Lundi 25 novembre 1943 : l’Université de Clermont s’apprête à vivre l’épisode le plus sombre de son histoire. 1200 étudiants et personnels de l’établissement sont arrêtés et rassemblés dans la cour du bâtiment historique de l’avenue Carnot par des policiers et 200 soldats de la Luftwaffe. Les Nazis ont repéré un foyer de résistance et lance la plus grande rafle jamais organisée dans une université durant la seconde guerre mondiale. Retour sur ce fait historique.
Jusqu’à 2 300 étudiants alsaciens repliés à Clermont
1939 : la seconde guerre mondiale vient d’être déclarée et 200 000 Strasbourgeois doivent abandonner leur ville qui menace d’être envahie et annexée par l’Allemagne. L’université quitte ses locaux et trouve refuge à Clermont, en zone plus tranquille, dans les locaux à peine inaugurés. 1 500 étudiants, 175 enseignants et 50 agents s’installent en Auvergne dans une université hébergée mais autonome.
1940 : l’armistice est signé en juin et l’Allemagne qui a mis la main sur la cité strasbourgeoise crée la Reichsuniversität de Strasbourg. Le repli en Auvergne n’est donc plus justifié. Les étudiants, professeurs et personnels sont invités à rentrer. Nombreux sont ceux qui refusent de retrouver leur Alsace redevenue allemande. Le nombre d’inscrits ne cesse d’ailleurs de croître à chaque rentrée, puisque les effectifs vont passer à 1600, 2 000 et 2 300.
1941 : au sein de l’Université, on observe les premiers mouvements de Résistance au sein desquels on note la présence d’enseignants et étudiants de Strasbourg mais aussi de Clermont.
1942 : à la suite de l’arrivée de l’occupant dans la zone sud, les mouvements s’unissent au sein du Mouvement unis de la Résistance. Cette activité antinazi est repérée par l’Allemagne qui lance des opérations destinées à organiser le rapatriement de 500 Alsaciens considérés comme allemands de souche et à fermer l’université repliée.
1943 : plusieurs rafles sont organisées dont la rafle de l’Université de Clermont, le lundi 25 novembre.
130 personnes arrêtées et déportées
Le lundi 15 novembre 1943, au petit matin, policiers et militaires allemands quadrillent la ville de Clermont pour une opération organisée par la Gestapo. En fin de matinée, les hommes en armes débarquent dans les locaux de l’avenue Carnot avec un objectif clair : mettre fin aux agissements de résistance au sein de la communauté étudiante. Près de 1 200 personnes sont interpellées ce jour là. Alors que les militaires commencent à rassembler les étudiants dans la cour d’honneur, un collégien de 15 ans tente de fuir par une fenêtre. Il est immédiatement abattu par un policier. En début d’après-midi, 600 personnes, principalement des membres de l’université de Clermont sont libérés. Les 600 autres, gardées et transférés dans les locaux du 92e RI que les Allemands ont transformé en prison. 130 personnes seront finalement arrêtées et déportées. Seuls une trentaine d’entre-elles reviendront des camps.
25 novembre 1943 restera gravé à jamais dans les mémoires. Une rue perpendiculaire à l’avenue Carnot rappelle quotidiennement cet épisode de l’histoire clermontoise : la rue Paul-Collomp, du nom de ce professeur, qui ce jour là, à été tué par la Gestapo simplement parce qu’il n’avait pas levé les mains assez vite.
Pour garder la mémoire bien vivante
Malgré les commémorations annuelles, de nombreux étudiants fréquentant le site Carnot, ignorent ce dramatique épisode de la rafle de l’Université. Depuis 2021, le CJEM, Comité des Jeunes Engagés pour la Mémoire, a été créé, afin de garder cette mémoire bien vivante et raviver le souvenir de la rafle de 1943 auprès de jeunes et des étudiants. L’objectif du comité est de transmettre l’histoire mais aussi la mémoire. Il propose des projets culturels et mémoriaux , participe aux commémorations, à des visites de lieux historiques et à des conférences. (Contact CJEM : cjem.puy-de-dome@asso.uca.fr)
Un livre sur la rafle de l’Université a été publié par les éditions Midi-Pyrénéenne dans la collection Cette année là. L’auteur de 1943, la rafle de l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand un ouvrage de 48 pages, très bien documenté, n’est autre que Mathias Bernard, président de l’Université Clermont Auvergne et professeur d’histoire contemporaine.
À découvrir également un pan d’histoire encore méconnu, celui des Gergoviotes, un groupe d’étudiants de l’Université de Strasbourg repliée à Clermont qui se retrouvent régulièrement sur le plateau de Gergovie. Sous couvert de fouilles archéologiques, la plupart d’entre eux s’engagent dans les premiers mouvements de Résistance. L’exposition temporaire du Musée de Gergovie retrace l’histoire de cette communauté. (prolongation jusqu’au 5 janvier 2025)
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