Dans le sillage des commémorations du 400e anniversaire de la naissance de Blaise Pascal, les Éditions Midi-Pyrénéennes viennent du publier 1648, Blaise Pascal, la pesanteur et le vide, un nouveau volume de la collection Cette année là à Clermont-Ferrand signé Patrick Fournier maître de conférence à l’UCA,
Le 19 septembre 1648, Florin Périer, le beau-frère de Blaise Pascal, réalise à sa demande, la grande expérience des liqueurs. L’expérience a lieu simultanément sur le puy de Dôme et place de Jaude, générant une controverse sur le vide et l’apesanteur de l’air qui conduira à l’effondrement des principes de la physique d’Aristote enseignée à l’époque. Cette expérience sera, en quelque sorte, la marque d’un nouvel esprit scientifique.
Olivier Perrot : Pourquoi avez-vous choisi de traiter l’année 1648 spécifiquement ?
Patrick Fournier : Le point de départ était bien l’expérience du puy de Dôme. Il s’agissait d’essayer de mettre en évidence le moment durant lequel Blaise Pascal donne un certain nombre de consignes. Il a pu réaliser cette expérience parce qu’il avait des réseaux locaux, mais l’idée venait d’autres penseurs comme Evangelista Torricelli ou René Descartes qui avait eu, lui aussi, cette idée de faire une expérience sur le puy de Dôme. Cette montagne était relativement accessible et permettait de faire l’expérience dans de bonnes conditions.
O.P : La communauté scientifique a-t-elle eu des doutes sur cette expérience ?
P. F : L’idée était d’avoir quand même une approche qui soit historique car les autres approches sont essentiellement littéraire et philosophique. Donc je suis reparti sur les archives. Je suis allé voir les archives départementales et j’ai trouvé des études faites au début du XXe siècle par Elie Jaloustre*, notamment. L’un des enjeux, qui avait été d’ailleurs l’objet de débats dans l’histoire des sciences, était de savoir si Pascal avait réellement fait ces expériences, savoir si elles étaient crédibles ou pas et si Florin Périer avait pu les réaliser. Les travaux de Jaloustre confirment que c’était possible et crédible. Donc je suis reparti de là et j’ai voulu voir les archives elles-mêmes, en particulier celles concernant la fiscalité pour reconstituer le milieu social dans lequel les familles Périer et Pascal évoluaient. Mon apport personnel était l’étude du registre de 1648.
O. P : Quel travail de recherche avez-vous dû faire ?
P. F : J’ai essayé de voir le maximum d’archives, mais il n’y a pas énormément de choses ici. Ce que l’on peut trouver sur Blaise Pascal est avant tout ce qui a été utilisé par Elie Jaloustre que j’ai repris. J’ai aussi utilisé les registres municipaux, pour les délibérations, qui permettent de voir le milieu culturel et intellectuel. Cela donne à comprendre qu’il y avait à Clermont une élite intellectuelle au milieu du XVIIe siècle. Les étudiants d’aujourd’hui, pensent que le Clermont du XVIIe était archaïque et très arriéré alors que l’on voit qu’il y a quand même des personnes d’une certaine envergure qui ont à la fois de l’argent et des bibliothèques très importantes. Le milieu culturel dans lequel évoluaient Etienne et Blaise Pascal était assez dynamique. En revanche, il n’y a pas de documentation directe sur Blaise Pascal et de ce point de vue, les archives sont un peu décevantes. Il reste localement quelques contrats notariés quelques actes concernant la famille, plutôt la famille Périer d’ailleurs. Les archives permettent surtout de reconstituer le contexte, pour le reste il faut parfois faire parler le silence.
O.P : Pesanteur et vide… un double sens ?
P. F : C’était un peu l’idée du titre de ce volume. Avec la pesanteur et le vide il y a aussi cette notion que Blaise Pascal a été finalement assez peu présent à Clermont. Il reviendra malgré tout, un peu après, en 1649 et 1650, mais dans les archives, on ne le voit pas vraiment, il n’apparaît pas comme un habitant de Clermont du point de vue fiscal. Les registres fiscaux de cette époque qui sont très bien tenus en attestent. Il vit donc chez Florin Périer, son beau-frère. Lorsqu’on étudie Pascal, on le rattache à Clermont mais cela paraît étonnant au regard de ses lieux de résidence.
O.P : Périer et Pascal ont fait d’autres expériences ?
P. F : Oui, à Clermont dans les années 1649/1650 où il reste 18 mois, Pascal réalise d’autres expériences moins connues. Il réalise des relevés barométriques toujours avec Florin Périer, qui sont moins souvent cités et utilisés, mais assez bien documentés. Ce sont des recherches importantes puisqu’elles fondent finalement les premiers relevés météorologiques. On les retrouve dans des documents de Périer mais il y avait tout un réseau créé notamment avec la Suède auquel Descartes avait participé un peu avant sa mort.
O. P : La série Cette année là à Clermont-Ferrand a un format de 48 pages, était-ce une contrainte ?
P. F : Oui c’est pour cela que j’ai vraiment centré le livre sur le puy de Dôme, même si j’évoque les expériences menées avant, à Rouen, et qui ont créé tout le contexte qui amène au puy de Dôme. J’ai du faire des coupes pour tenir dans le format mais c’était un cahier des charges que je connaissais dès le départ. J’ai tout de même un petit regret, celui de n’avoir pas pu développer davantage l’aspect mémoire de l’événement. Dans les dernières pages, que j’ai appelé les Mémoires pascaliennes, je n’ai pas pu exploiter un certain nombre d’archives conservées à la bibliothèque sur les commémorations, des bi et tri centenaires de la naissance de Pascal. Il y a eu des conférences données par des scientifiques importants comme Picard, par exemple, un mathématicien de la première moitié du XXe siècle venu à Clermont pour donner écho aux expériences de Pascal, c’est le genre de choses que j’aurais aimé relater mais avec le format contraint, j’ai du me concentrer essentiellement sur l’année 1648 et ses prolongements immédiats.
*Elie Jaloustre : historien local, receveur des Domaines et du Timbre en 1868, percepteur à Gerzat en 1876, membre de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont.
A propos de l’auteur
Patrick Fournier est maître de conférences en histoire moderne à l’université Clermont-Auvergne et membre du Centre d’histoire « Espaces et Cultures », UPR 1001. Ses recherches portent sur l’histoire environnementale et sur l’histoire des savoirs, particulièrement à l’époque moderne. Il s’est notamment intéressé aux usages sociaux des techniques hydrauliques et aux premiers développements de la météorologie aux XVIIe et XVIIIe siècles.
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