Entamés en 2020, les travaux de restauration de l’extérieur de l’église clermontoise Saint-Pierre-des-Minimes* sur la place de Jaude ont pris fin, en septembre dernier et ont fait très récemment, l’objet d’une inauguration officielle. Cette église était à l’origine la chapelle de l’ancien couvent des frères Minimes dont la construction remonte à 1630, époque où ces religieux avait choisi de s’installer dans le bas de la ville sur un terrain instable au milieu des méandres de la Tiretaine. Vendue comme bien national à la Révolution, elle devient en 1801, le siège de la paroisse Saint-Pierre et prend le nom qu’on lui connait aujourd’hui.
Élodie Agenis, architecte du cabinet ACA, spécialisé dans le patrimoine a suivi le chantier de restauration de cette église qu’elle connaît sur le bout des doigts puisqu’elle consacre à cet édifice, une bonne partie de son travail, depuis plus de 10 ans.
Que faut-il savoir de cette église et se son histoire ?
Élodie Agenis : C’est une façade remarquable de l’ordre des Jésuites et ce qui est extraordinaire, c’est que pendant des siècles elle a cherché son clocher. Il y en a eu un premier qui a été démoli, puis elle en a eu deux, en façade, eux-aussi démolis et pendant 100 ans, elle est restée sans clocher. C’est l’architecte de la ville de Clermont, Jean-Marie-Joseph Teillard, au XIXe siècle, époque où il y avait des architectes de ville, qui a procédé à l’agrandissement et lui a donné ce dôme pour compenser les démolitions successives. Il a fait un petit clocheton sur la façade du XVIIe et il a agrandi l’édifice, avec son transept et son majestueux dôme.
Dans quel état était ce dôme ?
E. A : Le diagnostique a révélé qu’il y avait des pièces de zinguerie ayant un rôle d’étanchéité qui étaient tombées, d’autres dessoudées. Il y avait donc une obligation de remplacement de ces pièces. Comme ce sont des pièces ornementées, il a fallu les refaire à l’identique.
Les murs quant à eux, avaient juste besoin d’un nettoyage ?
E. A : Un peu plus… On a toujours l’impression que la pierre de Volvic est très dure et que l’on peut la nettoyer de façon agressive. En réalité, il faut la nettoyer avec douceur car les pierres dures ont un épiderme. Trop d’agressivité desquame cet épiderme et par la suite l’eau entre encore plus facilement, avec risque de gel et dégel, et la pierre se dégrade. Lorsqu’on a une façade du XVIIe, on est extrêmement prudent. On cherche le nettoyage efficace mais pas trop abrasif. On a donc donc fait des essais et des protocoles. On a aussi travaillé sur la salinité car il y a une 15ène d’années, une restaurations avait été faite à coût minima, avec des joints en ciment, le pire ennemi des monuments quel qu’ils soient, car il entraine beaucoup de nitrates et de sulfates et énormément de sels qui sont néfastes car il rongent les pierres et les maçonneries. Nous avons purger les ciments, faire des cataplasmes pour extraire les sels de surfaces qui entraînent des entachements blancs comme du salpêtre. Environ 1/3 de la façade a été traité avec des cataplasmes sur des périodes prolongées pour extraire les sels de surface. Tout cela représente un gros travail de restauration sur la pierre de Volvic.
Les doigts de Saint-Pierre
C’est quoi cette histoire des doigts de Saint-Pierre ?
É. A : Quand on a fait le diagnostique de la statue à la nacelle, on a constaté que les doigts de la main droite avait été très mal refaits. On pense que ce n’est pas un restaurateur qui s’en était chargé. Les doigts étaient goujonnés et ils étaient tombés, mais la personne a eu la conscience de laisser les doigts d’origine derrière la statue, un bon reflex… on a pu remettre en place les trois derniers doigts de la main droite de Saint-Pierre.
Quid de l’intérieur ?
É. A : Il y a des travaux d’électricité qui doivent être réalisés. Et là encore on a la chance d’avoir retrouvé l’ancienne lustrerie du XIXe qui étaient planquées dans les fins de voutes du chevet. Quand on a fait les relevés, en fouillant, on a trouvé une petite dorure… sous un tas de gravas, de tuiles et d’ardoises, on a finalement retrouvé 7 lustres avec les en couronnements en degré qui pourraient être restaurés et mis en valeur.
Après l’extérieur… l’intérieur ?
Un projet électrique signifie qu’il faut aussi un rafraichissement intérieur. Cette église a été énormément encrassée à cause de son système de chauffage du XIXe à air soufflant. Ce système a encrassé entièrement les voutes et les parois verticales. Il y a donc un nettoyage à faire mais aussi quelques sondages stratigraphiques pour s’assurer qu’il y a pas d’anciens décors. J’espère que la ville va envisager poursuivre les travaux à l’intérieur. C’est important pour ce type de patrimoine, car le manque de fidèles peut être compensé par les visites touristiques des églises de centre ville.
Qu’est ce que les clermontois et les touristes doivent retenir de Saint-Pierre-des-Minimes ?
É. A : C’est le plus beau dôme d’Auvergne. 9 mètres de haut, 12 mètres de circonférence avec des ornements magnifiques. Et puis c’est une église de la contre-réforme, après Vatican II, quand on a prévu d’intégrer les églises dans les tissus urbains. On a l’habitude de voir les églises au milieu des villages alors que Saint-Pierre-des-Minimes est dans ce tissus, toute resserrée ce qui est normal pour l’époque. Ce qu’il faut retenir c’est que c’est une église du XVIIe avec une merveilleuse transition au XIXe. Elle été agrandie mais pas saccagée. Il faudrait maintenant que l’intérieur du dôme soit mis en valeur aussi bien que l’extérieur. L’architecte Theillard avait dessiné des épures en aquarelles car il avait prévu que l’intérieur du dôme soit mis en peinture.
De quoi rêvez-vous maintenant pour cette église ?
É. A : Depuis 10 ans que je travaille sur Saint-Pierre-des-Minimes, je rêve d’une mise en valeur du dôme intérieur. Aujourd’hui, il est blanc avec des verrières simples. Il pourrait y avoir un projet tout simple qui consisterait à projeter en couleur les aquarelles de Teillard. Il ne s’agit pas d’envisager une restitution ce qui serait impossible et qui n’aurait pas de sens puisque la réalisation n’a jamais eu lieu. Mais la projection de ces peintures à l’intérieur du dôme donnerait énormément de sens spirituel au dôme qui est à la croisée de l’église et offrirait aux habitants, une connaissance du travail de Jean-Marie-Joseph Teillard.
*Coût total du chantier 2 528 743, 70 € TTC, majoritairement financé par la ville de Clermont avec le soutien de la DRAC, du CD63 et de la région AuRA.
Merci beaucoup pour c ette information. Bravo au journaliste Olivier et à l’architecte d’ACA ( entreprise qui a oeuvré dans un certain nombre d’églises dans le département (un inventaire serait à faire).
Bon courage pour la suite : les restaurations à l’intérieur, telels qu’évoquées dans l’articles
Un bravo aussi à la municipalité qui a osé financer ce chantier.
Joseph AYEL