Les investisseurs s’emparent sans ménagement du sport de compétition quitte à en extraire la substance et à en piétiner allègrement l’histoire. Ces businessmen ont reniflé la bonne affaire et peu importe l’odeur lorsque les opérations s’annoncent juteuses. La Formule 1 pourrait apparaître comme la quintessence de ce phénomène…
Standardisée, déshumanisée, ayant perdu depuis longtemps tout ce qui en faisait le charme dans un autre siècle, la discipline a longtemps dérivé avant d’être vendue – comme un immeuble ou une start up- à la société Liberty Média, appartenant majoritairement au milliardaire américain John C. Malone. Le nabab s’est alors attaché à en faire un produit de consommation juteux en même temps qu’un « univers » bankable et bien dans l’air du temps. Avec des héros- qui n’en sont plus, lissés, contrôlés jusque dans leurs attitudes et leurs déclarations sur les réseaux sociaux.
Les lois du marché
On a appris récemment que Liberty Média étendait son OPA sportive sur le Moto GP, dont les droits étaient jusque-là détenus par les espagnols de La Dorna. Pour 4 milliards d’euros, la société s’offre une nouvelle vitrine attractive. « Le Moto GP est une ligue mondiale avec une base de fans fidèles et enthousiastes, une course captivante et un profil financier très générateur de liquidités » a réagi le CEO (Chief Executive Officer) de Liberty Média, Greg Maffei. Autant dire que les puristes de la moto ont de quoi s’inquiéter. Toujours plus de visibilité et de chiffre d’affaire, plus de spectacle et moins de sport, moins de tradition. La formule a déjà fait ses preuves…
Tous azimuts
Partout, les valeurs et l’éthique sont bousculées, malmenées, partout les spéculateurs sont à l’œuvre. Le football exalte l’avidité, les plus grands clubs appartiennent à des milliardaires voire à des états peu recommandables. Et ils en veulent davantage, envisageant de créer une « super ligue de football » fermée au détriment de l’actuelle Ligue des Champions. Le golf vient en quelque sorte d’exploser en vol avec la création du LIV Tour, financé par l’Arabie Saoudite. Le circuit impétrant a récupéré une grande partie des meilleurs joueurs mondiaux qui se produisent désormais dans des épreuves ressemblant davantage à des show qu’à de véritables compétitions. Quant au cyclisme, il pourrait être à son tour gangréné en raison du projet ourdi par cinq des plus puissantes formations- dans le sillage de Richard Plugge le patron de Visma Lease a Bike. Son idée ? Générer un nouveau modèle économique au travers de la création d’une ligue réservée aux plus riches et d’un réaménagement brutal du calendrier.
Face à cette dérive, en forme de pillage, le pouvoir sportif se révèle généralement atone, exsangue, dépassé, dépouillé de ses prérogatives lorsqu’il n’est pas complice et lui-même à la manœuvre. L’appétit, il est vrai, vient en mangeant.
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