La triste histoire du béluga, égaré dans les eaux de la Seine, loin de son biotope naturel, transporté dans un filet tracté vers Ouistreham puis, finalement, euthanasié en raison de son état respiratoire, a fait pleurer dans les chaumières et c’est une belle chose que d’avoir (encore) la capacité de s’émouvoir. Elle est, à sa façon, révélatrice des paradoxes de notre époque.

Au milieu de nous

Les moyens déployés pour sauver le cétacé, la médiatisation considérable de cet événement met, en effet, en valeur les contradictions de notre société à l’égard de la condition animale. On s’attendrit justement devant les malheurs d’un mammifère marin ; on dénonce fort heureusement l’abandon des chiens et des chats, les animaux élus, victimes massives de l’été et de l’inconséquence coupable de certains de nos concitoyens. Dans le même temps, on ne s’attarde guère sur le sort réservé aux veaux, aux cochons, aux moutons voire aux chevaux égorgés à tour de bras dans les abattoirs indignes, transportés, auparavant, dans des conditions abominables ; des êtres qui vivent pourtant au milieu de nous et que l’on transforme en produits de consommation dans la perspective de les retrouver dans nos assiettes.

Corridas et chasse à l’appât

Tandis que l’on pleurait la mort du béluga, débutait la féria de Béziers où les aficionados trouvent leur plaisir dans la souffrance, les blessures et le sacrifice des taureaux. Une abomination maintenue, contre vents et marées, au nom de la tradition. Et cet été voit aussi le gouvernement Elizabeth Borne, à peine investi, revenir en douce sur l’interdiction des chasses à l’appât, pourtant interdites par l’Europe au regard de leur cruauté et de leur anachronisme. Bref, l’attention portée aux animaux se révèle bizarrement à géométrie variable et les efforts accomplis pour quelques-uns ressemblent à de la poudre aux yeux quand d’autres, par millions, sont enfermés dans des cages, violentés, massacrés ou exterminés. Inconscience, aveuglement, cynisme, stupidité ou cupidité ? La contradiction s’avère, en tout cas, troublante.