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photo Valentin Uta.
Edito

Le gendarme et l’assassin

L'hommage au gendarme courageux fut digne et beau. Mais il ne doit pas empêcher les médias et les pouvoirs publics de parler de l'essentiel et de désigner les coupables.

La France a découvert un nouveau héros. Non pas un footballeur crachant ou éructant sur le terrain vert, ni même Martin Fourcade enfilant les victoires et les médailles, depuis le viseur de sa carabine et les spatules de ses skis (nordiques). Pas plus que l’acteur vedette d’une comédie à succès, occupant le haut du palmarès du classement des Français les plus populaires, cher (à double titre) au Journal du Dimanche. Ce héros n’est pas Emmanuel Macron, président de moins en moins consensuel, ni l’un de ses émules, prônant forcément le dynamisme et l’efficacité, sur fond de barbe de trois jours, de costume sans cravate et de formule à l’emporte-pièce.

Au paroxysme de l’altruisme

Ce héros est un homme mort, un homme qui a décidé de mourir pour laisser la vie à une autre personne. Geste rare, au paroxysme de l’altruisme, qui mériterait peut-être une canonisation vaticane et a débouché sur un hommage national, orchestré et mis en scène, par une matinée humide d’un début de printemps pour le moins maussade .

Arnaud Beltrame, qui était un homme avant d’être un gendarme, l’aurait-il souhaité ? Nul ne le saura jamais mais son geste répondait à coup-sûr davantage à une générosité naturelle qu’à une volonté de reconnaissance fut-elle posthume. Hommage national, donc, voulu comme un moment rare d’union dans une séquence où les communautarismes constituent un défi, où les idéologies les plus mortifères s’opposent à une société dénuée de valeurs et obnubilée par la seule économie…

Un mal qui gangrène et essaime

Les cérémonies sont belles, elles sont peut-être nécessaires et parfois indispensables. François Hollande en sait quelque chose, lui qui était passé maître en art de la célébration sous toutes ses coutures. Mais, au-delà de leur aspect éminemment symboliques, elles ne doivent pas cacher l’essentiel. Les médias ont beaucoup disserté sur le courage de cet homme sacrifié par les fous de Dieu. Et les politiques de tout bord ont surfé sur cette vague porteuse. Cette émotion légitime ne doit toutefois pas nous rendre aveugles ou sourds. Elle ne doit pas recouvrir le mal vicieux qui gangrène et essaime. Et si l’on parle tant du courage d’un homme, il ne faudrait pas que ce soit pour banaliser l’horreur ou omettre de désigner l’ennemi. Ou accepter l’inacceptable comme une fatalité avec laquelle il faudrait désormais vivre… ou peut-être mourir. Si l’on encense le gendarme, alors n’oublions pas de condamner les assassins, et de les désigner, et de les dénoncer, et de les traquer sans répit, sans nuance. C’est sur ce terrain beaucoup plus hostile et infiniment plus complexe et périlleux que l’on attend les pouvoirs publics. Ceux-là même nous ont longtemps vendu « le sentiment d’insécurité », qu’ils ne nous leurrent pas désormais avec un « sentiment de menace ».

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

2 Commentaires

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  • Eh oui ! On ne triomphe pas d’un ennemi avec des hommages officiels posthumes à ses victimes, ni avec des bougies, ni avec des fleurs, ni avec des manifs, ni avec des murs couverts de petits mots gentils, ni surtout avec une com… misération d’Etat qui ressemble tristement à un aveu d’impuissance. On met un ennemi hors d’état de nuire sans faire de pub indirecte à ses crimes, en osant le nommer et en se montrant efficaces dans sa traque, y compris préventive, quels que soient le statut de ses cartes d’identités et ses problèmes sociologico-existentiels, lesquels renvoient, à tout bout de champ (de caméras), nos « bien-pensants » à des circonvolutions oratoires hors sujet… Réveillons-nous ! On a déjà su le faire au cours de notre longue histoire… Et tant mieux si « Jupiter » rate quelques égoportraits, comme disent nos cousins du Québec !

  • « Ce ne sont pas seulement les organisations terroristes, les armées de Daech, les imams de haine et de mort que nous combattons. Ce que nous combattons, c’est aussi cet islamisme souterrain qui progresse par les réseaux sociaux, qui accomplit son oeuvre de manière invisible, qui sur notre sol endoctrine par proximité et corrompt au quotidien », a déclaré le chef de l’Etat, dénonçant cet « ennemi insidieux qui exige de chaque citoyen un regain de vigilance et de civisme ».

    « Il s’agit là, et depuis plusieurs années, d’une nouvelle épreuve mais notre peuple en a surmonté beaucoup d’autres », a assuré Emmanuel Macron. « C’est pour cela qu’elle surmontera celle-ci aussi sans faiblesse et sans emportement, avec lucidité et avec méthode ». Discours E.Macron aux Invalides

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