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Jean Anglade, inlassable écrivain -extrait du film "Jean Anglade, mon héritage" d'Yves Courthaliac et Didier Blandin.
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Jean Anglade : l’entretien « Poussières »

En 2011, Jean Anglade avait 96 ans et il nous avait reçu dans sa maison de Ceyrat. Nous vous proposons de retrouver quelques uns de ses propos alors que vient de paraître "Poussières", un recueil de nouvelles inédites, à l'occasion du troisième anniversaire de sa disparition.

Les éditions Presses de la Cité viennent tout juste de publier Poussières, recueil de dix huit nouvelles inédites de Jean Anglade, écrites entre 1931 et 1934, à travers lesquelles pointe déjà la personnalité de l’auteur. A cette occasion, qui correspond aussi au troisième anniversaire de sa disparition, nous vous proposons les extraits d’un entretien qu’il nous avait accordé en 2011, à l’âge de 96 ans, dans sa maison de Ceyrat. A l’époque, il venait de publier son cent cinquième ouvrage Le dernier de la paroisse, un roman paru chez Calmann-Lévy.

QUESTION : A votre âge avez-vous toujours la même activité d’écriture, le même plaisir éventuel, ou peut-être la même souffrance, devant la page blanche ?

JEAN ANGLADE : Écrire est à la fois un plaisir et une nécessité. Cela me fait oublier mes chagrins, la solitude, la vieillesse, les angoisses. Cette activité intense nécessite d’aller dehors, de rencontrer des gens, lecteurs et éditeurs, de recevoir du courrier, de fréquenter les salons du livre. Quant à l’exercice d’écriture, je ne l’ai jamais considéré comme fastidieux. C’est comme le pâtissier qui n’aimerait pas faire des bugnes, il ferait mieux, alors, d’envisager un autre métier…

Q : Votre long parcours littéraire n’est pas linéaire. Il a été marqué par plusieurs périodes…

J.A : Un peu comme Picasso, j’ai eu ma « période bleue ». Mes premiers livres se déroulaient un peu partout autour du monde, toujours hors de l’Auvergne. Un jour, un peu par hasard, j’ai situé un récit dans la région. Le roman, publié chez Julliard, s’appelait Une pomme oubliée. Il a connu un très grand succès, a été adapté pour la télévision. Cela a constitué un signe fort pour moi et j’ai été appelé à m’occuper un peu de mon pays natal. Ainsi a commencé la « période verte » que je n’ai plus quittée.

Q : Votre succès ne se dément pas. Pouvez-vous nous donner quelques chiffres de vente ? Et existe-t-il une recette pour séduire le public ?

J.A : Si je connaissais la recette du succès, je serais milliardaire. Cela dit, je n’ai pas à me plaindre. Je vends en moyenne entre 30.000 et 100.000 livres à chaque parution. Après l’édition initiale, mes ouvrages paraissent généralement en livres de poche et vont sur des circuits de diffusion comme « France Loisirs ». Les lecteurs ont une vraie affinité avec les romans régionaux, leurs auteurs vendent plus que les écrivains parisiens, si ce n’est l’exception des prix littéraires.

Q : Avez-vous eu un maître en littérature ? 

J.A :  Pour moi, c’est assurément Alexandre Vialatte. Je ne me suis pas fait inscrire au « Club des Vialattiens » lancé par La Montagne. Ces gens-là, à mon avis, espèrent qu’un peu du talent de Vialatte va rejaillir sur eux… Mais j’ai aimé son style, son humour, ses chroniques. Personne n’écrit des chroniques aussi bien que lui. Son seul défaut ? Il avait tendance à se répéter mais son écriture était magnifique… Je ne cultive pas la même admiration pour Henri Pourrat. Son Gaspard des Montagnes et ses contes s’avèrent appréciables mais le reste de son œuvre n’a guère d’intérêt.

Q : Vous avez traversé presque un siècle. Quels événement vous ont marqué ?

J.A :  D’abord et avant tout la première guerre mondiale. Elle m’a enlevé mon père et deux oncles. Je n’ai connu mon père que pendant dix jours, le temps d’une permission. A l’époque, nous habitions un tout petit logement à Thiers. Il a du repartir vers la guerre et n’en est jamais revenu. Il est mort lors de la Bataille de la Somme en septembre 1916. Je n’ai jamais guéri tout à fait de cette absence.

Q : Dernière question : et Dieu dans tout ça ?

J.A : J’ai été assez croyant jusqu’au jour où j’ai perdu ma femme. J’ai prié, prié en vain. Désormais, je reconnais l’existence d’un créateur. Mais je ne crois plus en sa bonté suprême et naturelle…

Jean Anglade.

Antonin Sabot, Prix Jean Anglade 2020

Créé en 2018 par Les Presses de la Cité en hommage à l’écrivain disparu, le Prix Jean Anglade récompense un primo-romancier ayant mis en avant, dans son texte, les valeurs de l’humanisme et de l’universalité. En 2020, pour sa deuxième édition, le Prix a été attribué à Antonin Sabot pour « Nous sommes les chardons ». Un livre qui raconte la quête initiatique d’un homme parti sur les traces de son père décédé, pour mieux comprendre d’où il vient et ce qu’il vit. L’auteur, qui a grandi entre Saint-Etienne et la Haute-Loire, a été journaliste au Monde et reporter en France et à l’étranger. Aujourd’hui, revenu vivre dans le village de son enfance, il avoue partager son temps entre l’écriture et la marche dans la forêt.

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

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