Hier, ou peut-être avant-hier, on rêvait d’un monde meilleur à défaut d’être un monde parfait. Refus des carcans, des ordres, des règlements, des codes, des pesanteurs : la génération des sixtees voulait fabriquer une société à son image. Et réclamait la liberté à tout prix, quitte à se brûler les ailes dans l’enfer des paradis artificiels. Des voyages parfois sans retour…
Avoir et ne pas être
Janis Joplin, Brian Jones, Jim Morrison et tant d’autres ont été balayés par cette frénésie jusqu’au-boutiste. Quarante années plus tard, les rêves se sont dissipés, évaporés. Ou peut-être dissous dans le maelström de la réalité. Ils ont été digérés, concassés, broyés par le rouleau compresseur d’une société consumériste où le verbe avoir est le seul auxiliaire acceptable. Où les mots de passe et les identifiants ont remplacé la poésie.
Under control
Aujourd’hui, il n’est plus question d’idéal, ni même d’illusions. Nous vivons le temps de la prévention, du calcul, du contrôle, de l’économie. L’alcool doit se boire avec modération, les fumeurs sont des pestiférés et l’on nous conseille vivement de manger cinq fruits ou légumes par jour, avant peut-être de nous y contraindre. Il nous faut rouler à 80 km/h (lorsque ce n’est pas 30), les caméras de vidéo-surveillance filment les faits et gestes à longueur de temps. La santé est considérée comme une épargne. Tout doit être pesé, sous-pesé, comptabilisé, modélisé, under control. Comme si la vie elle-même répondait à une logique arithmétique, à des lois purement comptables. Le temps est devenu un simple capital qu’il convient de ne pas hypothéquer. Et qu’importe si l’existence se révèle terne et sans relief, insipide et prévisible, l’essentiel étant dorénavant de la prolonger sans trop savoir, en fin de compte, pour qui ou pourquoi. Désormais, l’intensité se révèle suspecte, la bienséance est synonyme de sécurité, de précaution, de réglementation et de chiffres. La fureur de vivre a laissé la place à la tyrannie de la gestion.
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