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CF63-ASM / Photo France TV Info
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Chroniques Sports

Destins (et ligaments) croisés

Entre le foot en ébullition et la navigation en eau tiède du rugby, l’heure des bilans a sonné pour les deux têtes de gondole du sport auvergnat. D’un Clermont Foot en conquête et d’une ASM empêtrée de modestie, les impressions sont forcément contrastées. Admiration et consternation.
Y. Magnin / photo Clermont Foot 63
Photo Clermont Foot 63

«Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement…» Pas sûr que ‘’l’Art poétique’’ de Nicolas Boileau (1) soit le livre de chevet des politiciens ni celui des sportifs, fussent-ils de haut niveau. Cependant je pris grand plaisir à voir et écouter Yohann Magnin sur France3 au lendemain d’une victoire décisive des Clermontois face à Montpellier. Devenu incontournable au sein de la troupe de Pascal Gastien, l’enfant d’Orcet, formé à l’art du ballon rond à Clermont, sait visiblement s’exprimer, autant avec la tête qu’avec les pieds. «…et les mots pour le dire arrivent aisément» poursuivait donc Nicolas Boileau.

Admiration

Le courant de sympathie délivré par le numéro 7 rouge et bleu est d’ailleurs bien en phase avec l’affection que l’Auvergne a porté au Clermont foot au fil de son inédite aventure en Ligue1 pendant que la morosité envahissait les travées du Michelin. Si ce n’était la capacité d’accueil du tutti rikiki stade Montpied, régulièrement complet autour de 12000 spectateurs, il n’est pas exclu que l’affluence du foot eut dépassé celle du rugby en perte de vitesse. Il est vrai qu’on a plus de chance de voir évoluer les stars sur une pelouse de Ligue1 que sur les terrains du Top14 dont les internationaux sont régulièrement absents pour cause de doublons…ou de stages à l’infirmerie.

M. Bayo/ Photo France TV
Photo France TV

Entre la relégation en Ligue2 et le maintien assuré en L1, quelques détails sur le terrain ont fait la différence, passant par l’opiniâtreté de Seidu en défense et le réveil de Bayo devant le but adverse.
«Les joueurs sont phagocytés par ce qu’il y a autour du football : les réseaux sociaux, les agents, les journalistes…des personnes gravitent autour des joueurs et leur laissent miroiter des choses.» Ces propos réalistes du sage entraineur Pascal Gastien (2) pouvaient faire allusion notamment à Momo Bayo dont la saison avait débuté dans le flou du psychodrame « je vais partir mais finalement je vais rester », avant que l’attaquant vedette clermontois n’endosse avec discrétion durant l’hiver l’habit diaphane de Belphégor…ou de Casper, au choix. Au cœur de ce printemps, la résurrection de la meilleure valeur marchande du CF63 est arrivée pile poil pour que Clermont récolte les points du maintien en L1, que l’attaquant conforte sa côte à l’argus et que le club, avec lequel il est officiellement engagé jusqu’en 2024, puisse envisager une vente profiteuse dès le prochain mercato. Côté 10 millions sur Transfermarkt, voire entre 10 et 15 millions d’euros par l’Observatoire du foot, Momo émargeait cette saison entre 40 et 50 000€ mensuels (selon les sources), le salaire moyen de l’équipe tournant autour de 23 000€.

Consternation

Photo ASM
Photo ASM

Cette moyenne des salaires au CF63 correspond grosso modo à celle des équipiers de l’ASM Clermont, un peu tirée vers le haut par les revenus de quelques éléments en fin de parcours. C’est d’ailleurs en partie plombés par ces gros salaires que les comptes de la maison jaune et bleu ont du mal à assumer l’exigence pourtant prégnante de conforter plusieurs postes et de se doter de facteurs x capables de débloquer des situations sur le terrain. A cet égard, on aurait tort de ne vouloir conjuguer qu’au présent l’analyse d’une situation qui relève davantage de l’imparfait du passé. Ecarté du sprint final pour le Bouclier, l’effectif montferrandais s’est révélé insuffisant en qualité pour damer le pion aux grosses écuries même si la carte jeune a laissé entrevoir des promesses d’avenir. L’incroyable nombre de blessures accumulées au fil du calendrier n’a fait que mettre en exergue ce déficit de talents. Une série noire qui interroge. Jusqu’à la saison dernière il eut été facile de faire porter le chapeau au préparateur physique Seb Bourdin, parti à Lyon, tout comme on pourrait le faire aujourd’hui à son successeur Johnny Claxton, mais le problème est sans doute ailleurs. Comment ignorer ce qu’est devenu le rugby par la grâce de ceux qui chaque année bricolent les règles au prétexte de rendre les affrontements plus spectaculaires ? Comment comprendre qu’on puisse, lancé comme un dingo, venir « déblayer » l’adversaire sur le bord des rucks ? Pourquoi avoir inventé un jour cette ineptie ? Sinon, peut-être, pour que ça pête plus fort sur les écrans ? Ce n’est qu’un exemple. Douze, quinze ou dix-huit joueurs hors service à l’ASM qui dit mieux ! Cette violence codifiée du rugby « moderne » fait détenir au club le record du ratio accidents du travail/effectif dans le monde des entreprises.

« Calculations »

Calculs / Photo Mainimage
Photo Mainimage

Pour info, la Sécu prend en charge 60% du gain journalier de base plafonné à 205,84€ pendant les 28 premiers jours d’incapacité, puis 80% plafonné à 274,46€ journaliers à partir du 29e  jour. De son côté, le club cotise à des organismes de prévoyance qui compléteront en partie la prestation sécu et il assumera la différence au titre de son obligation contractuelle de garantie de salaire vis-à-vis du joueur.
Faudra t-il désormais n’embaucher que des hommes aptes à supporter les méga chocs ? Pour l’heure, l’ASM vient de faire appel aux services d’une société, EZTM, qui a développé une plateforme 2.0 permettant le suivi médical des joueurs en temps réel. Wait and see… ! Côté Montpied on n’a pas non plus laissé chômer l’infirmerie, mais en restant « dans les normes » inhérentes à la pratique du ballon rond.

Montpied / Photo Yves Meunier
Montpied / Photo Yves Meunier

Et puisque le mot ballon est fréquemment associé à oxygène, le CF63, plus modeste budget de L1 (20M€ soit 25 fois moins que le PSG) va empocher 16,5M€ dès le mois de juillet au titre de la répartition CVC, le fonds d’investissement luxembourgeois qui vient d’entrer au capital de la filiale commerciale de la LFP. Bonus qui sera renouvelé en juin 2023. Que le Clermont Foot fera t-il de cette manne ? Là aussi : Wait and see… ! Autre question : Les travaux de la nouvelle tribune Est de 6000 places qui remplacera la provisoire Limagne doivent débuter en fin d’année au moment de la trêve du Mondial (13 novembre au 28 décembre) pour durer jusqu’en 2024. Où va-t-on mettre les spectateurs pendant que la Sagrada Familia clermontoise poursuit sa lente édification ? A moins que… le stade Michelin…à l’occasion… ?

(1) Homme de lettre (1636-1711)
(2) Interview L’Equipe 9 avril

À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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