Les relations entre la Russie et l’Ukraine sont évidemment historiques, étroites, intimes. Pas facile pour un petit état, dont l’origine remonte au IXe siècle, de vivre à proximité immédiate d’un tel géant, déterminé à maintes reprises à étendre son territoire et à asseoir sa domination. Coûte que coûte. La guerre qui se prolonge aux portes de l’Europe et bouleverse les relations internationales, n’est qu’un épisode supplémentaire de ce lien tragique. Elle s’inscrit aussi dans la foulée de la « Révolution Orange » de 2004 au cours de laquelle une partie des Ukrainiens avait refusé l’intervention russe sur le processus démocratique dans leur propre pays au point de se soulever. À Kiev, le sang n’avait pas coulé mais, Viktor Ianoukovitch, la marionnette de Moscou, avait dû quitter le pouvoir laissant la place à l’europhile Viktor Iouchtchenko.
Le visage de Iouchtchenko
Autant que Volodymyr Zelensky aujourd’hui, Iouchtchenko, qui fut victime d’une tentative d’assassinat à la dioxine orchestrée par les sbires de Poutine, et Iulia Tymochenko, ex-égérie de la Révolution Orange, demeurent des figures emblématiques de la résistance ukrainienne au XXIe siècle.
L’actuel conflit ne peut donc se lire sans tenir compte des drames de l’histoire. Et en particulier d’un épisode particulièrement tragique de l’époque soviétique : l’ « Holodomor », qui signifie en langue locale « extermination par la faim ».
Morts par millions
La collectivisation des terres et l’abandon de la propriété privée décidée en 1929 par Joseph Staline déboucha sur une répression impitoyable, conjuguant les assassinats et les déportations massives. Le 7 août 1932, « le petit père des peuples », désireux de détruire le peuple ukrainien, imposa la « loi des épis » et instaura la peine de mort pour qui garderait pour soi le moindre grain de blé ou de seigle. La famine, qui menaçait depuis des mois, éclata. Affaiblis, les individus agonisaient avant de mourir de faim ou de froid dans les campagnes ou sur les trottoirs des villes. Les historiens s’accordent sur le fait que l’Holodomor aurait entraîné la mort de plus de cinq millions d’Ukrainiens ; ils ne se déchirent que sur le terme de « génocide » lié à cet épisode de l’histoire, débat purement sémantique et stérile dont ils sont d’ailleurs coutumiers. L’ombre de l’Holodomor plane aujourd’hui encore sur les relations entre Kiev et Moscou. Si elle fait l’objet d’un « silence assourdissant » en Russie, elle exacerbe le ressentiment des Ukrainiens à l’égard de leurs voisins. Qui n’en ont pas fini de les persécuter.
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