par le XV de France en terre écossaise, voilà étalée toute la complexité du rugby. Pris aux pièges d’un sport qui n’a de cesse que peaufiner des règles fleurant l’obscurantisme, Mr Beuriot serait-il donc un brin maso pour s’être jeté dans la mêlée ?

« Le mieux déjà, c’est de ne pas aller sur les réseaux sociaux, on peut y trouver des choses pas très…agréables ! » Paroles du Clermontois Benjamin Beuriot qui vient de rejoindre son voisin riomois Benjamin Hernandez dans la troupe d’élite de 32 arbitres habilités aux deux
divisions professionnelles. Et comme il faut bien commencer par le commencement, c’est en ProD2 qu’il opère sous licence de l’AS Montferrandaise.

Un ADN en jaune et bleu

Bon sang ne sachant mentir, Benjamin est petit-fils d’Henri Bourdillon, seconde ligne emblématique de l’ASM de 1963 à 79 avec deux finales à la clé, et fils de Patrick Beuriot lui-même ex-pratiquant montferrandais passé à l’arbitrage jusqu’au drapeau de touche duTop14.
Licencié à l’ASM depuis 25 ans, le petit Beuriot y a joué depuis l’école de rugby jusqu’aux Crabos (moins de 18 ans) jusqu’au jour où… « J’accompagnais souvent mon père lorsqu’il arbitrait en Fédérale1. Je m’interrogeais et je l’interrogeais parfois sur ses décisions ; c’est comme ça que j’ai fini par me prendre au jeu du sifflet. »

Les trois générations. Henri et Patrick encadrant Benjamin Photo Yves Meunier
Les trois générations. Henri et Patrick encadrant Benjamin / Photo Yves Meunier

Et Benjamin d’entamer son sacerdoce l’année où le club touchait enfin son premier Brennus. Des catégories de jeunes aux séries régionales, accrochant au passage une honorable 6e place au concours national du jeune arbitre, il suivit un fleuve pas forcément tranquille pour surmonter les embûches des compétitions fédérales puis nationales. « En progressant dans les divisions, le jeu va plus vite, les impacts sont plus forts mais en même temps les joueurs sont de plus en plus respectueux vis-à-vis de l’arbitre ! » C’est vrai qu’on n’est pas au foot (ndlr).

Une voie royale

Si à 30 ans Benjamin Beuriot vient de se voir immergé dans le rugby pro, il est un autre clermontois, de trois ans son aîné, qui a suivi aussi une belle trajectoire. Formé au rugby et au sifflet dans son club de Clermont la Plaine, l’éclectique Jérémy Rozier y a porté les numéros 9, 10 ou 12 au fil de sa croissance depuis l’école de rugby jusqu’aux seniors. Tantôt balle en main tantôt arbitre, Jérémy a joué sur les deux tableaux de 16 à 25 ans, il a été sacré meilleur jeune arbitre à 19 ans : « J’ai voulu être arbitre pour devenir meilleur joueur ».Tant il est vrai que « plus on maîtrise la règle, plus on va maîtriser sa relation avec l’arbitre et donc maîtriser son match » souligne avec clairvoyance notre ‘’auvergnat de Paris’’, où presque, puisqu’après avoir été international universitaire à 7, il est monté, diplôme STAPS en poche, de Clermont aux Yvelines.

Jérémy Rozier / Photo F.R. Ile de France
Jérémy Rozier / Photo F.R. Ile de France

Installé depuis quelques années à Plaisir comme prof d’EPS et responsable de la section sportive rugby d’un collège, l’arbitrage a pris le dessus avec une certaine réussite. D’abord à 7 en intégrant le circuit des World Rugby Sevens Series dès 2018, puis à 15 en rejoignant le ‘’Pool Top14’’ en 2022. Jérémy Rozier fera partie du panel des arbitres qui dirigeront les rencontres de rugby à 7 aux JO de Paris. La voie tracée par son aîné sera-t-elle celle de
Benjamin Beuriot ?

Ma petite entreprise

Pour l’heure, mis à part messieurs Raynal, Brousset, Trainini et Cayre qui sont pros (1), les autres arbitres du Top14 et de ProD2 ont, depuis peu, un statut d’auto-entrepreneurs qui constitue une avancée sur la voie de la professionnalisation du corps arbitral. Autant de ‘’petites entreprises’’ qui facturent à la FFR ou à la Ligue le temps passé à bien faire.

Les semaines commencent par le débriefing du dernier match, dûment supervisé, avant de peaufiner la préparation du suivant. L’arbitre échangera avec chacun des entraîneurs du prochain match, lesquels connaissent les ‘’petites manies’’ de leur interlocuteur mais ont toujours besoin d’en savoir davantage sur des phases techniques sujettes à interprétations. Et Dieu sait qu’au rugby c’est compliqué !

Le fond et la forme _Photo Yves Meunier
Le fond et la forme / Photo Yves Meunier

Si la préparation physique s’étale sur la semaine, c’est surtout le mardi que l’on peut croiser Benjamin sur les installations de l’ASM Omnisports. Renforcement musculaire, cardio et course de fond au programme. La FFR teste l’état de forme des arbitres quatre fois au fil de la saison et chaque mois ils se retrouvent dans des clubs pour des travaux techniques axés sur la cohésion de l’arbitrage (Il y en a besoin !).

Études supérieures pour devenir arbitre

Pendant ce temps là, l’Université de Clermont joue sa partition via un Pôle d’Expertise, de Recherche et de Formation, le ‘’PERF Arbitrage’’. Aboutissement d’une initiative née au début des années 2000, la proposition concerne aujourd’hui des étudiants déjà arbitres et engagés dans un cursus de licence quelle que soit la discipline, littéraire, scientifique ou juridique. Cette option ‘’arbitrage sportif’’, conçue en collaboration avec les Fédérations, concerne cette année 26 jeunes de 18 à 21 ans, les deux-tiers en rugby, un tiers en foot. (2) La professionnalisation de l’arbitrage étant appelée à se développer, l’Université de Clermont vient de mettre en chantier l’élaboration d’un référentiel de compétences destiné à préparer la transition professionnelle des arbitres de haut niveau qui, au rugby, sont mis à la retraite du sifflet à 45 ans. Avec un revenu annuel estimé entre 55 000 et 60 000 € pour un arbitre du TOP14 qui officierait chaque week-end, la reconversion s’impose. Certains jeunes anciens l’ont déjà trouvée en intégrant le staff de plusieurs clubs.

Au sifflet / Photo B. Beuriot
Au sifflet / Photo B. Beuriot

Ataraxie (la tranquillité de l’âme)

Tout comme son collègue Hernandez qui exerce dans la kinésithérapie à Riom, Benjamin Beuriot fait cohabiter son activité arbitrale avec un emploi à temps partiel. Il est responsable pédagogique pour la mairie de Clermont, manager d’une équipe d’animateurs sur les temps
périscolaires à l’école Charles Perrault et encadrant des jeunes dans les colos de vacances. Encore bien loin de la retraite, il n’est pas un obsessionnel : « Ce à quoi je veux m’employer avant tout, c’est de progresser jusqu’au plus haut niveau possible… on verra bien ! » La tranquillité de l’âme.

Ataraxie / Photo B. Beuriot
Ataraxie / Photo B. Beuriot

Entre les écrans géants, l’arbitrage vidéo, des stades bien remplis et les enjeux économiques des clubs pros, l’immersion en ProD2 n’a pas perturbé notre homme : « Je ne suis pas d’un naturel à me mettre la pression ! »
Ni sans doute à la subir même si un jour remontait des tribunes ce vieux chant populaire : ‘’L’arbitre, si tu continues tu seras pendu par la peau des fesses, l’arbitre, si tu continues…’’ (les anciens connaissent la suite !).

(1) Un peu plus de 2700 arbitres officient chaque week-end sur tous les terrains de la FFR

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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