Sous la pression du numérique, le monde est devenu un monde d’images. Avec des réseaux sociaux acteurs de la diffusion instantanée, passer à côté d’une info est devenu improbable. Revers de la médaille, la technologie contribue, la plupart du temps, à rendre les photos vides de sens et de sensibilité. Un pont qui s’effondre, un accident de la route, une bombe qui explose en Ukraine et voilà immédiatement un cliché afférent plus ou moins bien réalisé par Monsieur Toutlemonde, mais assurant, malgré tout, son rôle informatif.
Ce type d’image a finit par mettre dans l’ombre le travail des photojournalistes, métier hybride apparu à la fin du XIXe siècle lorsque la presse a trouvé les moyens techniques d’illustrer les parutions. Yan Morvan est l’héritier des Cartier-Bresson, Depardon, Freund, Riboud, Salgado et bien sûr Capa grands noms de cette profession qui a su réunir le meilleur de la photo et du journalisme. Né en 1954 à Paris, Morvan est considéré comme l’un des plus grands photojournalistes et reporters de guerre français.

Une véritable rétrospective du travail de Yan Morvan

François-Nicolas L’Hardy, directeur de l’Hôtel Fontfreyde, centre photographique de Clermont et Yan Morvan ont conçu ensemble Résistance mémorielle, une exposition rétrospective dont la scénographie hors norme démontre non seulement l’incroyable sens de l’instant du journaliste, mais aussi son talent inné pour le cadrage et la lumière. L’exposition présente le travail réalisé sur différentes périodes en différents points de conflits. L’Irlande du Nord en noir et blanc, avec parfois la granulosité  typique de la photo argentique, le Liban traité en Cibachrome avec une exceptionnelle qualité ou encore des champs de bataille redevenus calmes, immortalisés à la chambre photographique. Plus proche de l’actualité, le travail récent consacré à la guerre en Ukraine illustre parfaitement le style de Yan Morvan qui n’a de cesse de mettre l’humain en avant, quel que soit l’instant où la situation. Dans une neutralité absolue, le photographe apporte le précieux témoignage de ce qui est vécu par les militaires et les civils dont l’appartenance à un camps ou à un autre n’a aucune importance.

Photographe, journaliste et auteur

Yan Morvan a d’abord suivi des études de mathématiques avant d’étudier le cinéma.  Dans les années 70, il réalise ses premiers reportages en s’intéressant notamment aux mouvements rockeur et punk puis à la prostitution en Thaïlande. En 1974, il publie sa première photographie dans le quotidien Libération, début d’une collaboration de deux ans avec les agence Fotolib de Libération et Norma. Son premier livre sur les rockeurs paraît en 1976 et annonce un travail consacré au gangs qui s’étalera sur deux décennies. Par la suite, il rejoint les équipes de Paris Match et du Figaro Magazine jusqu’en 1980, puis de 1980 à 1988, il devient correspondant permanent de l’hebdomadaire américain Newsweek, pour lequel il couvre les grands conflits. Il est même présent au mariage de Lady Di et du futur roi dont la photo fera le tour du monde. À partir de 1988, il redevient indépendant collaborant avec la plupart des grandes publications internationales. Ses reportages de guerre lui valent de nombreux prix comme le prix Robert-Capa, pour son travail au Liban en 1983. Depuis 2004, il enchaîne les reportages sur des sujets de fond : les banlieues et les victimes de guerre ou de la route.
Cofondateur en 1997 du premier magazine photo en ligne Photographie.com, il est aussi l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont certains sont devenus des références : Bobby Sands, Belfast (1981), Champs de bataille (2015), Blousons noirs (2016), Liban, chroniques de guerre 1982-1985 (2018), Pigalle (2020), Gangs story (2022).

Résistance mémorielle, Yan Morvan – Hôtel Fontfreyde, centre photographique, rue des Gras à Clermont jusqu’au 1er juin 2024
L’exposition est accompagnée de la sortie d’un numéro exceptionnel des Archives Yan Morvan – en vente à l’accueil
Rencontre discussion  Conflits et construction de l’Union Européenne mercredi 29 mai à 18 heures avec Yan Morvan et Stéphane Aubouard, rédacteur en chef Monde de Mariane, salle Conchon à Clermont.