Il est souvent reproché à Clermont d’être une ville qui s’est développée sans réel plan d’urbanisme, au gré des opportunités foncières, des besoins plus ou moins impérieux et de son développement industriel. Une observation attentive prouve, effectivement, que cette ville manque d’unité, en dehors bien entendu de son plateau central. Mais lorsque l’on y vit, on finit par ne plus voir ses paradoxes. On accepte ce qui serait sans doute proscrit dans une école d’architecture tout en restant attentif à sa mutation actuelle.
En proposant à la photographe Béatrix von Conta, une résidence de création, la ville de Clermont a ouvert une fenêtre qui permet aujourd’hui de porter un autre regard sur la cité, d’être interpellé sur des détails que l’on ne voit même plus, de se poser la question de la présence de la nature en milieu urbain. Tenir ensemble et autres séries, la série de photos exposées à l’Hôtel Fonfreyde offre l’expérience de la découverte de la poésie des espaces délaissés, de la compréhension de la stratification du paysage et de l’importance du détail.
Un univers dont l’alphabet reste à décoder
Beatrix von Conta a sillonné la Ville de Clermont durant une période marquée par la pandémie de Covid-19 et le début de la guerre en Ukraine. «Entourée, presque encerclée par l’imposante chaîne des Puys, Clermont-Ferrand s’est déployée sous mes yeux comme un assemblage de fragments. Un puzzle unique aux pièces hétérogènes » explique-t-elle. « Chaque immersion dans ce territoire a été vécue comme l’exploration d’un univers dont l’alphabet reste à décoder. Mais de temps en temps, par une alchimie propre à la photographie, une poésie inattendue et discrète s’est infiltrée dans ces constellations paysagères à la recherche d’un équilibre fragile.» reprend la photographe qui a exploré les nombreux quartiers de la ville et les communes limitrophes qui forment la métropole, à la recherche de raccords ou de fissures jouant le rôle de lien. « Je me suis centrée sur la thématique Végétation/Urbanité, entre affrontements de matières et résistance végétale dans un contexte urbain en extension » explique l’artiste qui, dans son discours, emprunte énormément au vocabulaire des architectes et des agenceurs d’espaces.
Un questionnement sur la disparition
Née à Kaiserslautern en Allemagne en 1949, Beatrix von Conta, est installée en France depuis 1975 et réside dans la Drôme. Représentée, par la galerie lyonnaise Le Réverbère, elle a exposé aux Rencontres d’Arles, à la FIAC et à Paris Photo. Son œuvre photographique, interroge la mémoire du paysage, ainsi que sa mutation plus ou moins violente. Elle a travaillé sur les catastrophes naturelles, les ravages de la guerre et la construction urbaine. « En tant que photographe paysagiste, le 8e art est un questionnement sur la disparition, la fragilité des paysages. Lesquels, souvent hétérogènes, illogiques, décousus, façonnés par la présence humaine, sont aussi empreints d’une beauté particulière qui me touche profondément » explique la photographe dans une interview pour Paris Photo. « Je ne connais pas de paysage banal. Chacun représente du temps inscrit, cristallisé, dont je tente de relever des signes d’une mutation en cours ».
Photo Beatrix von Conta
Beatrix von Conta, Tenir ensemble et autres séries, jusqu’au 20 janvier 2024, Hôtel Fontfreyde, centre Photographique de Clermont, rue des gras. Ouvert du mardi au samedi de 13h30 à 19h00.
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