Ce fut l’excursion à la mode, le déplacement incontournable, le lieu où il fallait se rendre, un passage obligé. Direction la Haute-Marne où les hommes politiques de tout bord se sont rendus la semaine dernière, sur la tombe du général de Gaulle, à six mois de l’élection présidentielle. Tous se réclamant évidemment dignes héritiers de la mémoire du « grand Charles », l’homme de la France libre et de la Ve République.
Indignes ou pitoyables, pathétiques ou simplement opportunistes, ils se sont succédé avec le moins de discrétion possible, comme ils vont au Salon de l’agriculture, à la fin de l’hiver, toucher le cul des vaches. Tous « gaullistes », évidemment…
Lequel ?
Qu’importe si l’histoire nous apprend qu’il y eut plusieurs de Gaulle. Celui de Londres, bien entendu, isolé mais volontaire, visionnaire et providentiel. Celui de 1958, plus discutable, prêt à accepter un putsch militaire pour reconquérir le pouvoir en pleine crise algérienne. Le chef d’état partisan de l’Algérie Française qui finit par accorder l’indépendance à l’ancienne colonie. Le de Gaulle de la bombe atomique et celui de la Vème République. Ou encore le vainqueur de l’élection présidentielle de 1965 et le vaincu du référendum de 1969 sur la décentralisation. L’homme qui se retira au soir de la défaite, au crépuscule de son existence.
Un autre siècle
Se réclamer du Gaullisme, plus de cinquante ans après la disparition de l’ancien chef de l’Etat tient évidemment de l’archaïsme sinon de l’imposture. De Gaulle aujourd’hui serait-il un libéral convaincu ? Accepterait-il sans broncher de prendre le train de la mondialisation et de l’immigration massive ? Serait-il un Européen enthousiaste ou sceptique ? Et quelle position adopterait-il face à la crise écologique ? Nul ne le sait évidemment, pas même ceux qui se réfèrent aujourd’hui encore à l’ombre du patriarche de Colombey-les-deux-églises. Ces interrogations, en réalité, n’ont pas lieu d’exister puisque l’époque nous précipite dans un monde mutant et inquiétant, effaçant les équilibres du siècle dernier. En Angleterre, Winston Churchill a cessé depuis longtemps d’inspirer les hommes politiques et en Russie, le Stalinisme n’attire plus que quelques nostalgiques de la toute-puissance soviétique, oublieux des crimes commis par le tyran. Ici aussi, le temps est venu de laisser de Gaulle à l’histoire et au repos éternel. Sinon, ce serait le trahir.
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