Au lendemain du match qui opposait l’ASM-Clermont à l’UBB fin août sur la pelouse d’Issoire en prélude à l’ouverture du Top14, les dirigeants de l’USI rugby m’avaient aimablement convié à une dégustation (modérée bien sûr) de vins du Minervois. Tiens donc ! Crampons rangés et casse-croûte avalé, les bordelais avaient repris la route de l’ouest mais pas leur emblématique manager. Avec femme, enfant et la camionnette du domaine, Christophe Urios était resté à quai sur la rive gauche de l’Allier pour une opération séduction… sans ballon.
L’homme peut-être clivant, détestable pour les fans d’une asepsie généralisée qui finira par annihiler notre joie de vivre, authentique tout simplement pour d’autres dont j’ai le plaisir de faire partie.
« A Issoire, bon vin à boire… »

Sous l’apparence du gros ours mal léché parfois prompt à dégoupiller et à se prendre de bec avec l’adversaire sur le bord des terrains, Christophe Urios cache le visage d’une autre passion qu’il cultive du côté de Pépieux aux confins de l’Aude et de l’Hérault. Formé pour embrasser une carrière dans l’œnologie, l’homme fut rattrapé par le rugby avant de se voir sacré champion de France en 1993 sous le numéro 2 du Castres Olympique puis de révéler, un peu plus tard à Oyonnax, ses talents de meneur d’hommes. « Je suis devenu entraîneur un peu par hasard, mais pour la vigne c’est une affaire de passion familiale ». Dans le club-house de l’USI rugby, Urios tombe dans les bras d’Eric Nicol, vieille connaissance de leur époque carcassonnaise. Avec le recordman des feuilles de matchs de l’ASM, aujourd’hui caviste à Clermont, la conversation effleure le rugby avant de plonger dans le vin. « 15 hectares et 13 cuvées en blanc, rosé et rouge » explique le patron dont le nom coiffe les étiquettes du Château Pepusque, notoriété oblige. Les invités se pressent à la dégustation. Pendant que le père Urios prêche pour le Minervois, l’épouse et le fils cadet approvisionnent les clients. L’ambiance fleure bon le rugby d’avant.

Retour au bercail
Et voilà qu’entre en scène un autre Christophe, ex de l’ASM millésime 2010. En 14 années de carrière chez les pros Christophe Samson aura d’ailleurs soulevé deux autres Boucliers sous le maillot du Castres Olympique, en 2013 d’abord puis en 2018 sous la férule de maitre Urios. Congratulations entre les deux hommes qui avaient bossé ensemble pendant quatre ans dans le Tarn.
Enfant d’Issoire formé au club avant de rejoindre les juniors puis les espoirs montferrandais et d’entamer un parcours au top niveau lui valant d’enfiler cinq fois le maillot du XV de France, Christophe-le-jeune répond à la question du viticulteur « Alors, qu’est-ce que tu deviens ? ». J’aurai la réponse avec l’intéressé quelques jours plus tard sur les terrains du stade du Mas où la rentrée bat son plein. Des moins de six ans jusqu’aux cadets, 180 jeunes s’appliquent sous l’œil des éducateurs de l’école de rugby dont Christophe Samson est le tout nouveau responsable. « Je suis vraiment content d’être revenu à mon club d’origine ». Pas pour intégrer le pack issoirien comme on aurait pu le penser car en quittant Castres en 2020, Christophe ressentait, à 36 ans, l’irrésistible besoin d’une vraie coupure. Deux ans plus tard, son investissement dans la formation des jeunes est bien davantage qu’un coup de main.

Place aux jeunes
Le club familial que veut rester l’US Issoire possède aujourd’hui un ‘’centre d’entraînement labellisé FFR’’ qui lui permet de se forger une identité de jeu depuis l’école de rugby jusqu’au groupe Elite-espoirs…et à l’équipe 1. Salarié du club, Christophe Samson est en charge d’intervenir aussi sur toutes les structures de formation y compris la section sportive du lycée Murat. « Je n’ai pas l’ambition d’être entraîneur et ce que m’a proposé le club avec les jeunes me convient parfaitement. » La tête sur les épaules, l’USI n’a toujours pas l’intention de jouer les apprentis sorciers. Avec des partenariats et des recettes propres à la hausse, le budget de sa quatrième saison en division fédérale 1 a pu être porté à 1 million d’€. Mais pas question d’engager des oiseaux des îles sur le retour par le biais de ces ‘’contrats fédéraux’’ qui fabriquent de vrai-faux pro. « Le système des primes de participation et de victoire qui concernent tous les séniors en équipe 1 et espoirs collent à notre culture » se plait à répéter le président Claude Pojolat pour qui «l’avenir est dans la qualité de la formation. »Toutes sections confondues le club ne compte pas moins de 45 éducateurs.

Être meilleur…
Et Christophe de surveiller son fils Noé qui trace sa voie chez les minimes. Papa lui a conseillé de jouer d’abord derrière sachant « qu’il aura tout le temps de jouer devant en vieillissant » précise avec un clin d’œil le triple champion du Top14. Quand on évoque le caractère bien trempé et le vocabulaire parfois un peu trash de son ex- entraîneur : « Il ne mâche jamais ses mots et ça peut passer difficilement avec les stars du XV de France comme on l’a vu à Bordeaux. Il est authentique, c’est un homme de terroir. » Alors que l’Issoirien s’apprêtait à quitter le stand du Minervois, Urios l’avait rattrapé par la manche en invitant le seconde ligne retraité à venir se joindre à la troupe girondine la veille du match ASM-UBB à Clermont le 22 octobre prochain. Histoire de passer un moment ensemble. Un homme de terroir, a fortiori viticole, ne peut pas être vraiment mauvais. Surtout quand il porte comme devise, tel un bon vieux titre de James Bond, « Être meilleur ne s’arrête jamais ».

très intéressant de raconter la vie d’hommes authentiques, qui ne sont pas pourris par trop d’argent