Lorsque l’on évoque le sujet des nouvelles mobilités, combien de fois entendons-nous « plus de voitures électriques c’est plus de centrales nucléaires ». Interrogé sur la question, Pierre-François Mangeon, directeur territorial Enedis Puy-de-Dôme qui a tous les chiffres en tête, peut démontrer assez simplement le contraire. Le job d’Enedis c’est d’acheminer le courant, pas de le vendre. On ne peut donc pas l’accuser de partialité. Avec ses 1000 agents, Enedis veille sur 20 000 km de lignes et 10 000 transformateurs dans le département du Puy-de-Dôme. Le rôle majeur de l’entreprise est donc d’assurer la continuité entre les fournisseurs et les usagers en évitant les ruptures et en surveillant les éventuelles « surchauffes ». L’électricité qui passe par les câbles est à ce jour décarbonée à 93% grâce, en partie, au nucléaire. Est-il besoin de rappeler que la lutte contre le réchauffement climatique est avant tout une lutte contre le carbone.
L’évolution en chiffres
A propos du développement de la voiture électrique et ses impacts sur les besoins, les chiffres de Pierre-François Mangeon parlent d’eux-mêmes : 1 million de voitures électriques consomment 2 térawatts- heure/an soit l’équivalent 0,4% de la consommation totale en France. A ce jour le nombre de voiture 100% électriques qui circulent dans l’Hexagone est de l’ordre de 125 000 avec une hausse à 150 000 estimée pour 2022. A l’horizon 2030, les prévisionnistes tablent sur 7 millions de véhicules, soit à peine 3% de la consommation totale. Les équipements actuels de production ajoutés à d’éventuelles importations suffisent largement aux futurs besoins. Ce qu’il faudra surveiller en revanche c’est la consommation instantanée car comme chacun le sait, on n’a pas encore de solutions à grande échelle pour stocker l’électricité, (même si des entreprises avancent dans ce domaine – voir notre article consacré à la sté IBS). Si 7 millions d’utilisateurs chargent en même temps leurs véhicules, cela prendra une très grande partie de l’électricité disponible sur l’instant. L’enjeu final n’est donc pas de fournir plus avec plus de centrales, mais bien de trouver des solutions pour un lissage de la consommation quotidienne, la voiture devant partager ses besoins avec d’autres usages, eux aussi en hausse.
Le compteur Linky, une aide précieuse
Le compteur Linky… en voilà encore un sujet de polémiques et de fantasmes. Accusé de tous les mots, d’être un mouchard au profit de mauvaises intentions. Dans le cadre du lissage de la consommation il jouera un rôle essentiel car contrairement au vieux compteur, il est capable de donner des informations sur les besoins et surtout sur les périodes d’utilisation. Les données récoltées seront précieuses pour connaître les habitudes et anticiper les pics de consommation liés non seulement à la voiture électrique mais aussi aux besoins de chauffage ou de climatisation qui deviennent de plus en plus importants, on a pu le constater durant les derniers étés. Il pourra également apporter une aide à la construction des tarifs modulables (comme le bon vieux « heures pleines-heures creuses ») qui inciteront à recharger ou à consommer à certaines périodes de la journée ou de la nuit.
Révolution, évolution
L’automobile vivant une révolution, la distribution de l’électricité doit, de son côté, évoluer dans un contexte d’urgence climatique. Enedis comme toutes ses homologues dans le monde, visent la bonne équation entre transporter plus d’électricité et utiliser de l’énergie renouvelable qui a une fâcheuse tendance à être instable en particulier lorsqu’elle dépend du soleil ou du vent. Quand on sait que 95% de l’énergie renouvelable est raccordée au réseau public français, on mesure l’enjeu du besoin d’une production stable et pour l’instant seul le nucléaire semble être capable de répondre à l’équation. Dans l’avenir l’autosuffisance apportera une réponse mais elle sera partielle car difficile à mettre en œuvre en milieu urbain là où les besoins sont les plus importants.
Pour terminer une comparaison : la consommation électrique du Puy-de-Dôme en 2018 équivaut à la production de 580 éoliennes. Une éolienne de 3 mégawatts mesure 210 mètres de haut, soit nettement plus que les flèches de la cathédrale de Clermont, elle a une durée de vie de 20 ans et repose sur un bloc de 1 500 tonnes de béton et de ferraille, non réutilisable, que les propriétaires n’ont pas obligation de détruire…
Commenter