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Pauline / photo ASM
Pauline / photo ASM
Chroniques

«Ma vie se fera en fauteuil»

A Clermont, lorsque l’été partira en pente douce et que les Damian, Sébastien, Arthur ou George referont l’actualité du ballon ovale dans les clameurs du Michelin, Pauline et ses potes entameront, plus discrètement, la nouvelle saison d’un autre rugby en jaune et bleu. Sans fric mais avec une passion soulevée par la force du destin.

Parisienne de naissance, Clermontoise depuis l’âge de 10 ans, Pauline était fan d’équitation, de tennis, de natation mais pas intéressée par le sport collectif. Sauf que les accidents de la vie n’arrivent pas qu’aux autres, survenant brutalement ou sournoisement pour changer le cours des choses.

Les choses de la vie

Aujourd’hui, à 21 ans, Pauline fait partie de l’équipe Rugby Fauteuil de l’ASM Omnisport avec laquelle elle a disputé cette saison les championnats de France de Nat 2. Parmi ses partenaires, il en est deux qui portent haut les couleurs auvergnates. Adrien Chalmin, pionnier de la discipline dans le club depuis 2008 et Nicolas Valentim, international depuis 2017, ont été sacrés champions d’Europe avec l’équipe de France en février dernier. Une belle émulation pour celle qui les côtoie depuis trois ans à peine. Petite, il arrivait à Pauline de perdre ses appuis et de chuter assez souvent. Rien de trop grave jusqu’à l’âge de 13 ans où les troubles de l’équilibre et de la coordination des mouvements ont révélé les symptômes d’une maladie neurogénétique rare, lentement évolutive, l’ataxie de Friedreich. Faute de traitement, il faudrait faire avec.
Collégienne puis lycéenne à Clermont, Pauline souffrait dans son corps et dans sa tête. «J’étais complètement dépendante de mes parents. Sans intégration avec les valides. C’était psychologiquement très dur.» Si la maladie peut s’accompagner d’un cortège de complications, elle n’implique heureusement pas de déficit intellectuel. Passé le BAC et une orientation vers la science du langage en première année de fac, Pauline intégrait finalement l’ESCO Westford de Clermont où elle vient d’obtenir un BTS en communication après une année en alternance à La Poste.

Avec Nicolas Valentim / Photo Yves Meunier
Avec Nicolas Valentim / Photo Yves Meunier

Révélation

en jeu / Photo Yves Meunier
en jeu / Photo Yves Meunier

En même temps, le sport collectif abhorré dans sa jeunesse allait se révéler « comme un coup de foudre » dit-elle, séduite dès le premier contact avec le rugby fauteuil et l’ambiance de solidarité découverts à l’ASM. C’était l’année de ses 18 ans alors qu’elle pouvait encore se déplacer avec l’aide d’un bâton. Mélange détonnant de Basket, Rugby, Hand ou Hockey, le ‘’Murder ball’’, comme l’appelaient les anglo-saxons, se pratique en équipes mixtes mais n’a rien d’un sport de  fillettes. Les chocs bruyants entre fauteuils qui peuvent se renverser font partie du jeu et ça peut taper aussi fort que sur les rucks du Top14.
Dans les équipes de 4 joueurs/joueuses, il y a les fauteuils offensifs adaptés à la vitesse et la mobilité, et les fauteuils défensifs disposant d’un pare-choc qui permet d’accrocher l’adversaire et de le bloquer. Les galères des débuts de Pauline pour maitriser le fauteuil ne l’ont pas découragée, bien au contraire. « Il me fallait aussi apprivoiser le ballon et j’ai encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Du coup, je joue plutôt défensive ».
Pour faire simple, il s’agit, dans des parties de 4 fois 8 minutes et avec des temps de possession limités, de lancer le ballon, de dribbler ou de le tenir sur les genoux afin de franchir la ligne de but adverse et marquer des points.

coup de main / Photo Yves Meunier
coup de main / Photo Yves Meunier

Palette Colorée

Son goût pour la ‘’baston en fauteuil’’ n’empêche pas Pauline d’assumer une passion d’artiste. Elle avait d’ailleurs envisagé des études aux Beaux Arts mais y rata l’entrée car, de son aveu, ne l’ayant pas suffisamment préparée. L’un n’empêchant pas l’autre, la rugbywoman en fauteuil s’éclate en création graphique ou avec la palette et ses pinceaux. « Je n’ai pas envie d’avoir un fauteuil roulant triste et moche ! » Qu’à cela ne tienne, elle commence par les enjoliveurs et poursuit la customisation de la machine de combat par le dossier. Voilà pour la partie visible des œuvres de l’artiste qui compte bien s’investir sur des projets plus importants mêlant graphisme et communication… De l’ordi au pinceau, des séances de musculation aux entrainements de la Gauthière, Pauline Sauvignet a su ne pas sombrer dans la morosité. « Le Rugby fauteuil m’a psychologiquement beaucoup aidée. Je ne me sens pas marginalisée et je m’assume pleinement dans mes déplacements et la vie de tous les jours. »

Enjoliveur dans les étoiles / Photo Pauline
Enjoliveur dans les étoiles / Photo Pauline

Complicité

réglages / Photo Yves Meunier
réglages / Photo Yves Meunier

Lutter contre la sédentarité et l’isolement, développer l’autonomie…et faire de belles rencontres. N’est-ce pas là le but et la philosophie clairement affichés par la section Handisport et Sport adapté de l’ASM qui compte une centaine de pratiquants en athlétisme, lutte, judo, natation, tennis…ou rugby fauteuil. Les niveaux et les types de handicaps se conjuguent dans une complicité qui ne se cantonne pas à la simple pratique du jeu. « La performance relève à 50% de la qualité et de la mise au point des fauteuils » souligne l’international Nicolas Valentim. Le travail de Jean-René et Roger, les deux mécanos de l’équipe, et les coups de main des plus expérimentés concourent à l’harmonie du groupe entrainé par Pierre Pochon.
Voilà pourquoi et comment, au tournant de ses 18 ans, Pauline s’est engagée sans amertume dans cette acceptation qui lui donne aujourd’hui des ailes : « Ma vie se fera en fauteuil…».

Dossier de fauteuil / Photo Pauline
Dossier de fauteuil / Photo Pauline

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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