7 Jours à Clermont : Fabrice, quand on se souviendra de l’histoire de l’ASM en 2021, on ne pensera ni à l’équipe de Franck Azéma, ni aux espoirs, mais on se remémorera bel et bien les filles de Romagnat ?
Fabrice Ribeyrolles : Il reste tout de même encore un match à disputer pour connaître la fin de l’histoire ! Une finale, c’est toujours un match différent à jouer, avec une semaine de préparation forcément particulière. Les médias ont été présents, ce qui est un peu nouveau pour nos filles. Avec mon staff, on a ressenti qu’elles étaient un peu excitées par tout ça et on a fait le nécessaire pour remettre le match contre Blagnac au cœur des débats. Alors l’histoire, on a plutôt envie de la marquer par une victoire que par une défaite et avec des larmes de joie plutôt que de tristesse. J’ai moi-même des souvenirs de joueurs avec l’ASM et même 27 ans après (finale du championnat de France 1994 perdue contre Toulouse) j’ai encore des regrets… Mais mes joueuses sont bien conscientes de ça et dès la fin du match contre Montpellier, elles n’avaient qu’une envie : préparer et gagner cette finale !
7JC : Vous n’étiez pas forcément « fan » de la nouvelle formule du championnat, pourtant vous avez tout de même su tirer votre épingle du jeu ?
F.R. : Une nouvelle formule qui est arrivée dans une année forcément particulière en plus ! La pandémie nous a obligé à marquer une pause en fin d’année, puis la reprise en janvier nous a demandé de nous adapter. C’est une saison qui a été très longue, puisque nous avions repris le chemin des terrains début août, puis connu une grosse coupure à l’automne lors du second confinement. On a pu s’appuyer sur un groupe de 35 filles, toutes volontaires et performantes. Ce groupe a su montrer sa force de caractère et sa faculté d’adaptation, pour rendre cette saison finalement très riche.
7JC : Avec cette élite élargie, les victoires ont-elles engendré la confiance ?
F.R. : Avec deux phases de poules on a du temps pour se construire et pour façonner notre état d’esprit comme notre jeu. C’est vrai que la première poule, avec 6 victoires en autant de matchs, dont une victoire à Bobigny, qui était la meilleure équipe, nous a permis de prendre conscience de nos possibilités. La seconde phase de poule nous a confirmé ce potentiel avec un match accroché à Toulouse, puis une victoire ensuite à domicile face à cette équipe redoutable. Dès lors, on a senti qu’on pouvait être le « caillou dans la chaussure » des meilleures équipes du championnat et qu’on était au niveau ! Le match contre Montpellier a finalement été la concrétisation du travail accompli et des espoirs que nous avons vu apparaitre en termes d’état d’esprit collectif et les qualités individuelles. On est maintenant déterminé à aller au bout …
7JC : Au-delà des simples performances, vous évoquiez la notion de travail. C’est une belle et juste récompense pour ce groupe et le staff qui l’accompagne ?
F.R. : Tout le monde a fait beaucoup d’efforts pour construire ce groupe sur ces cinq dernières années. Le club s’est peu à peu structuré pour accompagner les joueuses dans leurs projets sportifs bien sûr, mais aussi universitaires ou professionnels. Le staff sportif s’est étoffé en termes de préparation physique, kiné et analyse vidéo. Mon adjoint Vincent Fargeas a aussi apporté, en trois ans, une nouvelle façon de travailler qui m’a également permis de me confronter à d’autres choses. C’est un tout qui permet cette évolution permanente de notre club depuis cinq ans et la montée dans l’élite. Tous ces éléments, chapotés par notre présidente Marie-Françoise Magignot, qui réalise aussi un travail formidable, rendent notre club toujours plus attractif, y compris en matière de recrutement.
7JC : Dès lors, peut-on vraiment parler d’une surprise de retrouver l’ASM-Romagnat à ce très haut niveau de compétition ?
F.R. : Depuis que nous évoluons dans l’Élite 1 féminine, on a d’abord vécu deux saisons où nous étions en lutte pour le maintien. Avec le travail accompli et la mise en place d’un effectif de qualité, la troisième année a été marquée par un quart de finale. L’an passé a été stoppée par la pandémie mais, avec nos recrues et notre évolution, on a eu envie d’être plus ambitieux. On a su forcer notre destin pour se rapprocher du Top 4 et nombre de nos adversaires nous pensaient capables d’en faire partie ! Moi-même je le rêvais, ou plutôt je l’espérais… En tous cas, on sentait qu’on pouvait titiller les meilleures équipes et maintenant pourquoi ne pas prolonger ce rêve jusqu’à dimanche soir et cette finale…
« Finalement, le rugby est presque secondaire par rapport à tout ce que l’on a pu vivre sur le plan humain… »
7JC : Comme vous l’évoquiez Fabrice, il y a seulement 5 ans, cette équipe de Romagnat remportait le titre de seconde division et accédait à l’élite. Quand vous regardez ce parcours quel est votre tout premier sentiment ?
F.R. : Le premier sentiment c’est cette fierté ! Une fierté d’avoir accompagné ces filles, ce groupe, ce club. Une fierté d’être dans une logique de construction et d’avoir vu ces joueuses évoluer sportivement bien sûr, mais humainement aussi. On veut leur épanouissement personnel sur le terrain, comme en dehors. Alors on a parfois été obligé de jouer les pères fouettards et tirer quelques oreilles, tout en sachant aussi complimenter, soutenir et encourager. J’ai tellement d’affection pour toutes mes filles… Elles ont toujours le sourire et tout le monde est sous le charme de leur simplicité et de leur envie de partager leur passion. Finalement, le rugby est presque secondaire par rapport à tout ce que l’on a pu vivre sur le plan humain…
7JC : Vous avez fait partie de la progression de La Rochelle en faisant monter le club en Top 14, gagné des titres avec les espoirs de l’ASM, vous avez l’âme d’un bâtisseur avant tout ?
F.R. : Ce sont des projets différents les uns des autres, mais c’est gratifiant pour un entraineur de former des jeunes. Accompagner ces jeunes filles, qui deviennent peu à peu des femmes, créer un état d’esprit autour des valeurs du rugby comme le partage, l’entraide, le courage aussi. Le mot de « bâtisseur », que vous employez dans la question, me plait assez quand je vois ce qu’on a mis en place depuis plusieurs années autour de ce projet. C’est vraiment génial de partir avec des jeunes plutôt que de devoir seulement contrôler des « formule 1 » déjà bien aguerries.
7JC : Une construction à dimension humaine qui vous a permis de battre le triple champion en titre de Montpellier en demi-finale, et avec la manière qui plus-est ?
F.R. : Une fois encore, dans l’état d’esprit, mes joueuses ont été exemplaires et on a assisté à un match vraiment extraordinaire en terme d’investissement. Ce courage, cette volonté de ne rien lâcher et de faire des efforts supplémentaires, malgré la chaleur. C’est la force de notre groupe, dans ces matchs où le cœur a son importance. Sur le plan rugbystique on peut sans doute faire mieux encore, mais quand on a ce niveau d’engagement, on a les armes pour aborder dans les meilleurs dispositions cette finale qui se déroulera en plus sur le terrain de Blagnac. Je sais qu’on aura le courage et la volonté de franchir cette dernière marche.
7JC : Il reste donc encore une marche à franchir avec cette finale face à Blagnac, une autre « demi surprise », qui sera favori ce dimanche ?
F.R. : « Blagnac c’est tout sauf une surprise, ou même une demi surprise, à mes yeux ! C’est une équipe qui forme également des jeunes, qui joue très bien au rugby. Une équipe complète avec un groupe intéressant. Ce sont deux équipes qui se ressemblent mais avec l’avantage du terrain, Blagnac a peut-être une petite avance de 51 % contre 49. Toutefois, c’est à double tranchant parce qu’à domicile, tu n’as pas le droit de perdre … La pression sera terrible sur leurs épaules, pendant que nous aurons tout à gagner !
7JC : On dit qu’une finale ça se gagne ! Comme joueur vous en avait gagné et perdu, cette expérience peut servir pour le discours et la préparation de cette dernière semaine de compétition ?
F.R. : « C’est l’avantage de mon vieil âge (rires) ! J’ai en effet vécu plusieurs expériences, de victoires comme de défaites, que ce soit en tant que joueur ou en tant qu’entraîneur. Ces expériences me donnent « les billes » nécessaires pour, je l’espère, bien gérer les évènements et les émotions aussi. Une expérience aussi pour bien préparer l’approche de la rencontre, comme on a su le faire la semaine passée, mais aussi savoir récupérer. On met tout en œuvre pour que les filles soient dans les meilleurs dispositions à chaque étape, avec l’aide d’une préparatrice mentale également pour éviter de subir ces émotions. Mon expérience, dans les discours, dans les petits moments importants d’avant-match, doit nous permettre d’être précis dans la préparation de ce match et éviter tous les éléments qui peuvent polluer et nuire à l’état d’esprit ou à la forme du groupe. Pour le reste, on ne peut jamais être sûr de rien et c’est la beauté même du sport et du rugby en particulier … »
ASM-Romagnat – Blagnac, finale du championnat de France Élite 1 Féminine, dimanche 20 juin à 17 h au stade Ernest-Argelès de Blagnac (Sur Eurosport 2 et France 4). Pour plus d’informations sur la rencontre : www.asm-rugby.com
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