Pour lancer la saison 2023 des Théâtrales présentée à Clermont par le promoteur Arachnée Concerts, le patron de PLO en personne, a fait le déplacement jusqu’à la Maison de Culture. Cette année, pour sa tournée province, le producteur a monté un programme de 8 pièces. (découvrir la programmation détaillée en cliquant ici ). En présence de son fils Axel qui lui succèdera prochainement aux manettes de l’entreprise et avant de donner, le top départ de cette saison, sur scène avec Olivier Bianchi, Pascal Legros a répondu à nos questions.
7Jours à Clermont : Vous ouvrez la 3e saison des Théâtrales à Clermont avec Arachnée Concerts. Les spectacles sont généralement donnés à guichet fermé. Cela vous étonne ?
Pascal Legros : Clermont, je connais bien, c’est une ville de spectacle, une ville de théâtre, une ville qui bouge et qui a toujours bougé. La saison passée a rencontré son public cela ne m’étonne qu’à moitié. Je m’attendais à ce qu’il y ait un vrai écho surtout eu égard à ce que l’on propose. On présente de belles pièces, ce qui se fait de mieux à Paris. C’est une vraie mission d’amener ce théâtre grand public dans les régions car les gens n’ont pas toujours les moyens de monter à Paris, de se payer les hôtels, les trains et tout ça, pour voir du théâtre.
7JàC : Ce qui marche à Paris marche aussi en province ?
P.L : C’est pareil. C’est tout simplement une prolongation de ce que l’on fait à Paris, et on aimerait le faire beaucoup plus largement, mais aujourd’hui, à Paris, il y a une grande proportion de théâtre privé par apport au théâtre public. 150 théâtres privés environ pour à peine 10 théâtres publics. En province il y a 10 théâtres privés pour des centaines de théâtres publics. Cela n’est pas tout à fait normal. Il faudrait quand même que les publics de province soient un peu plus irrigués par le théâtre privé qu’ils ne le sont aujourd’hui.
7JàC : le théâtre privé arrive à trouver sa rentabilité ?
P. L : Le théâtre privé se fiance tout seul, avec les spectateurs. C’est une économie qui est vieille comme le monde, qui a beaucoup été pratiquée chez les Anglo-Saxons. Mais c’est vrai que le théâtre public est une exception française que je soutiens et que je défends et que je continuerai à défendre. Ce n’est pas parce que je suis privé que je ne cautionne pas le théâtre public qui est utile. Mais il faudrait tout de même que nos politiques, nos élus, prennent conscience qu’il n’y a pas que le public en province. Il y a des spectateurs qui voudraient pouvoir avoir accès à du théâtre privé. Malheureusement, ils ne ne le peuvent pas aussi facilement qu’ils le voudraient.
« Paris n’est pas une fin en soi et je me bats pour la province »
7JàC : Dans combien de villes présentez-vous les Théâtrales ?
P.L : Après en avoir eu une vingtaine, nous n’avons plus que 10 villes parce que le Covid est passé par là et ce n’est pas suffisant économiquement. Nous sommes propriétaires de trois théâtres à Paris, cela compense, mais je suis très attaché à la province, je suis bourguignon, je rentre tous les weekends, Paris n’est pas une fin en soi et je me bats pour la province.
7JàC : Avez-vous l’intention de développer les saisons dans de nouvelles villes ?
P.L : Nous devons retrouver les chiffres d’avant Covid et il faut qu’on les dépasse. Ce n’est pas 20 villes qu’ils nous faut mais c’est 40 au minimum. Il y a 30 ou 40 ans, il y avait deux sociétés qui opéraient dans ce type de théâtre. Elles avaient chacune plus d’une centaine de villes. C’était l’époque des Galas Karsenty et cela marchait très bien. Les pièces étaient données dans les opéras, les théâtres municipaux, cela faisait le plein et le public était ravi. Il y a des milliers de spectateurs qui attendent nos spectacles mais ils ne peuvent pas les voir parce qu’il y a quand même un trop gros monopole du théâtre public.
7JàC : Pourtant les villes sont désormais dotées de nombreux équipements
P.L : Dans les villes moyennes nous, on fait du théâtre, on ne fait pas du one-man-show, on ne fait pas de variété, on ne fait pas de la musique. Et on ne peut pas aller faire du théâtre dans un Zénith. Il nous faut des salles de théâtres et pas trop grandes, sinon le public n’ y voit plus rien. Donc le théâtre c’est déjà une démarche culturelle importante, ce n’est pas pareil, même si c’est un peu du théâtre de divertissement, il ne faut pas penser que son économie fonctionne. On ne peut pas aller dans des salles trop grandes et on a des frais très importants parce que l’on emmène, des costumes, des décors, des comédiens… c’est une grosse machine qui coûte beaucoup d’argent. Économiquement on est toujours ric-rac.
7JàC : Du coup votre modèle économique est fragile
P.L : Disons que l’on peut gagner de l’argent sur le nombre, mais il faudrait que les salles nous soient ouvertes en province, beaucoup plus qu’elles ne le sont aujourd’hui. Souvent, on a un monopole qui est mis dans les villes moyennes par une Scène nationale et c’est le seul endroit où on peut aller voir du théâtre. Et cette Scène nationale qui a des missions précises et que je respecte et que je défends, a un cahier des charges qui impose des spectacles exigeants, audacieux qui malheureusement n’attirent pas les foules assez souvent. C’est normal, car elle est là pour ça. Mais ce que je dis, c’est qu’on puisse partager un peu le lieu. C’est cela qui est important parce qu’on ne va aller faire du théâtre sous un chapiteau sur le parking d’une grande surface… ni dans une salle omnisports.
« Il faudrait faire comme le cinéma qui a fait sa révolution »
7JàC : Il faudrait faire tomber cette barrière qui existe entre le théâtre privé et public ?
P. L : Oui tout simplement. C’est du théâtre… point. Après, le public choisit, il va voir le populaire parce qu’il a envie de le voir. On n’a pas à lui interdire d’aller voir du populaire et on n’a pas non plus à lui mettre un fusil dans le dos pour qu’il aille voir un spectacle un peu audacieux. Il faudrait faire comme le cinéma qui a fait sa révolution et qui a des salles communes. Nous on a des salles spécialisées. Je me bats contre ça, mais je n’aimerait pas que les élus retirent leurs aides publiques aux scènes subventionnées que je cautionne, parce que ce ne serait pas une bonne chose.
7JàC : Vous pourriez être retraité et pourtant vous êtes toujours sur le terrain. Qu’est ce qui vous anime ?
P.L : Ce qui m’anime, c’est la passion et je voudrais que l’on puisse avancer sur cette progression de la diffusion du théâtre privé en province, parce qu’aujourd’hui, elle est bien maigre. Elle est bien maigre parce qu’on ne peut faire ça qu’en vendant nos spectacles à des structures institutionnelles qui sont beaucoup moins riches qu’elles ne l’étaient avant. En plus on cherche à se développer, à se diffuser et à produire nos spectacles. Quand on vient ici à Clermont, cela ne coûte rien à la ville et on fait de l’action culturelle, j’insiste beaucoup la dessus. Si on faisait de la variété, je n’ai rien contre… j’en ai fait… on pourrait ouvrir les murs faire des salles de 4 000 places et c’est là que l’on gagnerait de l’argent. Nous, on ne peut pas. Le théâtre au delà de 1 000 places ce n’est pas possible. La Maison de la Culture de Clermont avec 1 400 c’est le maximum. Je verrais d’avantage une salle de 700 places dans laquelle on pourrait rester 4 ou 5 jours avec des grosses pièces comme celle avec Gérard Jugnot. C’est cela que les artistes voudraient voir revenir. À Lyon, on pourrait rester 10 jours.
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