Ce n’est pas sans une certaine émotion que, ce week-end, Martine Lebeau, va fermer une dernière fois, la porte du bureau qu’elle occupe dans le « back office » de la Libraire Les Volcans. Il est temps pour elle de mettre un terme à une carrière professionnelle entièrement vouée au monde du livre. Sa fidélité à cette véritable institution clermontoise n’a pas d’égal. Elle y aura travaillé depuis le 13 septembre 1980, soit 42 ans et 11 jours d’une carrière bien remplie, l’ayant conduite du rayon vie pratique et livre scolaire à la gérance de la SCOP qui a permis le sauvetage, puis le développement, d’une librairie condamnée en 2013 par le groupe Chapitre et qui aujourd’hui fait partie du Top 20 des plus grandes libraires indépendantes de France. Cette reprise par 13 salariés est un cas d’école sur lequel certains soi-disant spécialistes de l’économie feraient bien de se pencher. Entre la gestion hyperlibérale d’un grand groupe et les convictions de militants de l’économie sociale et solidaire, il y avait un monde à bâtir, Martine Lebeau a largement contribué à l’ériger.
7 Jours à Clermont : en 2014 aviez-vous conscience du potentiel de la libraire et vous attendiez-vous à une telle réussite ?
Martine Lebeau : Quand nous avons décidé de reprendre l’entreprise, ce n’était pas juste un doux rêve. Nous avions conscience que notre entreprise était viable mais nous ne pensions pas qu’elle réussirait aussi bien. Nous pensions juste vivre de notre travail, un travail qui nous passionnait. Nous imaginions seulement quelques petits résultats en fin d’année. Nous sommes allés bien au delà des espérances des premiers associés. En 2022 nous allons dépasser les 8 millions d’euros de chiffre d’affaire. Tout a progressé régulièrement chaque année, le chiffre d’affaire, la clientèle et aussi le nombre de salariés puisque nous sommes passés de 31 à la réouverture à 46 à Clermont actuellement. Nous pouvons être fiers d’avoir créé de nouveau des emplois dans un domaine où il n’y a pas pléthore d’embauches à Clermont.
7JàC : la réussite est due au collectif ?
M/L : Oui. Je suis très fière de ce que nous avons fait. Je n’aurais rien fait sans mes collègues, je n’aurais jamais eu l’idée toute seule de reprendre Les Volcans car je ne m’en sentais pas capable. A la base j’étais libraire et je n’avais jamais eu l’ambition ni d’avoir une petite librairie à moi, ni aucun autre commerce. C’est un travail collectif qui a payé, nous n’avons pas ménagé notre peine, mais nous faisons un métier tellement agréable au quotidien que cela efface tout le reste.
7JàC : avez vous été surprise par le soutien reçu ?
M.L : non ce n’était pas l’inconnu. Quand nous avons décidé de reprendre Les Volcans, c’était pour sauver la libraire. Il était inimaginable, pour nous, que La librairie Les Volcans n’existe plus à Clermont. Nous avions bien conscience que la clientèle était fidèle. Il y a eu un engouement de tout le monde, de toute la population et cela allait bien au delà de Clermont. C’était le Puy-de-Dôme en entier. Nous étions sûr de cela, mais nous étions inquiets de l’effet « feu de paille ». En fait non, la nuit de noce continue. Nous avons toujours autant de mots de soutien de nos clients, d’encouragement. Cela fait plaisir et prouve que le travail est bien fait.
7JàC : qu’est ce qui a fait la différence au fond, durant les différentes périodes ?
M.L : La librairie avait été revendue plusieurs fois après la retraite du premier propriétaire, mais pour de bonnes raisons. L’entreprise était saine, nous connaissions le principe de l’achat-vente avec bénéfices. Quand nous sommes passés de Bertelsmann à Najafi, on nous annoncé la mort des Volcans. Nous avons encore des compte-rendus de CE datant de 2010, annonçant cette mort de l’établissement, trois ans plus tard c’était fini… le fonds de pension nous avait laissé la librairie exsangue. Dès lors qu’un grand groupe financier, qui ne connaît rien au métier, veut se mêler du travail quotidien, sans écouter, on sent que cela va basculer.
7JàC : sur les huit ans passés depuis la reprise y-a-t-il un ou des moment(s) plus fort(s) que d’autres ?
M.L : il y en a eu plusieurs… le résultat du tribunal, mais au fond je ne sais pas si c’était un moment fort parce que nous n’avions presque pas compris ce qui nous arrivait. Nous avons aussi vécu des moments difficiles pour monter l’entreprise à 12 ou 13, avec des discussions, des frictions, nous n’en sommes pas venus aux mains mais pas loin. Mais le bon moment, évidemment c’est le jour de l’ouverture, le 18 août. Nous pensions être tranquille en août et nous nous sommes retrouvés avec une marée de clients à gérer. C’était super mais nous avons été un peu dépassés par les événements. C’était un moment fort de voir tous ces gens devant la porte… Je n’ai pas eu que des joies pendant huit ans, mais je ne vais garder que le positif. J’ai fait des rencontres formidables avec des gens qui sont venus nous aider. J’étais novice, je n’avais jamais géré d’entreprise. Les chiffres me parlaient un peu mais pas trop. Je sais que je peux encore compter sur eux aujourd’hui et j’espère qu’ils apporteront leur soutien à mes successeurs comme ils l’ont fait avec moi.
7JàC : qu’allez vous garder sur le plan personnel ?
M.L : Je suis rentré à 17 ans et demi dans cette entreprise avec un CAP et un Brevet des collèges donc cette progression de carrière est quelque chose que je n’imaginais pas. Je ne pensais pas finir à la tête d’une entreprise même si ce n’est pas la mienne, c’est d’ailleurs là la complexité d’une SCOP, mais j’ai un parcours phénoménal.
7JàC : êtes-vous surprise de l’accueil réservé à la librairie de la part du monde livre ?
M.L : Oui un peu, au regard des rencontres publiques de notoriété que l’on a pu organiser les dernières années. En même temps, ce n’est pas tombé du ciel. Il y a un travail de fond derrière, il y a du sérieux en permanence depuis huit ans. La volonté de faire partie d’un collectif autour du livre est ressentie par tous, les auteurs, les maisons d’édition.
7JàC : le monde d’après de Martine Lebeau ?
M.L : Je vais retrouver ma maison et mon mari qui depuis 5 ans est en retraite. Nous allons devoir nous organiser, moi sans cette activité prenante, lui avec sa femme sur le dos en permanence… mais nous avons des centres d’intérêt : la généalogie, l’œnologie, les voyages. J’ai une grande passion pour les Antilles où j’allai chercher mon repos et ma zen attitude, nous allons y retourner sans aucun doute. Et puis je vais aussi avoir du temps à passer avec ma famille.
7JàC : Un peu de travail bénévole dans l’économie sociale et solidaire ?
M.L : Oui bien sûr. Je garde un pied dans certaines structures au sein des conseils d’administration. Je veux pouvoir apporter de l’aide dans une équipe mais en restant libre, bénévole. Je ne veux pas de fonction et je ne veux plus de fil à la patte, passer d’un agenda bien épais à quelques rendez-vous et garder la possibilité de jeter trois fringues dans une valise pour partir en voyage. J’ai vécu Volcans 7 jours sur 7 pendant huit ans, aujourd’hui, j’ai besoin de me reposer et de retrouver le chemin de la liberté.
7JàC : Il y aura des livres dans votre valise ?
M.L : oh oui, j’ai fait un stock… je lis beaucoup mais je n’ai pas le temps de lire autant que je le souhaite. Il y a toujours eu des livres dans ma vie et il y en aura toujours.
En toute modestie cette dame qualifie son parcours de « phénoménal »… Elle oublie d’évoquer le nombre de départs qu’elle a causé et le mal qu’elle a fait à ses salariés.
Il y a la vitrine et l arrière cour beaucoup moins reluisante
Mais le vernis craque….
quel bel exemple de storytelling !
une « belle histoire » : la mise en avant de la réussite économique de la scop et du parcours de la gérante, qui occultent une réalité sociale bien moins reluisante. 16 salariés (sur la quarantaine que compte l’entreprise) sont partis en moins de 2 ans ; problème de management ? Où sont les convictions de l’économie sociale et solidaire citées par la gérante ? il aurait été bien plus intéressant de savoir comment la scop a fait vivre la démocratie en son sein mais peut-être n’y-a-t-il rien à dire sur ce sujet…
Travailler dans cette entreprise à été traumatisant. Je ne comprends pas qu’on puisse dresser un tel portrait de cette femme.
Bel article
Travailler au sein de cette pseudo scop a été traumatisant. 16 employés sont partis dans l’indifférence totale des 3/4 des scopeurs « historique ». J’ai vu des collègues pleurer au sein d’une structure qui se dit bienveillante. Même des scopeurs sont partis face à ce management destructeur, ce rouleau compresseur qu’ont été les années Martine Lebeau.
Je vais dans le sens des précédents commentaires.
Management vertical, centralisé et sans concertation : tout le contraire des valeurs et de l’éthique Scop. Seize salariés Scop et non Scop qui partent en une année, c’est gros gros malaise dans l’entreprise… derrière la jolie façade, un climat délétaire. Heureusement, ce gâchis va ralentir avec le départ de la gérante. Le pouvoir et la lumière, ça tourne la tête. Dernier mandat calamiteux, il sera difficile de faire pire que ce rouleau compresseur qui laisse un goût amer.