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Teddy bear… mais pas que

Si le Père Noël n’avait pas su gâter les supporters de l’ASM, les étrennes de janvier se révélèrent plus consistantes avec l’arrivée du Père Urios à la barre d’un navire jaune et bleu déboussolé. Le personnage ne laisse pas indifférent, réconfortant comme une peluche mais inspirant crainte et respect comme un ours brun de 500 kilos (1).

En ce mardi de mi-février, un grand soleil annonciateur de printemps inonde la pelouse du stade Marcel-Michelin. Au centre du terrain la discussion va bon train entre la charnière Bézy-Plisson et le coach Urios qui joint les gestes à la parole. Plusieurs centaines de supporters viennent d’assister à une vraie séance d’entraînement et ce sera comme ça toutes les semaines selon la volonté de l’entraîneur asémiste. « Je veux qu’on soit ouvert aux supporters » avait affirmé Christophe Urios dès son arrivée à Clermont.

Supporters dans les tribunes pendant entraînement / Photo Y. Meunier

L’essayer, c’est l’adopter

« C’est super ! Jusque-là on avait vraiment l’impression d’être laissés pour compte » me glisse l’un des ces fans des tuniques jaunes. Selfies, autographes et encouragements, les supporters avaient pu échanger avec les troupes du nouveau messie pendant qu’il devisait avec ses demis et avant qu’il vienne satisfaire à ses obligations médiatiques devant micros et caméras. Interview terminée et s’éloignant visiblement pressé de rejoindre ses joueurs au débriefing, l’homme providentiel est alors rattrapé par un clapping et des « Christophe !… Christophe !… » lancés sur l’air des lampions par les désormais irréductibles adorateurs du Maître de chai, version Côtes d’Auvergne millésime 2023.
Il marque le pas, tourne la tête et, tant pis pour le retard au centre d’entraînement, fait demi-tour en direction de ses aficionados. « L’émotion, ça se partage en permanence ! » Alors, selfies, dédicaces et petits mots sympas, le courant passe fort avec les descendants de Vercingétorix. Le débriefing attendra un peu.
Ce serait pourtant se tromper de croire à un quelconque laxisme de la part d’un homme qui s’impose un devoir d’exemplarité.

Autographes / Photo Yves Meunier

Passion dévorante

« Je suis devenu coach par hasard. J’avais une formation en œnologie, je devais reprendre l’exploitation agricole de mes parents. Mais quand je suis passé pro en 1995 à Castres, je me suis inscrit aux formations d’éducateur sportif pour occuper mon temps libre… J’ai commencé à entraîner les moins de 18 ans. Ça m’a passionné. »
Voilà donc la mèche allumée et l’étincelle entretenue par la double ambition d’entraîner au plus haut niveau et de devenir directeur sportif. Les formations spécifiques allaient pouvoir s’appuyer sur une passion pour le management forgée au fil des huit années d’aventure passées à Oyonnax. Avec toujours, et encore aujourd’hui, l’obsession de trouver réponse à la question : Comment impliquer davantage les joueurs, être meilleur avec eux et bâtir une relation de confiance ?
N’a-t-il pas fait sienne cette devise néo-zélandaise ‘’Être meilleur ne s’arrête jamais’’.
Christophe Urios n’est probablement pas le seul entraîneur à se lever tôt mais ses journées types sont réglées comme du papier à musique.

Urios avec un supporter / Photo Y. Meunier

Mister Powerpoint

La partition s’ouvre entre 4 et 5 heures du mat, chez lui, au calme. Il faut savoir que celui qui fut surnommé ‘’le rustique’’ par ses coéquipiers tarnais du temps où il portait le numéro 2 est devenu un as du PowerPoint. Il conçoit ainsi des présentations de plusieurs dizaines de slides (in french : pages de diaporama) qui, au fil de la journée, seront soumis à l’appétit des acteurs du terrain.
Sur le coup de 7 heures le coach gagne son camp de base du centre d’entraînement où ses adjoints le rejoindront un peu plus tard. Il en repartira vers les 18-19 heures pour dîner en famille (ce sera le cas à Clermont lorsque les siens viendront s’y installer à la fin de la scolarité en cours) …avant de retrouver ses PP jusqu’à 22h ou plus, échappant ainsi à Camping Paradis, l’Amour est dans le pré ou Joséphine ange gardien. Dommage pour lui…
Entre temps, durant les quatre journées d’entraînements hebdomadaires, ce sont les adjoints et les préparateurs physiques qui se trouvent en charge de l’animation des séances au fil desquelles le coach intervient très peu. Se taire et observer, voilà à quoi Christophe Urios passe le plus clair de son temps et qui peut contraster avec l’image renvoyée du bord de touche lorsque l’ours brun semble avoir dévoré Teddy Bear.

Urios observe les joueurs / Photo Y. Meunier

L’omo authenticus

Le contraste est aussi entre le côté solaire, inaltérable, de l’homme face à la presse, peu avare de réflexions imagées et de bons mots, qu’ils soient sucrés ou acidulés, ayant toujours réponse à une question maladroite (ça arrive !) et le côté affectif dévoilé dans une plus grande intimité.
Ainsi des instants vécus juste avant son ultime match à Castres contre Toulon en 2019, rapportés par Frédéric Rey-Millet (1) : « Durant la collation, Fred Charrier (adjoint et ami d’Urios) passe son doigt sur l’arête de son nez. Ce qui indique que le coach est fermé. Le silence doit s’imposer. » Un peu plus tard, au terme de la courte balade d’avant le match, un cercle se forme et le coach intervient : « Bien, 26 ème journée…un peu spéciale. Après une longue saison… » Il s’interrompt. Trente secondes passent….l’émotion est trop forte, il craque et lâche des larmes. « Pfff…cela ne m’arrive pas souvent… ». Teddy Bear.
Pas aussi bavard qu’on pourrait le croire, ‘’papa poule’’ en famille, ouvert à la confiance réciproque de ses interlocuteurs. Pas étonnant que le président de l’ASM avoue avoir découvert un ‘’homme authentique’’.
Pour le reste, c’est-à-dire les performances de l’équipe sur le terrain, Christophe Urios ne possède sans doute pas les pouvoirs de l’enchanteur Merlin même si l’ex-magicien du RC Toulon Mourad Boudjellal dit de l’homme du Minervois : «  Il est habitué à faire des prouesses avec des miettes », ajoutant avec malice « il va redonner joie à tous les supporters clermontois. »(2) Ça, c’est déjà fait ! Comme le prince charmant de Disney qui d’un baiser réveilla la belle Blanche Neige endormie.
Et là, au moins, on est sûr que le baiser est consenti !

(1) Extrait du livre de Frédéric Rey-Millet et Christophe Urios ‘’Être meilleur ne s’arrête
jamais’’. Editions Eyrolles
(2) ‘’Mourad de Toulon’’ diffusé sur Rugbyrama.

Urios aux interviews / Photo Y. Meunier


À propos de l'auteur

Yves Meunier

Bourbonnais originaire de Gannat où il s’est essayé au rugby sous le maillot de l’ASG pendant une douzaine d’années. Diplômé d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques à l’Université de Clermont. Journaliste à France3 Région de 1972 à 2007. Aujourd’hui impliqué avec des amis dans une aventure viticole du côté de Saint-Emilion et toujours en prise avec le sport auvergnat au sein de l’Union des Journalistes de Sports en France.

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