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Marc François.
Photo Fanny Reynaud.
Edito

Un monde anxiogène et hypocondriaque

La pandémie que nous traversons est riche d’enseignements sur les caractéristiques des sociétés contemporaines. Et l’histoire, même récente, permet de mettre cet épisode en perspective.

Dans une chronique publiée en mars dernier par 7 Jours à Clermont, Anne-Sophie Simonet revenait sur une séquence dont même les plus anciens ne se souviennent plus. Et pour cause… La grippe de Hong Kong présentait quelques similitudes avec l’actuelle pandémie de Covid-19. Venue elle aussi d’Asie, elle déferla sur le monde durant l’année 1968 et ne s’éteignit qu’au bout d’un an et demi, environ. On estime qu’elle coûta la vie à environ 31 000 Français et 1 million de personnes sur une planète qui, à l’époque, comptait environ 3,7 milliards d’individus. « Sur la période, « La Montagne » se contente de publier en dernière page du 1er janvier 1970, sous le titre toujours d’actualité « La grippe a réalisé l’unité de l’Europe », une dépêche de synthèse de l’A.F.P. Il y est mentionné qu’« en France, dix millions de personnes sur cinquante ont été atteints au cours des dernières semaines ». Et pourtant, ni bistrots fermés, ni magasins dévalisés, ni confinement, ni discours aussi feuilletonnés que contradictoires du président de la République, Georges Pompidou… » A l’époque, en effet, les médias s’en lavent les mains et pas question pour cela d’utiliser du gel hydro-alcoolique. Que valait une épidémie face aux événements français de mai, à l’écrasement de Prague par les chars soviétiques, à la guerre du Vietnam ou aux derniers épisodes de la conquête spatiale vers la lune ? Quant au responsables publics, ils ont d’autres préoccupations que de s’occuper de cette « grippe sur la grippe ». Pour soigner, il y a les médecins. Ils ne défilent pas encore sur les plateaux télé…

Un vent de panique

Cinquante ans plus tard, le glissement est vertigineux. La société est devenue hypocondriaque et anxiogène … Au point d’instaurer des couvre-feux, généralement réservés aux seuls temps de guerre, pour lutter contre la propagation d’un virus, comme il en existera d’autres, évidemment. Cette nouvelle période de contraintes drastiques et d’isolement succède au confinement généralisé du printemps dernier. Un vent de panique semble s’être emparé des décideurs : chaque semaine apporte désormais son nouveau train de mesures, en fonction des derniers chiffres enregistrés. Bref, on navigue à vue, de façon chaotique, sans le moindre cap. Ainsi le chef de l’Etat incitait-il récemment les Français à profiter largement de leurs vacances d’automne. Et son premier ministre vient, quelques jours plus tard, les placer en confinement nocturne. Nul ne sait dans quel état cette séquence va laisser notre pays, combien de ses habitants vont rester sur le carreau. Pas plus que l’on est sûr, au fond, de l’efficacité de ces mesures extrêmes ou de la pertinence des précédentes. Ainsi l’épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill met-elle en garde : « on court derrière le problème sans jamais le résoudre. Lors d’une maladie infectieuse, il ne faut pas confiner la terre entière. Il faut trouver les personnes contaminés et les isoler… »

Après la pandémie

La santé serait donc désormais l’alpha et l’oméga de notre société qui n’hésite plus à lui sacrifier les libertés fondamentales, individuelles et publiques. « Il faudrait que nous réfléchissions à ce qui va rester de toutes ces mesures, de toutes ces décisions, de cette verticalité au-delà de la pandémie et de la maladie elle-même » s’alarme le philosophe Mickaël Foessel. Le risque est grand, en effet, au train où vont les choses, que, demain, l’on nous oblige à porter un masque, chaque hiver, pour limiter les conséquences de la grippe saisonnière ou que l’on isole les personnes âgées pour mieux les protéger. Se dessine un monde où il faudra vivre vieux à défaut de vivre mieux…

À propos de l'auteur

Marc François

A débuté le métier de journaliste parallèlement sur une radio libre et en presse écrite dans les années 80. Correspondant de plusieurs médias nationaux, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Info Magazine (Clermont, Limoges, Allier) pendant 9 ans, il a présidé le Club de la Presse Clermont-Auvergne entre 2009 et 2013. Il est l’initiateur de 7 Jours à Clermont.

1 Commentaire

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  • Ouais, et bien comme le disait mes parents – bien avant les évènements de cette année – je cite : « Nous sommes heureux d’être de la génération que nous sommes que de la tienne ! »
    Et comme ils avaient raison !…

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