Il fut Poupou ou encore l’Éternel second ou La gloire sans maillot jaune. Davantage qu’un champion, Raymond Poulidor a été le sportif le plus aimé de sa génération, capable d’attirer des millions de spectateurs au bord des routes et de déchaîner les passions.
Malchanceux dans le Tour
Cycliste doué et courageux, le Limousin a incarné, malgré lui, la malchance. Une malchance qui, certes, l’a accompagné sur les routes du Tour de France, comme en 1968 lors d’une édition qu’il ne pouvait pas perdre (il fut renversé par une moto) ou, un an auparavant, avec sa défaillance au Ballon d’Alsace qui le relégua dans le rôle d’équipier de luxe de Roger Pingeon. Cette même année, il échoua pour quelques centièmes lors du prologue dans sa conquête du maillot jaune, face à l’improbable Espagnol José-Maria Errandonea.
Surtout, Poulidor se heurta à une succession de champions hors pair : Jacques Anquetil, d’abord, qu’il affronta dans une rivalité qui déchira la France en deux : Anquetil, l’élégant blond, rouleur patenté à l’allure aristocratique, contre Poulidor, brun acharné, admiré de la France profonde. Puis Felice Gimondi sur qui il buta en 1965, après lui avoir concédé du temps en début de parcours. Puis vint l’heure d’Eddy Merckx, « le cannibale », décidé à ne laisser que des miettes à ses adversaires.
Un palmarès de choix

Sacralisé par ses vains exploits sur le Tour de France, Raymond Poulidor était un champion tout terrain, brillant aussi bien dans les courses par étape que sur les grandes classiques d’un jour. C’est d’ailleurs Milan-San Remo, la Primavera, qui le révéla au grand public lors de son succès, sur la Via Roma, en 1961. Poupou s’adjugea aussi le Tour d’Espagne, la Flèche Wallonne, Paris-Nice à deux reprises au nez et à la barbe d’Eddy Merckx, le Dauphiné Libéré, le Midi Libre, le Grand-Prix des Nations ou encore la Semaine Catalane, le championnat de France et le Critérium National, sans oublier ses sept victoires d’étape dans le Tour et le Super Prestige Pernod, qui récompensait le meilleur coureur international de la saison. Quant à ses places sur le podium, elles ne se comptent plus : du championnat du Monde à Paris-Roubaix, en passant évidemment par le Tour de France.
Le rôle d’Antonin Magne
Le duel qu’il livra à Jacques Anquetil sur les pentes du puy de Dôme en 1964 et que Raphaël Géminiani qualifie « d’enfumage » reste évidemment dans tous les esprits. Ce jour-là, une fois encore, il échoua de quelques secondes dans son rêve de maillot jaune… Pour de nombreux spécialistes, le Limousin aurait échappé à « la gloire sans maillot jaune » s’il n’avait été coaché par Antonin Magne, homme pour qui les valeurs étaient au-dessus même de la victoire. De fait lorsque Magne céda la direction de l’équipe Mercier (à laquelle Poulidor appartenait) à Louis Caput, au début des années 70, le champion limousin retrouva une nouvelle jeunesse. En dehors de ses deux Paris-Nice victorieux (72 et 73), il fit vaciller Merckx dans le Tour 1974, le distançant à deux reprises dans la Dent-du-Chat, au dessus du Lac du Bourget, puis à Saint-Lary-Soulan dans les Pyrénées. Mais Raymond Poulidor avait alors 38 ans et l’avenir ne lui appartenait plus, malgré un ultime podium sur le Tour…à l’âge de 40 ans.
L’éternel second s’est désormais éteint. Et il n’est pas sûr que le cyclisme retrouve un jour un champion aussi populaire…
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