L’année de la bataille de Marignan, en 1515, Jacques d’Amboise alors évêque de Clermont peut enfin voir trôner place Derrière-Clermont, (une placette au cœur des jardins de l’évêché, à l’emplacement de la Place de la Victoire) la fontaine qu’il a commandée au sculpteur Chapart quatre ans plus tôt. A l’époque cette fontaine avait un rôle décoratif mais aussi utilitaire puisqu’elle était le point d’approvisionnement en eau pour les habitants du quartier. En 1809 pour éviter que les enfants qui jouaient autour ne la dégrade à force de jeter des cailloux dedans, les autorités de l’époque décident de la transférer place Dellile, mais en 1855 le transit et les déplacements de véhicules sont si important sur cette place qu’il est de nouveau décidé de la déplacer. Elle part vers le sud, sur le chic Cours Sablon, à l’angle de l’avenue Carnot. Un siècle plus tard, en 1962, considérant qu’elle était un danger pour les nombreux automobilistes qui froissaient régulièrement leur carrosserie contre son bassin, la fontaine de Jacques d’Amboise remonte sur le plateau central. Elle se pose, à priori définitivement, Place de la Poterne, à quelques dizaines de mètres de son emplacement d’origine.
Incontinence et fragilité de la pierre
Construite en pierre de Volvic, la Fontaine d’Amboise est une œuvre qui mélange le style Gothique de son architecture avec le style Renaissance de son décor sculpté aux influences italiennes. Elle est composée de trois niveaux de bassins superposés et l’eau coule en filets, de bassin en bassin, depuis de nombreuses figures sculptées en forme de gueules de poissons et de personnages dont certains cachent leur nudité avec des grappes de raisin. Les observateurs auront même repéré une auvergnate « pisseuse » se soulageant, jupe relevée. Au bout de 500 ans d’une activité pour le moins humide, de conditions météo faisant le grand écart et de démontages –remontages successifs, le péril commençait à guetter ce chef d’œuvre. Une étude menée en 2015 par l’agence d’architecture et du patrimoine Christian Laporte révèle des problèmes de fuites, d’étanchéité et de pathologie de la pierre devant être traités rapidement. Aidée par l’Etat, la Région et le Département, la Municipalité lance en 2019 une restauration pour coût total de 274 000 €.
Les spécialistes du patrimoine au chevet de la plus vieille fontaine Clermontoise.
Dans son sarcophage de tôle et de toile, la fontaine a fait l’objet d’une cartographie qui permet de mesurer l’ampleur des dégâts et de révéler par exemple que le bassin intermédiaire penche de trois centimètres… Trois corps de métiers œuvrent sous le contrôle de l’Agence Laporte avec le parti pris de ne démonter que les pièces libres et faciles à isoler, le reste de la fontaine étant traité « in situ » pour ne pas la fragiliser. L’entreprise Geneste, bien connue dans le milieu des travaux patrimoniaux, traite l’ossature béton et les mortiers, les parties plomb et fontainerie sont confiées aux entreprise Nailler et Hydatech, alors que les sculptures sont traitée par Ippolita Romeo. Au total une petite dizaine de personnes travaillent à temps plein sur l’édifice qui fut classé Monument Historique en 1886. En fonction des conditions météo et du froid qui peut entraver le bon déroulement du chantier, la Fontaine d’Amboise devrait être remise en eau en mai prochain, après 5 mois passés au régime sec.
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