Car le lendemain l’Amicale des Ex du rugby de l’ASM va tenir sa 74ème assemblée générale annuelle. Sans les ‘’Sudistes’’ il y aurait des places vides au repas officiel de cette année 2030.
Figure légendaire du rugby jaune et bleu, le ‘’Gaulois’’, comme on le surnommait au temps de la splendeur de ses moustaches, assure toujours la présidence des Ex même si, à 82 ans, les rhumatismes l’ont un peu éloigné des parcours de golf.
Retour vers le passé
Le retard de l’avion laisse le temps à Jean-Pierre de se plonger dans quelques souvenirs.
Tiens justement !…il y a dix ans, en 2020, les anciennes gloires de l’ASM fêtaient le cinquantenaire de la finale de 1970…la première de l’ère moderne après celles de 1936 et 37. La plupart des acteurs de la défaite contre La Voulte (0-3) étaient au rendez-vous.
Parmi eux, figure incontournable, Henri Bourdillon avait ferraillé dans le pack asémiste de 1963 à 1979. Un vrai athlète, non bodybuildé, de 192 cm pour 95 kg dont l’allure n’a guère changé même si Madame, à la maison, l’appelle ‘’Robocop’’.
Ritou n’ayant jamais été flic puisqu’il bossait chez Michelin, disons plutôt ‘’Iron man’’ compte-tenu des rechapages.
« En 2001 on m’a refait le genou droit, puis le gauche en 2008. La hanche droite en 2018 et la gauche en 2019. J’ai bien quelques problèmes avec une épaule…et aussi avec les pouces mais comme je ne joue pas du piano… » éclate de rire l’intéressé qui souligne qu’en quinze ans sur le pré il ne s’était fait « qu’une mâchoire et un ménisque ! »
Simples broutilles au regard des accidents du travail récurrents qui accablent les gladiateurs du rugby contemporain au point de tenir dans le rouge les comptes de la sécu.
Montrer qu’on existe
Ritou est donc l’une des figures de proue de cette Amicale qui permet aux Ex de continuer à « vivre le club » en cultivant cette convivialité qui fut longtemps l’âme de l’Ovalie…avant le professionnalisme.
Bien sûr, il y a les réunions dînatoires mensuelles du bureau de l’Amicale, les retrouvailles festives entre soldats de la guerre de 70 plusieurs fois l’an, ou encore l’AG du printemps, mais pas que.
Les anciens ‘’jaune et bleu’’ se font un plaisir d’offrir des cadeaux à l’occasion du Challenge Marcel-Michelin des écoles de rugby et d’inviter à leur table les équipes de jeunes du club lorsqu’elles rapportent un titre. « Ce sont nos partenaires-annonceurs du magazine des Ex qui nous permettent de financer ces opérations » Et Ritou d’ajouter « comme ça, on peut montrer qu’on existe ! »
A Aulnat, guettant des nouvelles du vol Fiji Airways, Jean-Pierre Romeu reste immergé dans son flash-back de 2020.
Pieds de cochon, tripe et saint-nectaire…
Le 18 avril, les commémorations du cinquantenaire de la finale de 70 et des dix ans du premier Brennus avaient été le point fort de la saison des Ex, sachant qu’il ne fut pas question de déroger à la règle du déjeuner imposé par les doyens de la troupe. Au menu (après l’AG et l’apéro) : pieds de cochon, tripe, fromage et dessert. Végans s’abstenir!
Mais tout cela pour combien de temps encore ?
Au fil des ans, les effectifs de l’Amicale avaient déjà commencé à perdre de la consistance. Non seulement parce que l’âge ou les régimes sans gras ni sel écartaient les moins vaillants mais bien à cause du désintérêt affiché par les acteurs du 21ème siècle. D’environ 300 vers 2015, ils se retrouvaient déjà un tiers de moins en 2020, ce qui faisait dire alors au ‘’gaulois’’ :« Heureusement que les juniors et réservistes ont toujours été considérés comme des Ex à part entière. S’il n’y avait que des équipiers premiers, on serait quoi…30 ou 40 !»
Si 80% des finalistes de 1970 étaient toujours dans la région clermontoise, combien de joueurs des deux dernières décennies rôdaient encore du côté de l’avenue de la République ?
« Et parmi les quelques-uns qui ne se sont pas envolés, combien restent attachés au club ? » constatait le président des Ex. en ajoutant «…c’est pareil ailleurs ! »
Retour vers le présent
Autre temps, autres mœurs ! Le professionnalisme et les sentiments ne font pas bon ménage, d’autant que les ‘’oiseaux des îles’’ sont plutôt du genre migrateurs.
Ding-dong ! « Votre attention…le vol spécial Fiji Airways ne se posera pas à Clermont pour la bonne raison qu’il n’a jamais décollé de Suva. Avec nos excuses ! »
Et c’est là que le Gaulois se réveille en sursaut en se frottant les yeux. Il n’est pas à Aulnat en 2030 mais bien en 2020 dans son lit du côté de la Roche Noire !
« Fallait-il être con pour rêver qu’un avion avec Nalaga et compagnie vienne du Pacifique fêter les 20 ans du Brennus de 2010. Déjà qu’aucun des vainqueurs du premier bouclier ne pointe à l’amicale des Ex… »
Bon, et puis avec une empreinte carbone de près de 6,65 tonnes de CO2 par passager aller et retour, il valait mieux que l’opération reste dans le domaine de l’imaginaire. Sinon, c’est 18 arbres par tête de pipe qu’il eut fallu planter pour compenser les dégâts causés à la planète ! Jean-Pierre Romeu va donc pouvoir préparer sereinement le prochain rendez-vous festif avec le soutien des ses indéfectibles grognards…ses ‘’meilleurs vieux’’ en quelque sorte !
Pour les autres qui, après tout, n’apprécient peut-être pas les pieds de cochon, la tripe et le Saint-nectaire, c’est Take the money and run ! (1)
(1) film de Woody Allen 1969
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