Des hommes y chantent (interdit pour les femmes, en public), a cappella ou accompagnés, des chansons populaires jusqu’à ce que des bassidjis égayent fermement les groupes lorsqu’ils s’agglutinent par trop. Un jeu d’équilibre entre tentation et répression. L’ambiance demeure aimable, feutrée, souriante et d’apparence joyeuse.
Toutes générations se retrouvent confondues sur ces forums asséchés à partager leurs espérances et leurs désespoirs.
Ispahan, la moitié du monde
Les eaux du fleuve ne coulent donc plus, victimes de la sécheresse moins sans doute que d’une longue et très hasardeuse gestion de la ressource. Les flots sont retenus en amont, pour les champs et les hommes. Pour la centrale nucléaire non loin également et sans doute.
Mais à Ispahan, comme dans tout le pays, les jardins restent sacrés et ces paradis abreuvés. Comme le grand bassin de la place Nashq-e Jahan et ses jets d’eaux. Une place immense, piétonne, familiale, restaurée. La porte principale du bazar Bozorg renvoie, 600 mètres à l’opposé, au portail majestueux de la mosquée de l’imam. Sur le côté, la coupole élégante de la mosquée Cheickh Loftollah donne la réplique, 200 mètres en face, à l’imposant palais Ali Qapu et son salon de musique aux stucs exceptionnels.
Il faudrait tant de chroniques pour raconter Ispahan. « Moitié du monde » et pas pour rien. Un tourbillon époustouflant de foule, de circulation, de pollution, certes, mais d’un incroyable patrimoine, comme un concentré de la richesse culturelle et historique du pays. Pour être juste, très daté du XVIIème sous l’impulsion de Shah Abbas 1er.
Les langues se délient
Majesté et raffinement, élégance que l’on retrouve jusqu’aux croisements et échanges où, parfois, les langues se délient. Xerxes[1], rencontré un soir au restaurant, ne se cache pas. Il renvoie dos à dos Trump et les mollahs.
Des deuxièmes, il soupçonne une manipulation des pénuries revenues, au profit du système et pour mieux appuyer leur politique de résistance nationale au Satan à la bannière étoilée.
Du premier, il pourrait s’en réclamer s’il permettait de le débarrasser des turbans en robe noir. Je n’engage pas la controverse en évoquant cette politique (US) du chaos qui n’a jamais engendré que le chaos. Et je pense à nouveau à Homère « Les Dieux ne veulent pas la paix. La guerre est utile à ceux qui règnent ».
Il faudrait aussi raconter les cathédrales. La vraie, celle de Vank, orthodoxe et arménienne avec ses fresques charnelles, seul lieu public sans doute où admirer des corps nus. La fausse, celle à laquelle on pense, dans la lumière filtrée des pigeonniers à nefs et absides, vides dorénavant malgré l’odeur persistante du guano.
Et puis garder le carat du séjour, la mosquée Cheikh Loftollah. Loin de la majesté parfaite et azuréenne de celle de l’Imam, elle se suffit d’une dimension plus modeste. Elle refuse les iwans, se contente d’un accès discret et sinueux pour mieux imposer en douceur et légèreté la grâce de sa salle unique. Les rares moucharabiehs ne ventilent pas seulement l’espace, ils focalisent la lumière qui balaye au gré des heures les murs aux calligraphies élégantes comme des spots qui montrent sans dévoiler. Dans cette atmosphère de simple beauté un dôme léger offre un graphisme sobre et élaboré qui attire l’œil jusqu’au centre. Les bleu, turquoise et crème assurent un subtil parement aux murs et voûte, d’une douce profondeur.
Suite à la prochaine chronique…
[1] Pseudo
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