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Dessins Eric Gauthey.
Chroniques

Noël à Djibouti

Une petite fatigue d’après fêtes me découvre, paresseux, puisant dans un souvenir anecdotique : un Noël à Djibouti.

C’était il y a longtemps, en 1996, un 26 décembre. J’avais, cette année-là, plongé avec délectation dans l’ouvrage juste paru de deux compères : Jean-Claude Guillebaud et Raymond Depardon. Ils étaient des années après retournés sur leurs traces en Corne d’Afrique alors qu’en mission, l’un à la plume, l’autre à l’objectif, ils couvraient l’actualité. La fin du règne suranné de l’empereur Haïlé Selassié, le Ras Tafari

S’émerveiller là ou d’autres meurent

La dernière page de la Porte des larmes tournée, ma décision était prise, j’irai sur leurs pas. Naïvement je tenterai de trouver une réponse à cette juste interrogation de JC Guillebaud : faut-il s’émerveiller là ou d’autres meurent ?

La question reste si actuelle, parlant de voyages. Mais avant l’Ethiopie qui sortait juste des années du joug sanglant de Mengistu, c’est par Djibouti qu’il me fallait passer.

Un vol Corsair, ce 26 décembre, m’avait vu trouver le temps long, coincé entre des légionnaires qui constituaient l’essentiel des passagers. Peu avant l’atterrissage, une jeune fille, étudiante s’était levée et discrètement déguisée en…Père Noël. L’effet fut garanti dans la petite aérogare quasi déserte ; à en juger par la joie sans retenue de ses coopérants de parents qui l’attendaient.

D’anachronismes en rencontres éphémères, cette étape me réservait d’autres incongruités. Comme ce monument aux morts de 14-18 figurant un poilu engoncé dans son lourd paletot et embourbé dans cette glaise humide et collante qui n’appartient qu’à la Marne.

La guerre en revenu[1]

Djibouti a surement bien changé depuis (23 ans !). Sauf exceptions, seule l’armée française y était alors présente, en survivance du passé colonialiste.

Aujourd’hui, l’Etat djiboutien négocie ses baux aux armées du monde. Si les quelques 150 millions d’euros annuels ne représentent que 5 % du PNB de ce pays, c’est déjà plus que ses exportations. C’est sans compter tous les revenus indirects de la présence de plus de 5 000 soldats (pour une population d’un million d’habitants).

Les armées du monde ne signent pas qu’un bail mais également les charges qui s’y rattachent. Les baux sont courts et les charges lourdes. Un facteur dix, au moins. C’est par cet algèbre comptable que « la guerre » rapporte au final sans doute l’essentiel des revenus du pays.

Les habitants, eux restent parmi les plus pauvres du monde.

[1] Source : articles divers/ Internet. Notamment une étude d’un chercheur, Jean-Luc Martineau, chargé d’enseignement à l’Université de Lorraine : « Djibouti et le commerce des bases militaires : un jeu dangereux ? » journals.openedition.org/espacepolitique/4719

À propos de l'auteur

Eric Gauthey

Né avec la crise des missiles de Cuba, son enfance, ses études et ses premières années de la vie d’adulte furent nomades.
Au début des années 90, il émigre à Clermont-Ferrand pour se sédentariser. Son métier, non moins sédentaire, l’engage dans le service au public (transports publics de l’agglomération clermontoise).
Le voyage reste sa passion, pour ses vacances mais pas seulement. Cofondateur d’Il Faut Aller Voir et du RV du Carnet de Voyage, il pousse jusqu’à publier deux ouvrages : « Cher Bouthan » – 2011 et « Buna Tatu » - 2017 (sur l’Ethiopie).

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