Pierrette Viel fait partie des 5 membres fondateurs de l’association IFAV, Il Faut Aller Voir, organisatrice du Rendez-vous international du Carnet de Voyage. Depuis 1997, elle n’a cessé de s’impliquer dans l’organisation de la manifestation au point d’en prendre aujourd’hui la présidence et la direction. La présentation de la 22e édition de la manifestation a donné l’opportunité de l’interroger sur ce qu’est le carnet de voyage aujourd’hui mais aussi de comprendre l’évolution des intentions des carnettistes depuis 25 ans.

 7 Jours à Clermont : Peut-on dire aujourd’hui que le carnet est devenu un genre littéraire ?
Pierrette Viel : Oui, quand on parle de carnet de voyage, on évoque l’association de l’illustration et du récit avec différentes déclinaisons : le carnet proprement dit mais aussi le carnet témoignage, le carnet reportage, et le carnet intime qui sera mis en avant cette année avec l’intervention d’Orhan Pamuk.

7JàC : Le genre a t-il dépassé le simple aspect touristique ?
P.V : Absolument.  Et c’est ce que nous avions voulu mettre en avant dès la première édition. Le carnet c’est le regard avec une attention particulière, d’où le choix de la phrase d’Ella Maillart « Il faut aller voir »* comme nom pour l’association. On parle de respect, de rencontre de l’autre, d’échange… ce n’est pas uniquement passer quelque part, comme pour le voyage de masse qui a aussi son importance, mais nous, nous insistons beaucoup sur la dimension de la découverte, de ce qui se passe réellement.

7JàC : Avec parfois un message engagé ?
P.V : Oui. prenons l’exemple de Simon qui sera avec nous cette année. C’est un baroudeur, qui a fait le tour du monde, il habite aujourd’hui en Bretagne et ses carnets ont très clairement un dimension écologique. Nous cherchons à sensibiliser notamment au travers du dessin d’écriture qui a un aspect ludique mais avec un côté intime.

7JàC : Vous parlez d’écologie en invitant des gens qui voyagent beaucoup… ce n’est pas antinomique ?
P.V : On perçoit actuellement ce mouvement des gens qui appellent à voyager autrement. Cette année nous avons donc créé un espace qui s’appelait coin du voyageur et qui est devenu coin du voyage à vélo. Ce n’est pas anodin. Nous souhaitons sensibiliser sur cette manière de voyager plus durable, plus responsable est suivre le mouvement de nombreux carnettistes qui ont cette sensibilité. Nous avons invité quelques carnettistes étrangers qui viennent donc en avion, nous en sommes conscients, mais il faut bien des regards et des sensibilités qui viennent d’ailleurs pour nous montrer et nous raconter… cela fait partie de notre ADN. Mais nous constatons que de nombreux carnettistes voyagent beaucoup moins et font désormais des découvertes autours de chez eux en continuant à raconter de très belles choses.

7JàC : Vous étiez dans l’équipe de la première heure, qu’est ce qui a changé depuis la première édition ?
P.V : Le carnet a pris une place entière en devenant un genre littéraire au sein de maisons d’édition qui sont spécialisées. Nous avions des carnettistes qui, au départ, étaient amateurs et qui sont devenus professionnels avec de plus en plus de qualité, non seulement graphique mais aussi de mise en forme.

7JàC : Des voyageurs ont-ils finalement trouvé un bon filon pour financer leurs voyages ?
P.V : C’est évident. Est-ce une déviance? peut-être pas… parce qu’ils apportent autre chose de plus qualitatif. Ils en vivent et comme dans tout milieu artistique, cela nécessite de rentrer dans un système.

7JàC : Est-ce que les techniques ont évolué avec plus de photos, plus de numérique, voir du virtuel ?
P.V : On en a, mais très peu. En fin de compte c’est le dessin qui prime. Il n’y a rien de nouveau dans la technique du dessin. Lorsque nous organisons des ateliers, nous constatons que la plupart des carnettistes sont dans la simplicité. Globalement qu’est ce qu’un carnettiste ? Un petit sac à dos, une boite d’aquarelles, des crayons de couleur, des stylos, des stylos encre…voilà ce qu’est un carnettiste. Et puis il a son calepin pour écrire parce qu’il écrit et raconte.

*« Lire, lire, lire, ça ne vaut rien, il faut aller voir » disait l’écrivaine-voyageuse Ella Maillart à ses lecteurs.

22e Rendez-vous international du Carnet de Voyage les 18,19 et 20 novembre 2022, Polydome, Clermont