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Détail de la façade de la Gare Routière avec signature V Vigneron
Détail de la façade de la Gare Routière / Photo O. Perrot
Culture

VV comme Valentin Vigneron

Le nouveau bâtiment de la Comédie et la restructuration du siège régional du Crédit Agricole vont donner un souffle nouveau au quartier des Salins fortement marqué par le travail de Valentin Vigneron. Ces deux chantiers donnent l’occasion de se pencher sur l’oeuvre de l’architecte clermontois.

De l’entre deux guerres, jusqu’aux années 70, alors que la ville de Clermont est en profonde mutation, Valentin Vigneron travaille beaucoup, marquant profondément le paysage urbain de son empreinte durant 40 ans de carrière. Son cabinet fort d’une quinzaine de collaborateurs compte 2 000 dossiers ouverts, 800 réalisations sur le Puy-de-Dôme et pas moins de 300 réalisations sur la seule commune de la capitale auvergnate.

Le Style Vigneron

Si la première réalisation de Valentin Vigneron, le fameux « immeuble Prisunic », frappe les esprits, c’est d’avantage le bâtiment de l’Hôtel Le Savoy qui doit retenir l’attention. Construit sur une minuscule parcelle derrière le « Prisu » et le Théâtre-Opéra, il frappe par sa blancheur, ses lignes tendues et sa modernité très inspirée par les mouvements internationaux en particulier le Bauhaus. Inauguré en 1936, Le Savoy ouvre une nouvelle ère dans la capitale auvergnate qui dix ans auparavant en était encore au néo-moderne et à la lave de Volvic.

Façade typique d'un immeuble Vigneron / Photo O.Perrot
Façade typique d’un immeuble clermontois,  1952 / Photo O.Perrot

Jusqu’à la seconde guerre mondiale Vigneron va dessiner de nombreuses villas et immeubles sur lesquelles subsistent encore quelques courbes en particulier sur les corniches. A partir des années 50, avec l’utilisation du béton armé, les lignes sont de plus en plus tendues. Progressivement les structures sont laissées apparentes, les piliers et les poutres composant une sorte de quadrillage de façade très caractéristique du style de l’architecte. Au tournant des années 60 il va fréquemment utiliser des éléments qui représentent une véritable signature Vigneron : Des colonnes plus fines à la base qu’au sommet, des claustras triangulaires, des panneaux parfois habillés de lave émaillée et toujours la structure tendue en béton. Ce style est à son apogée avec la Gare Routière puis avec les deux énormes édifices construits pour la M.S.A et le Crédit Agricole.

Valentin Vigneron et Auguste Perret

Façade de la Gare routière avec colonnes et claustras / photo O. Perrot

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Auguste Perret avec qui Valentin Vigneron entretient de très bons rapports, se voit confier l’énorme chantier de reconstruction de la ville du Havre, détruite par les bombardements. En plein conflit, des disciples de l’architecte parisien avaient créé l’Atelier Perret, dans le but d’appliquer les principes de leur maître et de proposer une alternative à une future reconstruction anarchique de la France. Réunis autours de Perret, les membres de l’Atelier vont œuvrer à la réédification d’une ensemble urbain s’étendant sur près de 150 hectares et comprenant 12 000 logements. Valentin Vigneron est appelé à participer à ce colossal chantier, mais on ne sait pas précisément sur quels édifices il a travaillé. Une chose est sûre en revanche, c’est que ce passage au Havre a profondément marqué son travail. Il suffit de comparer les immeubles du centre ville de la cité reconstruite à ceux édifiés postérieurement, par exemple avenue Julien et rue Colbert, pour en être persuadé. Plus troublant encore, les similitudes entre le Palais d’Iéna à Paris (où siège actuellement le CESE) construit en 1936 et La Gare Routière de Clermont inaugurée trente ans plus tard. Le béton, les lignes tendues, les colonnes tronconiques et les fameux claustras en triangle, tous les éléments sont repris. Hommage ou plagiat ? A chacun de se faire une idée. Dans tous les cas, les Clermontois qui voient dans les claustras en triangle la signature VV de Valentin Vigneron sont peut-être les bons clients d’une légende urbaine.

L’héritage

L’empreinte de Valentin Vigneron est très forte dans le quartier des Salins puisqu’il dessine également la résidence « Les Salins » boulevard Pasteur et la Direction Régionale des Douanes rue Abbé de l’Épée. L’îlot des Salins composé de la Gare routière, la M.S.A et le Crédit Agricole représente l’ensemble monumental auquel il pensait depuis longtemps pour donner à Clermont une image de modernité. La Maison de la Culture complète l’ensemble. Les esquisses de cette dernière inaugurée en 1979, (six ans après la mort de l’architecte) sortent également de l’agence Vigneron.
Transformer les bâtiments de cet îlot tout en respectant l’aspect patrimonial n’est pas chose facile. Pour le Crédit Agricole, la structure est préservée et réaménagée, pour la MSA seule la façade est conservée (voir notre article du 3 décembre dernier). Du côté de la Gare Routière, le bâtiment classé va revivre en abritant la brasserie qui fait tant défaut à la sortie des spectacles, quant aux anciens quais, ils ont laissé place au programme de l’architecte portugais Eduardo Souto de Moura destiné à la Comédie. Tout en respectant le cahier des charges lié à une salle de spectacle, ce dernier a réussi à ne pas trop s’éloigner de l’esprit Vigneron en donnant priorité aux lignes tendues et au béton brut.

Artiste et non diplômé

Détail d'élément de décoration extérieur sur un immeuble clermontois de 1938 / Photo O.Perrot
Un exemple de décoration extérieure sur un immeuble clermontois, 1938 / Photo O. Perrot

Né dans la Creuse en 1908, Valentin Vigneron travaille à 14 ans pour les Ponts et Chaussées et devient dessinateur chez un architecte. En 1926, il s’installe à Clermont pour suivre des cours aux Beaux-Arts tout en poursuivant son travail de dessinateur. En 1928, il part à Paris suivre une formations à l’École Supérieure des Arts Décoratifs sans délaisser son apprentissage de l’architecture. Pour des raisons de santé il rejoint l’Auvergne en 1930 avec l’idée de devenir artiste peintre. Pierre Verdier architecte au Puy-en-Velay le prend comme associé (ils travaillent ensemble sur «l’ Immeuble Prisunic ») et le persuade de poursuivre dans cette voie. Comme souvent à cette époque il s’installe comme architecte non diplômé. Il reste passionné par la peinture, qu’il pratique toute sa vie en amateur. Dans tous ses déplacements il emporte son matériel et fait réaliser des châssis sur mesure pour entrer dans le coffre de sa voiture… Proche des artistes, il accordera toujours de la place aux éléments ornementaux comme par exemple, les fresques de Dussour ou les sculptures de Coulon.

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

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