Martine Lebeau dit avoir été chanceuse car, lorsqu’elle était enfant, ses parents lui offraient régulièrement des livres et avaient préféré installer une bibliothèque plutôt qu’un coffre à jouets dans sa chambre. Ainsi, lorsqu’elle jouait à la marchande, elle devenait libraire et adorait cela, annonçant sans une once d’hésitation que son futur métier serait soit librairie soit bibliothécaire. A 15 ans et demi, grâce à une dérogation, elle put entrer en apprentissage dans ce que l’on appelait à l’époque un bazar, un commerce de proximité (situé boulevard Jean-Jaurès – ndlr) où l’on pouvait acheter des cadeaux, des jeux, de la papeterie mais surtout des livres ou plutôt une sélection d’ouvrages destinée à la clientèle du quartier. La « patronne » épatée par le profil de Martine lui donna, en bonne pédagogue, toutes les bases du commerce.
Et commença l’aventure Les Volcans
« Je suis arrivée à la Librairie Les Volcans d’Auvergne le samedi 13 septembre 1980 » se souvient Martine Lebeau avec précision. « J’étais affectée au rayon vie pratique et livre scolaire, mais je me suis surtout consacrée au scolaire, un univers particulier avec des codes bien précis. En 1990, j’ai changé pour la logistique qui vivait son passage à l’informatique». En 2008, elle retrouve la surface de vente et devient responsable du pôle scolaire-universitaire durant une période difficile pour les Volcans, qui sous l’enseigne Chapitre, se retrouve au centre d’une réorganisation ratée, glissant inexorablement vers une liquidation judiciaire en 2013. « A ce moment là, j’avais envie de créer mon propre commerce, je ne voulais pas rester dans une structure risquant d’être reprise pas un grand groupe. Finalement en l’absence de repreneur, l’idée de la SCOP est sortie mais il a fallu pleurer pour obtenir nos licenciements et nos indemnités ». Sur 32 salariés, seulement 12, dont Martine Lebeau, se lancent, contre vents et marées, dans le projet de rachat de leur outil de travail avec embauches à la clé. « Même l’Union Régionale des SCOP, était sceptique. On nous conseillait de rester entre nous, de réduire la surface commerciale, de fermer le rayon disque, mais on a tenu bon et on s’est battu pour rester sur le même modèle». Finalement l’équipe atteint son but, monte la SCOP Librairie Les Volcans et pousse une Martine hésitante à devenir gérante. Elle finit par accepter avec un partage de responsabilités proposé à un co-gérant. Aujourd’hui, elle assure seule la destinée d’une entreprise forte de 44 salariés dont 3 affectés à Horizons, la librairie riomoise récemment rachetée.
Femme de conviction avant tout
Elue dans les instances représentant le personnel dès les années 80, d’abord sans étiquette, puis avec une carte à la CGT, Martine Lebeau réfute tout engagement idéologique. « Comme pas mal de salariés des Volcans à l’époque, j’ai pris une carte à l’occasion des négociations sur les 35 heures. Un syndicat est avant tout un garde-fou, permettant de garantir ce qui doit l’être. Je me souviens d’un mouvement de grève pour une revalorisation des salaires et un changement de statut pour certains employés. Je fêtais mes 20 ans de librairie, le directeur ne voulait rien lâcher et nous, nous étions en grève sur le trottoir. Notre action était réellement justifiée ».
Si elle milite encore aujourd’hui, elle le fait pour l’ESS, l’Economie Sociale et Solidaire. « Je suis appelée régulièrement à témoigner partout en France sur la réussite de la SCOP Les Volcans et chaque fois que je me déplace, je me retrouve dans une communauté qui échange et qui partage sans que l’argent soit une priorité. Je constate qu’il se crée tous les jours des établissements sous forme de SCIC ou de SCOP dans de nombreux secteurs. Ces créations correspondent à un nouveau courant qui cherche à casser les codes d’une économie qui est tout sauf une économie de la répartition ».
En septembre prochain, Martine Lebeau arrivera à la fin de son mandat. L’équipe lui demandera certainement de rester quatre ans de plus, ce qu’elle devrait accepter même si de temps à autres elle imagine troquer son bureau pour un lieu où elle pourrait d’avantage s’exprimer sur les bienfaits de L’ESS : « Martine au Parlement » en voilà une bonne idée pour relancer la fameuse série… vous ne trouvez pas ?
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