Grande Guerre et immense traumatisme… La France devra attendre 1950 pour retrouver ses 41 600 000 d’habitants de 1913-1914. Près de 1 400 000 soldats meurent au champ d’honneur, dont 68 000 issus des rangs de la 13e Région militaire clermontoise. Et comme si combattre les « Boches » ne suffisait pas, des poilus tombent sous des balles françaises bien avant les mutineries de 1917.
La fleur au fusil fanée, les soldats encaissent mal le premier hiver et l’attente fébrile de permissions sans cesse reportées. À leur désarroi répondent des conseils de guerre spéciaux aux motifs de mutilations volontaires, refus d’obéissance ou désertion. Pendant le conflit, sur les 2 400 condamnations à mort prononcées, 600 donnent lieu à exécutions, dont 430 entre 1914 et 1915. Si la Grande-Bretagne a annoncé, le 16 juillet 2006, un pardon global pour ses 306 « fusillés pour l’exemple », la France – pourtant prompte à se repentir – hésite toujours…
« Debout les morts! »[1]
Debout, caporal Floch, soldats Blanchard, Durantet, Gay, Pettelet et Quinault[2], du 298e R.I., qui vous êtes, le 27 novembre 1914 à Vingré (Aisne), repliés sur une tranchée dite de résistance soi-disant sans ordre ! En octobre 1921, votre sous-lieutenant (Paulaud) fut acquitté, à l’unanimité et à Clermont-Ferrand, par un conseil de guerre présidé par le colonel Potiron de Boisfleury. Pressentant cette « comédie », après votre solennelle réhabilitation par l’arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 1921, Henry Andraud écrivait dans La Montagne du 31 janvier : « Les crimes se châtient. Non parce que le sang lave le sang, mais pour avoir [la] garantie qu’à l’avenir on n’agisse plus avec une aussi criminelle légèreté ; parents, pour que vos enfants-soldats ne soient plus exposés à être fusillés “en exemple”. »
Le 3 décembre 1914, à la veille de son exécution, Jean Quinault se voyait déjà mort en écrivant à son épouse : « Dernière lettre de moi, décédé pour un motif dont je ne sais pas bien la raison. Les officiers ont tous les torts, et c’est nous qui sommes condamnés par eux. […] Ça ne s’est jamais vu une affaire comme cela. Je suis enterré à Vingré. »
Henry Andraud sur tous les fronts…
De sa naissance clermontoise, en 1895, à sa mort chamaliéroise, en 1949, H. Andraud s’engage, tant lors de la Première Guerre mondiale (médaillé militaire et croix de guerre) que pendant la Seconde, via le Bureau central de Renseignement et d’Action. Maire socialiste d’Égliseneuve-d’Entraigues – sa dernière demeure – et député de l’arrondissement d’Issoire (1928-1942), il est sous-secrétaire d’État à l’Air dans le gouvernement Camille Chautemps, de juin 1937 à janvier 1938, quelques semaines après avoir, le 4 janvier 1937 par passion de l’aviation, accompagné le Tulliste Lucien Bossoutrot dans sa double traversée de l’Atlantique sud. Parallèlement, sous le Front populaire, Madame Andraud entraîne la renommée de sa chorale dans un concours à… Monte-Carlo !
Dans les années 1940 de l’après-guerre, fort de sa devise (Le travail opiniâtre triomphe de tout) et surtout des compétences de l’ingénieur des Arts et Métiers Paul Josué (né à Thiers en 1913), son Groupement industriel métallurgique et automobile (Gima) installé 24 avenue Pasteur, à Chamalières, présente au salon de Paris 1947 une 108 à révolutionnaire fourche télescopique et trois vitesses. En 1949, deux 125 sorties des ateliers de l’usine, équipées de moteurs AMC et pilotées par Mathieu et Valeyre, raflent les première et deuxième places du Bol d’or sur le circuit de Montlhéry, malheureusement boudé par la météo et le public.
Mais de tous ses engagements, celui qui lui tient indiscutablement le plus à cœur c’est la réhabilitation de l’honneur des « fusillés pour l’exemple » : une lutte acharnée relayée par La Montagne, dont il assure plusieurs années la rédaction en chef, et deux brochures éditées par les imprimeries du quotidien, 6 rue Blatin, Les Fusillés de Vingré (1922) et Sous les balles françaises.
Ancien combattant, homme politique, entrepreneur et journaliste, Henry Andraud n’a cessé de « crache[r] au visage » des exécuteurs de Ceux de Vingré et d’ailleurs : « Assassins ! »
[1] Expression du général, ministre de la Guerre en 1915-1916, Joseph Gallieni.
[2] Les trois derniers originaires de l’Allier, respectivement de Tréteau, La Guillermie et Saint-Victor.
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