On s’arrache la dépouille du général de Gaulle. De gauche, de droite, jusqu’au centre extrême  : chacun veut un morceau, son morceau. Nul besoin de se rendre au cimetière de Colombey-les-deux-Eglises où l’homme de juin 40 repose aux côtés de son épouse Yvonne et de sa fille Anne. Ni même de fréquenter le Mémorial, construit au pied de la Croix-de-Lorraine à propos de laquelle l’ancien Chef de l’Etat avait dit : « personne n’y viendra, sauf les lapins pour y faire de la résistance ». Chacun, tout au moins, réclame sa part d’héritage politique avec une indécence qui n’a d’égale que l’opportunisme et la malhonnêteté intellectuelle. Seul en fait, le virulent Jean-Luc Mélenchon semble se démarquer de cet unanimisme qui tourne à la caricature. Le « leader maximo » de la France Insoumise avoue plus volontiers un penchant pour Robespierre, l’homme de la terreur. Ce qui en dit long sur le personnage.

Décalage

Charles de Gaulle est mort le 9 novembre 1970… Dans un autre siècle, un autre millénaire. S’il devait revenir aujourd’hui à la faveur d’un quelconque miracle, le général ne reconnaitrait évidemment pas le monde qu’il a quitté. A part, peut-être, les lapins de Colombey. Et de quel camp politique se sentirait-il le plus proche ou le moins éloigné ? De ceux qui, jadis, dénonçaient  « le coup d’état permanent » ? De ceux qu’il fustigeait ou combattait ? Des libéraux, des mondialistes, des démagogues, des jeunes loups aux dents longues ?

Bien après l’appel du 18 juin puis la libération, De Gaulle fut un farouche souverainiste, le partisan d’une « Europe des Nations », pas atlantiste pour un sou, chantre de la « Françafrique », attaché à l’Algérie française avant d’entreprendre une volte-face et d’accorder l’indépendance à l’ancienne colonie. Le père de la Vème République, régime ô combien présidentiel, plaidait aussi pour le recours au référendum, dispositif selon lui nécessaire pour éviter une dérive du pouvoir et demeurer en prise avec le peuple.

Les bons mots du général de Gaulle

Illustre sans aucun doute, providentiel peut-être, de Gaulle a en tout cas mérité de reposer en paix et d’enrichir les livres d’histoire. Sûrement pas les débats électoraux de notre temps. Laissons-lui le dernier mot : « je n’aime pas les communistes parce qu’ils sont communistes ; je n’aime pas les socialistes parce qu’ils ne sont pas socialistes ; je n’aime pas les miens (les gaullistes) parce qu’ils aiment trop l’argent… » avait-il confié à André Malraux.