Ma grand-mère faisait régulièrement brûler des casseroles . Et pourtant, elle possédait un talent évident pour préparer des petits plats, mijoter des mets savoureux et mitonner des spécialités goûteuses et généreuses…. Une qualité dont elle nous faisait abondamment profiter lors des repas de famille ou bien encore pendant les longues vacances estivales à la campagne. Ma mère, pour sa part, possédait un véritable don pour les desserts. Peut-être parce que ses goûts personnels la portait davantage vers le sucré que le salé. Ses œufs à la neige, elle en préparait chaque année pour mon anniversaire, restent inimitables. A tel point que j’ai renoncé aujourd’hui à en savourer pour ne pas trahir et abîmer ce souvenir gustatif.
La cuisine n’est pas anodine. Elle est au centre des vies familiales, au cœur des rencontres amoureuses. Elle cimente les amitiés, noue les liens autour des tables, fait œuvre de diplomatie… On a encore pu mesurer au cours de l’indigeste confinement, combien les restaurants nous manquaient, combien leur absence nous affectait. Comme ils font partie de nos vies intimes.
Chacun à sa place
Pour autant, la cuisine, à mon avis, doit rester à sa place. Elle n’est ni une philosophie, ni une religion. Ni même un art, comme on le prétend volontiers de nos jours. Comparer Bocuse et Bach me paraît une hérésie et révéler une fâcheuse propension de notre époque qui déteste les différences et se plaît à confondre les couleurs, sous prétexte d’égalitarisme. Non, un met préparé avec délicatesse et ingéniosité n’est pas une symphonie de Gustav Mahler, pas plus qu’une sérénade de Schubert. Un plat en sauce ne peut être comparé à une partition de Pink Floyd ou une poésie de Baudelaire.
Des chefs célébrés
Aujourd’hui on fait des chefs de véritables héros modernes, des virtuoses de la poêle à frire, des génies de la passoire, des prodiges de la cocotte-minute. Ils occupent les pages des journaux et se répandent sur les ondes ou les antennes où on les dresse sur un piédestal, buvant religieusement leurs paroles comme si elles recelaient une part de divin.
Ils ne détiennent en réalité que la recette et, dans le meilleur des cas, le savoir-faire. Il est temps de remettre ces cordons bleus là où ils excellent. C’est-à-dire non pas sur un plateau de télévision mais derrière un fourneau et à la tête de leur brigade. Et hop, un gratin pour la table 22. Et que ça saute…
Commenter