J’ai réservé une table pour le premier jour « d’après ». Celle à droite, au fond du restaurant. Mais d’ici à ce que le repas soit servi, il risque d’être froid… D’ailleurs, le propriétaire du lieu, croisé l’autre jour, le visage masqué mais visiblement au bout du rouleau, m’a indiqué qu’il n’était pas sûr de rouvrir. Plus les mois passent et plus l’envie se manifeste chez lui de jeter l’éponge. De faire autre chose ou, peut-être, de partir à la retraite…
Je me suis surpris à rêver d’un demi pris au comptoir d’un bistrot en compagnie de quelques amis. Et, une autre fois, d’un café en terrasse, à la lecture distraite d’un journal papier. Ces plaisirs autrefois anecdotiques de la vie quotidienne que la crise sanitaire a rejetés parmi les interdits et refoulés à l’état de souvenirs…
Pas le moindre signe
Tandis que l’on évoque une possible réouverture des musées et que deux concerts-tests pourraient être organisés au mois de mars, dixit l’actuelle ministre de la culture Roselyne Bachelot, aucune perspective, aucun signe ne vient donner l’ombre d’un espoir aux restaurateurs, aux cafetiers, aux propriétaires de discothèques ou de salles de sport. C’est comme s’ils avaient disparu de la planète, appartenant à un monde passé … ou à un avenir tellement lointain que nos responsables, empêtrés dans le processus de vaccination, et déjà tournés vers l’élection présidentielle de 2021, n’osent même plus l’évoquer.
Métro, boulot, dodo
Autre printemps. Nous avions vécu le dernier à l’ombre, emmurés, reclus, attendant patiemment que la liberté, le plus élémentaire et le plus précieux des biens, nous soit rendue. Celui qui vient, dans quelques jours, pourrait se dérouler sous couvre-feu, cet état de « demi-confinement » qui s’éternise et dont on ne voit plus désormais le bout. Le métro, boulot, dodo institué comme la règle absolue. La vie sans les charmes de l’existence.
Nous retournerons un jour au restaurant avec appétit. Et le moment viendra, où, bas les masques, nous investirons de nouveau les terrasses. Mais nous serons plus vieux, assurément, et personne, jamais, ne nous rendra ces moments volés, ces printemps sacrifiés.
Superbe édito, Marc, tout en finesse !