Toute cette semaine, se déroulent les Journées Départementales de l’Archéologie. Sites emblématiques et musées proposent un programme dense en particulier durant le weekend avec un événement historique, la réouverture, après plus de 10 ans de travaux, du Temple de Mercure au sommet du puy de Dôme. Le lieu a enfin retrouvé son lustre d’antan et peut de nouveau témoigner de son statut de plus grand temple de montagne de toute la Gaule romaine. Lieu de pèlerinage, sa renommée s’étendait jusqu’en Bretagne et sur les bords du Rhin, où plusieurs autels dédiés au Mercure des Arvernes ont été retrouvés.
Le département du Puy-de-Dôme est particulièrement riche en vestiges archéologiques
Cette 12e édition des JDA est l’occasion de mieux comprendre le métier d’archéologue et les disciplines associées mais aussi de découvrir des sites historiques d’un département au sous-sol particulièrement riche comme le confirme Sabastien Gaime, directeur adjoint scientifique et technique pour la région Auvergne-Rhône-Alpes à l’Inrap
7 Jours à Clermont : Pour les archéologues, est-ce que le Puy-de-Dôme est un terrain intéressant ?
Sabastien Gaime : Le Puy-de-Dôme est une terre riche historiquement. On parle bien sûr des grands sites comme Corent ou Gergovie, mais c’est aussi une terre qui a eu une histoire. Donc on a beaucoup de vestiges et des fouilles qui présentent des intérêts absolument exceptionnels en quantité. Clermont est un exemple particulier. Sur l’ancienne ville romaine Augusto Nemetum ou la ville médiévale, il y a eu des fouilles régulières depuis les années 70 avec des découvertes et des vestiges mis à jour. Il suffit d’aller au Musée Bargoin pour les découvrir. Mais quand on parle de Clermont, il y a aussi l’extra-muros car il faut parler de la plaine de la Limagne. Il y a des sites exceptionnels, gaulois, romains, médiévaux et ainsi de suite. Le département du Puy-de-Dôme est particulièrement riche en vestiges archéologiques, mais également en prescription archéologiques par l’État, ce qui génère les fouilles que nous réalisons.
7JàC : L’archéologie est aussi une affaire collective ?
S. G : Ce qui fait aussi la caractéristique de ce département, c’est que tous les acteurs qui font de l’archéologie travaillent en synergie que ce soit l’archéologie préventive avec l’INRAP, la présentation publique avec le département, ou avec le Musée de Gergovie. Tous les acteurs créent quelque-chose de concret et de collaboratif pour être présenté au public. Le terme « Puy-de-Dôme, terre d’archéologie » a une réalité que l’on a construit par cette synergie des acteurs.
7JàC : Pour vous archéologue, quel site faut-il absolument découvrir à l’occasion des journées départementales 2024 ?
S. G : Alors je crois que cette année le sommet du puy-de-Dôme va présenter quelque chose de très porteur avec la réalité virtuelle. Cela va permettre de comprendre comment l’archéologie travaille des fouilles jusqu’à la phase de visualisation et de reconstruction intellectuelle et surtout cela sera visible par tous. J’ai commencé il y a quelques années, j’ai fait des sondages moi-même au sommet du puy de Dôme pour trouver quelques cailloux à analyser, et maintenant on en est à des reconstitutions, des restitutions virtuelles qui vont montrer la réalité telle qu’elle pouvait être à l’époque, ou en tout cas telle qu’on l’imagine en 2024 ; je trouve que cela est très intéressant.
7JàC : Et en dehors du sommet du puy de Dôme ?
S. G : Tout ce qu’il y a autour de Mozac est très intéressant car il y a un lien entre différents aspects culturels. Un concert du chœur Mikrokosmos sur le site de Mozac est une manière de rendre vivant le patrimoine qui est tout sauf quelque chose de mort. Il faut le faire vivre sinon cela reste des cailloux enterrés. Je crois que les Journées Départementales de l’Archéologie sont l’occasion de le faire vivre de différentes manières, par des conteurs, de la réalité virtuelle, de la visite de chantier ou plus traditionnellement des visites de musées.
« Notre métier c’est d’étudier des vestiges qui vont être détruits »
7 Jours à Clermont : Est ce que le numérique a fait évoluer l’archéologie ?
Sabastien Gaime : Notre métier a été bouleversé par le numérique, mais ce bouleversement date des années 90. Il est accentué à l’heure actuelle avec l’explosion des moyens de recherche, que ce soit en détection comme avec les LiDAR (Light Detection & Ranging) du type de ceux de la MSH de Clermont, mais aussi ce qui est à la pointe du progrès comme la recherche d’ADN fossile avec la carpologie comme ce que font mes collègues des Cézeaux en lien avec l’INRAE. Mais l’archéologie reste à l’interface entre des archéologues qui vont dans la terre, sont parfois couverts de boue, avec une truelle ou une pelleteuse et des scientifiques qui travaillent en laboratoire à la pointe de la technologie.
7JàC : Les archéologues sont-ils pas frustrés de ne pas conserver les découvertes qu’ils font ?
S. G : Non seulement ce n’est pas notre travail mais en plus, ce n’est pas l’esprit. L’archéologie préventive s’est construite sur de la destruction de patrimoine dans les années post Deuxième Guerre mondiale et avec les grands travaux des années 60. À l’époque, on détruisait des sites archéologies… point. À partir de là, il y a eu une réflexion commune entre les élus, les aménageurs, les archéologues, les services de l’État qui ont fait émerger la loi sur l’archéologie préventive en 2001. Elle permet d’étudier les vestiges avant leur destruction. Donc je dirais que la frustration était avant 2001. Notre métier c’est d’étudier des vestiges qui vont être détruits. Après, une fois qu’on les a étudiés et qu’on les a exploité le mieux possible selon nos connaissances et savoir-faire, on considère qu’il faut accompagner l’aménagement du territoire et que l’on ne peut pas tout garder ; le paysage est constitué de vestiges… partout.
7JàC : Justement le numérique vous ouvre des perspectives ?
S.G : La reconstitution est une autre partie qui n’est pas faite par les archéologues, mais ces derniers accompagnent les professionnels du numérique pour les reconstitutions comme celles qui seront présentées au sommet du puy de Dôme ou à Corent. Des collègues travaillent avec des metteurs en scène, des cinéastes pour donner vie à tous ces vestiges qui sont finalement difficiles à faire parler quand on les sort de terre. De ce côté là, le numérique et la présentation grand public est aussi un bouleversement. L’essence même de notre métier d’archéologue du préventif, c’est de travailler pour le public. C’est un bien commun, un patrimoine qui appartient à tous. L’intérêt c’est de communiquer, de valoriser d’expliquer et il y a rien de tel qu’une réalité 3D pour montrer les choses telles qu’elles sont. C’est beaucoup plus simple que de lire un plan.
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