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Emile Duclaux- © Institut Pasteur - Coll. musée Pasteur
Histoire

Emile Duclaux : un savant auvergnat engagé dans l’affaire Dreyfus

Il fut l'un des plus proches et des plus zélés collaborateurs de Louis Pasteur. Emile Duclaux participa aussi activement à l’affaire Dreyfus, de 1898 à 1904.

Emile Duclaux décède d’une hémorragie cérébrale le 2 mai 1904. Il a souhaité des obsèques civiles les plus discrètes. Et pourtant à la levée de son corps dans son domicile du 39 avenue de Breteuil à Paris viennent lui rendre un dernier hommage trois ministres : Vallé, garde des Sceaux, Chaumié, instruction publique, Doumergue, colonies, le préfet de police Lépine, les députés Jean Jaurès et Denys Cochin, des Pastoriens : Emile Roux et Elie Metchnikoff. Le cercueil est porté en gare d’Austerlitz suivi d’une foule nombreuse. A l’arrivée à la gare d’Aurillac, un millier de personnes accueille le cercueil de la gare au cimetière où le savant sera inhumé.

L’immeuble où il accueillit Pasteur, rue Montlosier.

Aujourd’hui, Emile Duclaux fait partie des oubliés de l’histoire. Il a pourtant occupé une place centrale à son époque à la fois comme physicien, chimiste et biologiste, chercheur et enseignant, il fut l’un des plus proches collaborateurs de Louis Pasteur. Il enseigna à la faculté des Sciences de Clermont-Ferrand de 1866 à 1873. Une vitrine au musée Lecoq avec des portraits et des instruments, un boulevard Duclaux et une plaque rue Montlosier où il accueillit Pasteur en 1871 sont désormais les rares témoins de son passage. Mais ce ne sont pas ses recherches sur la fermentation de la bière à la brasserie Kuhn à Chamalières qui nous intéressent aujourd’hui mais son engagement dans l’affaire Dreyfus.

Un scientifique sans peur

Emile_Duclaux- photo Pierre Petit/Wellcome.

Directeur de l’Institut Pasteur, professeur à la faculté des sciences de Paris et à l’Institut agronomique, membre de l’Académie des sciences et de l’Académie de médecine, commandeur de la Légion d’honneur, Emile Duclaux est un homme connu et reconnu quand éclate l’affaire Dreyfus. C’est à l’initiative du président du Sénat Scheurer-Kestner qu’Emile Duclaux est invité à entrer dans l’affaire Dreyfus.

L’affaire semble simple en apparence, un capitaine de l’armée française d’origine juive est condamné par un conseil de guerre en 1894. On l’accuse d’être un traître mais sa culpabilité ne tarde pas d’être mise en doute. Cette affaire qui va durer douze ans, provoque une crise politique majeure et bouleverse toute la société française. C’est un immense scandale où se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme.

Scheurer-Kestner est convaincu de l’innocence du condamné. Il a alerté le président de la République, puis le Ministre de la Guerre, mais n’ayant été entendu ni de l’un ni de l’autre, il décide d’alerter scientifiques, littéraires et journalistes. C’est ainsi qu’il se tourne vers Duclaux. « Vous avez bien voulu me demander ce que je pense, comme savant, de l’acte d’accusation porté contre le capitaine Dreyfus, tel qu’il a paru hier dans les journaux. Je pense tout simplement que si, dans les questions scientifiques que nous avons à résoudre, nous dirigions notre instruction comme elle semble l’avoir été dans cette affaire, ce serait bien par hasard que nous arriverions à la vérité » écrit Emile Duclaux au vice-président du sénat.

Un engagement actif et constant

Emile Duclaux est le second scientifique à s’engager publiquement. Il accepte que le 10 janvier 1898, soit publiée, dans le Temps la lettre à Scheurer-Kestner, soit trois jours avant le J’accuse de Zola paru dans l’Aurore et quatre jours avant la première protestation des intellectuels qu’il signe également. Suite à cette lettre, il va faire l’objet de réactions violentes dans la presse anti-dreyfusarde. Il va défendre ses convictions dans les journaux et même publier des brochures regroupées sous « Les propos d’un solitaire ». Il fait signer des pétitions, l’une d’entre elles d’ailleurs portera son nom. Il témoigne au procès de Zola.

Une simple plaque en son honneur.

Il faut alors beaucoup de courage car les personnes qui s’engagent dans cette affaire aux multiples rebondissements ont toutes les chances de perdre. Elles affrontent l’armée, l’Etat et en plus un climat de haine qu’il est difficile de mesurer aujourd’hui. « Au Palais de Justice, à la Ligue des droits de l’homme, dans les réunions publiques mouvementées et dangereuses où il fallait s’exposer aux insultes et aux menaces d’un peuple égaré par d’abominables faussaires partout il luttait avec une indomptable énergie » publie L’Aurore à son sujet, le 4 mai 1904.

Une hostilité très forte même à Aurillac, sa ville de naissance

Le scientifique ne s’attire pas que l’hostilité des Parisiens comme l’écrit Daniel Halévy dans Les trois Mary : « A Aurillac, on l’appelait traître ou vendu. Le courrier lui apportait des lettre venimeuses, tracées par de gros doigts un peu gourds de paysans accoutumés à manier des outils plus pesants que la plume. On le regardait par en dessous, dans les rues de sa ville natale ».

Désireux de voir la révision du procès et le triomphe de la vérité, il participe à la fondation de la Ligue des droits de l’homme et du citoyen le 4 juin 1898 et en devient vice-président.

En 1900, Emile rencontre Alfred Dreyfus, ce dernier salue sa « grande simplicité et une finesse exquise ». Il le classe parmi les meilleurs de ses partisans. Malheureusement, le « Saint-Paul de l’Evangile pasteurienne » ne verra pas la grâce d’Alfred Dreyfus accordée par le président Loubet en juillet 1906 car il décède en 1904.

Emile Duclaux.

À propos de l'auteur

Véronique Feuerstein

Diplômée en histoire de l’art, Véronique Feuerstein a deux passions : le patrimoine et l’économie. Après un début de carrière au quotidien l’Eveil de la Haute-Loire au Puy-en-Velay, elle a collaboré au magazine de territoire Massif central puis est devenue rédactrice en chef de Massif-central entreprendre pendant neuf ans. Elle a ensuite participé au lancement d’un nouveau média : la Montagne entreprendre, appartenant au groupe Centre France.

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