J’ai croisé l’autre jour une de mes « ex », un amour de jeunesse. Je ne l’ai pas reconnue. Elle portait un masque… Rendez-vous manqué, au détour de l’existence ; rendez-vous volé; rendez-vous masqué…
Le confinement, nous dit-on, a détruit de nombreux couples. C’est sans-doute que ces relations ne tenaient qu’à un fil. Il aurait fini par se rompre, quoiqu’il advienne. Le port du masque, lui, jette un voile sur nos quotidiens et dénature l’intimité même de nos existences… « Il défigure le lien social et nous fait perdre notre singularité » estime le sociologue David Le Breton.
Des rues peu fréquentées
Mais qu’importe pour les responsables publics qui ne s’embarrassent pas -ou plus- de ce genre de considération. Pas plus que les libertés fondamentales, élémentaires et essentielles ne semblent les préoccuper en ces temps où seule la Covid-19 les obsède. Leur ferait-elle perdre la tête ? A Clermont, ville relativement épargnée par l’épidémie, le centre historique est, en quelque sorte, montré du doigt ou mis sous cloche. Depuis samedi, le port du masque y est obligatoire en extérieur. Une décision prise sous prétexte que cette zone urbaine « est susceptible de rassembler un grand nombre de personnes dans des espaces restreints, rendant de fait le respect des mesures barrière très aléatoire ». Une explication pour le moins alambiquée. Allez-vous promener dans la plupart des rues du plateau central et vous vous interrogerez sans doute sur la pertinence du périmètre ainsi désigné. La distanciation s’y effectue naturellement. Pour la plupart, et à l’exception de la Place de la Victoire, de la rue des Gras, voire de celle du 11 Novembre, elles sont peu fréquentées.
En réalité, c’est sur les terrasses des cafés ou des restaurants que la proximité y est la plus grande. Mais va-t-on obliger les clients à se masquer à table au risque de casser définitivement toute activité ? Et si ça n’est pas le cas, où est la cohérence de la mesure ? Quel est son intérêt ?
L’hypothèse fait loi
On nous jurait, il y a peu, que le risque de contamination à l’air libre était insignifiant. Le port du masque à l’extérieur fait d’ailleurs, aujourd’hui encore, débat au sein de la communauté scientifique. Mais le discours dominant depuis le début de la crise se révèle à géométrie variable. Pour être acceptées, les décisions les plus contraignantes doivent pourtant s’appuyer sur des arguments précis et incontestables. En l’occurrence, comment peut-on nous expliquer qu’il faut se masquer rue Ballainvilliers ou Place Gaillard et pas sur la Place de Jaude où les rassemblements intempestifs sont pourtant plus fréquents ? Allez y comprendre quelque chose.
En avril dernier, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait estimé, sur la demande de la Ligue des droits de l’Homme, que l’arrêté du maire de Sceaux, imposant alors à ses administrés de sortir masqués portait « une atteinte grave à la liberté fondamentale d’aller et venir ». Une bonne leçon de droit élémentaire que les responsables publics balaient d’un revers de manche en se fondant sur de simples hypothèses. Pour l’heure, les habitants de Clermont hors zone délimitée et ceux des communes environnantes peuvent respirer. Qu’ils en profitent et prennent un grand bol d’air, au rythme où vont les choses, leur heure ne devrait plus tarder à arriver.
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