Plus de neuf millions de Français, dont cent trente-huit mille Auvergnats – contre 669 000 en 1994 ! – sont encore commutés au bon vieux téléphone fixe branché sur une prise murale dédiée, en forme de T inversé, sans accès à Internet. Depuis le 15 novembre 2018, l’opérateur historique France Télécom, mué en Orange, ne commercialise plus de lignes fixes et annonce la grande migration vers le numérique pour octobre 2023 dans certains secteurs, notamment 157 communes de la Haute-Loire. Dans les autres territoires, le basculement devrait s’échelonner jusque vers 2030. Néanmoins, un abonnement à Internet ne sera, dit-on, pas obligatoire. Alors, pourquoi interposer une boîte – dite box pour faire in – entre l’appareil et la prise ? Pour des problèmes de maintenance et d’obsolescence, mais aussi pour satisfaire l’irrépressible besoin de céder au culte de la sœur jumelle de Progrès, Modernité, une déesse aussi volage que tyrannique et envoutante…
Une poignée de branchés
Téléphoner. Ce geste si familier, devenu presque un gadget sur les portables – dont on peut regretter qu’ils ne sachent pas (encore) repasser les chemises ! –, fut une révolution, voici 145 ans. Son inventeur officiel, Alexander Graham Bell, prolonge les travaux de ses père et grand-père – enseignants spécialistes de la parole – en se passionnant pour la transmission électrique des sons. Le 10 mars 1876, il téléphone à son assistant, situé dans la pièce à côté !…
Le 1er octobre 1897, pour des abonnés qui ne se ramassent pas à l’appel, le réseau urbain clermontois entre en service, de 7 heures à 19 heures, avec un « service d’hiver » à 8 heures à partir de la Toussaint.
Naturellement, Le Moniteur, doyen des quotidiens clermontois, se fait un devoir de citer les dix abonnés de la première sonnerie : César Mandrillon, Épicerie moderne, 18 rue Neuve (rue du Onze-Novembre) ; Georges Cellerier, mercier, 26 rue Neuve ; la banque Chalus ; le comptoir d’escompte (succursale de la Banque de France) ; le Crédit lyonnais ; la Société générale ; Eugène Pingusson, marchand de fers, rue Blatin ; Plasson & Baudry, vinaigriers à Chamalières ; Bergougnan, fabricant de caoutchouc, et l’usine de Bourdon, à Aulnat.
Cent quinze ans de cabines…
Le 1er janvier 1898, le préfet, les imprimeries Mont-Louis et Moderne, les confections Conchon-Quinette, Kuhn et son Café de Paris, le pharmacien Huguet, le chausseur Battu, Aux Dames de France, l’épicier en gros Chautin, l’avoué Dard et Trincard-Cardinal, du Grand Hôtel Terminus et des Voyageurs, s’ajoutent à la liste.
En 1903, Clermont est fier de ses trois premières cabines téléphoniques sans se douter qu’en mai 2018, la dernière du Puy-de-Dôme, sise dans le village des Bois-Noirs de Lachaux, sera démontée ! En 1905, les numéros passent à deux chiffres dans les villes du Puy-de-Dôme et à trois à Clermont, en commençant par le 000 de Conchon-Quinette, suivi notamment par le 003 des vêtements Solviche, rue Saint-Louis (avenue des États-Unis), le 004 du Café Glacier ou le 007 de la Vve Bernard*… Le 23 juillet 1914, dix jours avant le début de la Grande Guerre, les 700 abonnés répertoriés dans le Nouvel Annuaire du Puy-de-Dôme, se plaignent de « friture au moindre vent » sur les lignes Clermont-La Bourboule et Le Mont-Dore-Châtel-Guyon.
Dix jours plus tard, et plus de quatre années durant, il y aura aussi beaucoup de friture sur les lignes… de fronts.
* Les numéros passent, en 1955, à six chiffres régionaux (plus deux pour les appels hors zone de numérotage), puis huit le 25 octobre 1985 et 10 le 18 octobre 1996.
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