Lundi 23 septembre, à l’Hôtel des ventes de Clermont, les coups de marteaux des commissaires-priseurs Alain Courtadon et Bernard Vassy, vont rythmer la dispersion de 345 lots, d’œuvres et de mobilier du XXe siècle. Cette vente revêt un caractère tout particulier car 150 lots proviennent tous de la succession d’un couple de professionnels de santé installé à Issoire et dont la maison, réalisation d’un grand architecte auvergnat, jouxtait leurs locaux professionnels.
Cette maison avait été pensée comme « une œuvre d’art totale » et représente parfaitement bien le goût et l’esprit des années 60 dont les objets sont désormais très prisés des collectionneurs. La maison est remarquable par la présence de revêtements muraux, le dimensionnement des vitres, la présence de vitraux est un véritable cas d’école et tout ce qui compose son ameublement ressemble à un véritable catalogue des incontournables de l’époque.
7 Jours à Clermont : Pourquoi considérez-vous cette vente comme exceptionnelle ?
Alain Courtadon : D’abord c’est un vrai plaisir pour nous de réussir encore à trouver dans notre secteur, des maisons qui sont dans le pur goût et le pure style de leur époque avec des vraies pièces de valeur, des harmonies, des réflexions sur la décoration d’intérieur. On trouve encore cela dans le Puy-de-Dôme et la vente reflète cet esprit et cette recherche stylistique du milieu du XXe siècle. On passe de la poterie à la céramique, aux tentures, aux peintures, au mobilier, à la vaisselle, à tous les arts décoratifs et l’on fait comme cela une petite rétrospective de l’après Seconde Guerre mondiale et de toute l’évolution décorative que l’on a pu avoir. Cela est merveilleux.
7JàC : Cette maison illustre donc le goût que pouvaient avoir les propriétaires pour les belles choses ?
A.C : Assurément, ils étaient pétris de bon goût, d’esthétique et d’envie de décoration. Ils avaient les moyens pour le faire mais il faut bien remettre en considération le contexte de l’époque. Ils achetaient des meubles et objets qui n’étaient par forcement les pièces de collection qu’elles sont devenues aujourd’hui. Certaines ont pris de l’intérêt et de la valeur au fil des ans, d’autres pas plus qu’avant. Mais cela s’est avéré plutôt heureux pour une bonne partie de l’ensemble.
7JàC : On peut donc imaginer qu’au départ ces achats étaient avant tout fonctionnels ?
A.C : Oui, les céramiques de Georges Jouve en sont un bon exemple. Quand on est rentré dans cette maison, il y a avait encore des plantes dans les cache-pots et quand on regarde les cache-pots aujourd’hui, on se rend compte qu’ils ont bien eu une utilité, celle de recevoir des plantes avec leur terre, avec l’eau et avec tous les petits aléas que l’on peut avoir avec ce type d’objets, dans lesquels on peut shooter de temps en temps ou salir en arrosant un peu trop.
7JàC : Pour quelqu’un qui s’intéresse au XXe siècle quelles ont les pièces les plus remarquables de cette vente ?
A.C : Jouve bien sûr mais nos artistes locaux ne sont pas en reste. Le couple Les deux potiers ont produit des pièces étonnantes et spectaculaires. C’est la première fois qu’on présente notamment 3 pièces qui sont gigantesques, qui relèvent et qui révèlent non seulement les qualités de décorateurs et d’artistes de ces potiers mais aussi les qualités et la maîtrise de la cuisson au four et de la composition des œuvres. Cela est impressionnant, et à voir. On a aussi une table iconique de Michel Mangematin, l’architecte clermontois qui a sillonné le monde et les plus grandes agences d’architecture et puis aussi des choses que l’on retrouve dans les ventes XXe quand on a quelques affinités avec, des meubles des éditions Knoll, des meubles de Pierre Chapo, des verreries Gallet ou le Verre Français, tout l’univers du XXe, du milieu du siècle jusqu’aux années 90.
7JàC : Est-il rare de tomber aujourd’hui sur une telle accumulation de pièces du XXe ?
A. C : Des ensembles comme celui-ci aujourd’hui, oui c’est plus rare. On a pas toujours pu préserver au fil des ans et au fil des décennies un environnement où on avait une telle harmonie, dans ce qui avait été fait et dans le respect qu’on avait justement de cette harmonie décorative. Aujourd’hui on se retrouve davantage avec des mélanges mais qui sont dus aussi au mode de vie des gens, où l’on achète des meubles qui sont plus pratiques au quotidien, de la vaisselle qui passe au lave-vaisselle, des tapis qui se nettoient plus facilement…. Donc arriver à garder des cohérences d’esthétique et d’époque c’est de plus en plus rare. Quand on tombe dessus, c’est un vrai plaisir pour nous.
7JàC : Du coup on aurait presque envie que tout cela soit sanctuarisé pour éviter la dispersion et la séparation des objets du lieu.
A.C : C’est le destin des meubles et des objets. On dit souvent qu’ils ne nous appartiennent pas et qu’ils ont leur vie. Pour une bonne partie de cette vente, ils ont passé leur existence ensemble, ils vont débuter des nouvelles vies mais ils vont les commencer dans des conditions plutôt heureuses sans finir dans des conditions horribles de déchetterie ou de débarras. C’est donc plutôt une jolie fin et une jolie aventure qui commence.
« on trouve son bonheur dans les ventes XXe siècle »
7JàC : À l’Hôtel des ventes vous faites une vente d’objets du XXe annuelle, est-ce une période qui intéresse de plus en plus les gens ?
A. C : Oui, c’est une période qui intéresse bien les gens pour la bonne et simple raison que stylistiquement on a une profusion de genres, de modèles, d’idées, de matériaux que l’on avait pas durant les XVIII et XIXe siècle. Et puis aujourd’hui, ces périodes, rappellent trop souvent aux gens, le mobilier et les intérieurs de leurs parents ou grands-parents. Cela, on veut s’en affranchir, on veut des choses plus modernes et donc on trouve son bonheur dans les ventes XXe siècle. Nous en faisons maintenant une spécialité, on a la chance de pouvoir recueillir à l’Hôtel des ventes des lots qui sont vraiment de qualité et pour certains exceptionnels. Tous les ans, on a une vente consacrée vraiment au XXe et au fil de l’année d’autres pièces peuvent passer dans les autres ventes. Localement on sent bien que c’est ce qui plaît aux gens
7JàC : Il y a donc cette collection issoirienne mais il y a d’autres objets dans cette vente, de provenance plus diverses et qui prouvent que l’on en trouve encore dans la région.
A.C : Oui. Finalement on trouve beaucoup de pièces du XXe, des objets qui pouvaient paraître classiques, ou sans forcement d’intérêt. On a dans la vente par exemple, des poubelles en plastique éditées par les Éditions Manade qui ont un petit plus déco des années 60/70. Ce ne sont pas seulement des poubelles en plastique et on est content d’avoir cela plutôt que la poubelle classique. En réalité, dans plein de petits objets du quotidien ou dans du mobilier qui semble classique à première vue comme des petites desserte-bars d’extérieur comme on faisait dans les années 80, on trouve des touches de déco qui plaisent par forcement à des prix très forts.
La liste des pièces composant les 344 lots mis en vente est à retrouver avec les estimation sur le site web Interenchère. On suivra avec attention les enchères portées sur les céramiques de Georges Jouve et des 2 Potiers, un pied de lampadaire en métal de Jean Prouvé, un ensemble de rares luminaires d’Isamu Noguchi, une applique de Serge Mouille mais aussi des tableaux dont un Moiras.
Vente Arts du XXe : Succession X – Un intérieur du XXe siècle : Hôtel des ventes de Clermont, rue des Salins, lundi 23 septembre à 14h30 et en direct sur le site web Interenchères.
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