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Chroniques

Duvet de Lune

Constantin Simon énonce avec une cruelle poésie ce bal tragique entre végétal et animal, du mangeur mangé, de cette spore absorbée qui grignote sa proie à coup sûr pour se fondre au final dans cette chenille fragile. Le champignon qui résulte de cette joute macabre échappera difficilement lui-même à finir également dans une bouche.

Cordyceps en or

J’en avais entendu parler une première fois, ignorant et incrédule, lors d’un long trek dans les hauteurs du Bhoutan, en 2009. Notre guide avait évoqué cet « or vert » qui rendait plus difficile de trouver muletier, cuisinier et autres accompagnateurs à moins de les payer très cher.

J’en avais saisi la réalité plusieurs années après, au Ladakh. Mon vieux muletier boiteux avait ainsi dû suppléer à son fils, parti sans prévenir cueillir sa fortune.
C’est que le yarshagumba, pour citer son nom tibétain, rejoins la longue liste de ces aliments qui font saliver les chinois et exaltent leurs fantasmes de bonheur, de plaisir, de puissance.

Ce champignon résultant d’un crime se ramasse, difficilement, dans les hautes altitudes himalayennes. Une maigre récolte suffit à son cueilleur pour vivre une année et délaisser, pour les équipages d’occidentaux en mal d’altitudes, accompagnement, guidages et autres métiers de là-haut. Il faut dire qu’à plus 150 € le gramme, la richesse semble assurée.

Un trafic aventureux

Comme toujours, de la récolte aux plateaux chinois ou aux pilules pour magasins occidentaux de type « biobobo », les intermédiaires sont là pour laisser aux cueilleurs les courbatures et assurer aux plus malins les fruits de la récolte.

Constantin Simon s’aventure dans une écriture fluide et enthousiaste sur ce périple qui part de l’infiniment petit pour finir en embrassant le Monde et ses vicissitudes.

Le héros de son livre (1), Victor Martin, n’était pas prédisposé à cette longue aventure, comme une transformation parallèle de l’Homme et du champignon transporté, promesse d’avenir et d’extraordinaire. A le lire, on peut, assez flatteur pour l’auteur, penser à la Vallée des rubis et à Joseph Kessel. Y penser simplement même si la trame du récit procède de la même progression. Même si le romanesque s’appuie bien sur une réalité documentée de cet eldorado des cimes.

Le travail d’enquête se devine et se comprend dans ce récit qui raconte finalement le chemin de la spore et de la chenille à l’assiette. C’est pour la leçon. Dans une ode à la montagne incontournable le romanesque l’emporte au fil du récit pour prendre au final des accents bien actuels de trafics, de gros sous et de mafia.

Un plaisant et instructif voyage pour s’évader un moment, pour rêver même peut-être.

(1) Yarshagumba  de Constantin Simon, Arthaud, avril 2021

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À propos de l'auteur

Eric Gauthey

Né avec la crise des missiles de Cuba, son enfance, ses études et ses premières années de la vie d’adulte furent nomades.
Au début des années 90, il émigre à Clermont-Ferrand pour se sédentariser. Son métier, non moins sédentaire, l’engage dans le service au public (transports publics de l’agglomération clermontoise).
Le voyage reste sa passion, pour ses vacances mais pas seulement. Cofondateur d’Il Faut Aller Voir et du RV du Carnet de Voyage, il pousse jusqu’à publier deux ouvrages : « Cher Bouthan » – 2011 et « Buna Tatu » - 2017 (sur l’Ethiopie).

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