C’est pour le printemps seulement que l’on supporte les longs préambules, pour cette envolée finale et paroxystique que l’on accepte tout ce qui précède : la litanie des matchs qui compte pour du beurre ou presque, les bonus arrachés par les cheveux, les comptes d’apothicaires, les rencontres boueuses de l’hiver et leur bouillie de jeu, les doigts gelés dans les tribunes. Au rugby, en réalité, rien d’autre ne vaut que cette saison où les cartes, soudain, sont rebattues, où tout se joue souvent sur un coup de dé. Où les pronostics sont régulièrement démentis. Parce que dans ce drôle de jeu au ballon facétieux et capricieux, ça n’est pas toujours le meilleur qui gagne mais parfois le plus féroce, le plus volontaire, le plus acharné.
En arriver enfin à l’essentiel
Il faut donc attendre longtemps, attendre encore, tout au long de cette interminable saison de Top 14, de l’été vacillant jusqu’au printemps largement entamé, des dernières chaleurs jusqu’aux premières douceurs, pour parvenir à l’essentiel, à l’enjeu véritable, à cet assaut final où tout se joue sur quelques phases, quelques mouvements, un ballon perdu, un carton jaune, un coup de pied raté, une touche mal négociée… ou une inspiration fulgurante et décisive.
Une pseudo-hiérarchie
Que vaut finalement un titre (officieux) de champion d’automne lorsqu’arrivent les beaux jours ? Rien, évidemment, définitivement rien. Les vingt six premières journées du Top 14 n’ont d’autre conséquence que d’aboutir à une pseudo-hiérarchie et à fixer le tableau des rencontres déterminantes. Où les têtes tombent dès lors que le coup de sifflet intervient. Où le retour aux vestiaires porte le deuil des ambitions de certains quand d’autres se mettent à rêver à ce bouclier qui n’est plus tout à fait une illusion. Où le Stade de France se profile à l’horizon.
Une belle tête de vainqueur
C’est pour le printemps que l’on aime ce championnat de France de rugby qui sort soudain de sa torpeur, de ses méandres, de sa routine … Et pour ces matchs éliminatoires, sans filet, sans session de rattrapage où le couperet tombe comme une guillotine sur la tête de ceux qui se sont vus trop beaux, trop tôt… L’ASM Clermont Auvergne, en ce printemps, présente une beau faciès de vainqueur. Épargnée par les joutes usantes de la Coupe d’Europe (la vraie), dominatrice depuis de longs mois, sûre de son jeu et de ses forces, gonflée à bloc, presque insubmersible, l’équipe n’est jamais qu’à deux matchs du bonheur. Mais le verdict se révèle parfois déroutant. Au rugby, rien ne sert de courir en tête, seul compte le sprint final.Et c’est tout le sel de ce Top 14, à la fois exaspérant et excitant. Monotone et finalement haletant.
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