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Marc François.
Photo Fanny Reynaud.
Edito

Ce pays où il ne fait pas bon vieillir

Les personnes âgées pourront finalement participer au déconfinement progressif qui aura lieu à partir du 11 mai. Mais les intentions initiales du gouvernement soulèvent tout de même des questions sur la façon dont elles sont considérées dans notre société.

Le rétro-pédalage est un exercice que le Chef de l’Etat, le nôtre, pratique avec une certaine assiduité. Dans l’une des allocutions solennelles dont il est coutumier en cette période de crise, Emmanuel Macron avait donc voué les « personnes âgées » à demeurer confinés chez elles tandis que les plus jeunes pourraient de nouveau respirer l’air libre. Avec ou sans masque ?

La levée de boucliers face à cette annonce précipitée, tout autant que l’anti-constitutionnalité de la mesure, l’ont incité à accomplir une spectaculaire volte-face, sans la moindre vergogne.

Tandis que le généticien Axel Kahn avait évoqué une « forme de ségrégation » à l’égard des seniors, d’autres parlaient d’apartheid anti-vieux. La psychologue Marie de Hennezel fustigeait pour sa part « l’infantilisation » des personnes âgées, ceux-là mêmes qui ont constitué une partie non négligeable de l’électorat du plus jeune des président de la Ve République. Au minimum, on conviendra d’un ostracisme maladroit et malvenu qui pourrait bien coller à la peau du futur candidat à la présidentielle.

Le regard des autres

Encore faudrait-il s’entendre sur la définition, jusqu’ici nébuleuse, de personne âgée. A partir de quel moment verse-t-on dans cette catégorie de la population ? Est-ce la carte d’identité qui fixe ce seuil à partir duquel la société vous rejette dans le clan des has been ? Le fait de prendre sa retraite et de ne plus produire ? Est-on vieux lorsqu’on porte une canne, dès lors que son autonomie est réduite ou bien que les souvenirs vacillent ? Ou bien est-ce le regard des autres qui vous caractérise, sachant qu’il y a toujours plus jeune (et plus vieux) que soi ?

Quoiqu’il en soit, c’est oublier un peu vite que les plus de 60 ans représentent 24% des Français, qu’ils consomment, qu’ils voyagent, qu’ils participent à la vie associative et que certains d’entre eux sont des élus, portant à bout de bras le système démocratique. C’est oublier qu’ils ont des projets, des loisirs, des amis … Et que si leur horizon se rétrécit, il convient justement de le mettre pleinement à profit. Aucune raison valable de les condamner à un enfermement durable, sous couvert de bonnes intentions et de  protection…

Antichambre

S’il y avait quelques leçons à retirer de la crise actuelle, ce serait peut-être et d’abord à propos du sort que l’on réserve à nos « vieux », exclus par la tyrannie dévastatrice du tout numérique et fragilisés par des retraites qui, souvent, ressemblent à des peaux de chagrin. La situation dramatique des Ehpad et maisons de retraite, dont certains ressemblent à l’antichambre de la mort et toujours à des prix exorbitants, devrait alerter les dirigeants. Ils répugnent jusque-là à se saisir d’un sujet qui les ramène pourtant devant leurs propres lendemains.

Ne conviendrait-il pas, par exemple, d’inventer une politique massive de maintien à domicile, synonyme de création d’emplois dans les domaines des services et de la santé ? Pour beaucoup, en effet, partir de chez soi, c’est déjà mourir un peu.

 

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

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