Contre vents et marées, les marabouts de la FFR et de la LNR restent droits dans leurs bottes à crampons. Et des marées, le XV de France s’en ramasse régulièrement, à tel point que les bons résultats font figure d’exceptions. Cela suffit pourtant aux ayatollahs de l’immobilisme pour clamer leur confiance en l’avenir dans le style « on a les ingrédients, il manque juste un peu de mayonnaise ! »
Le syndrome de la mayo
Le problème serait donc que de Laporte à Brunel en passant par Lièvremont, Saint-André et Novès, nos chefs étoilés n’ont pas réussi à faire prendre la sauce qui sublimerait la recette du Coq (au vin d’Auvergne bien sûr). Pourquoi pas ! Yakadonc changer d’entraîneur ça repartira pour un tour. En fait, le coup de la mayo se révèle bien pratique pour cacher la m…. au chat.
Et si l’on parlait plutôt des ‘’ingrédients’’ que sont les joueurs ?
Quand le sélectionneur dresse sa liste, il arrive que des borgnes soient sacrés rois au royaume des aveugles…tout simplement parce que le vivier de joueurs éligibles possédant le top niveau international est trop restreint, aux postes 3, 8 ou 10…notamment. Les avalanches de blessures peuvent en être la cause mais pas que.
Jamais avare de présumées bonnes idées le rugby français a pourtant inventé les JIFF (Joueurs Issus de la Formation Française) que les clubs pro sont tenus de faire figurer sur les feuilles de match au nombre de 14, en moyenne sur la saison, faute de se faire taper sur les doigts. Mais pourquoi ne pas imposer cela à chaque match plutôt qu’en moyenne saisonnière ? Cela aurait évité à Montpellier, par exemple, de présenter 12 joueurs étrangers dans son quinze de départ pour venir taper l’ASM la saison dernière.
Les chiffres parlent, les hommes aussi
Ça n’est pas tout, car parmi ces JIFF figurent des joueurs de nationalités étrangères qui ne sont pas éligibles au XV de France. Exemple local en jaune et bleu avec Eléaza, Kakabadzé, Fernandez, Yato, Tuicuvu. Raison pour laquelle quand la France annonce 59% de JIFF dans son effectif pro, il convient de ramener ce chiffre à moins de 50% tandis que le Premiership anglais compte près de 70% de joueurs sélectionnables dans le XV de la Rose.
Quant aux Provinces irlandaises, elles sont limitées à 5 joueurs non sélectionnables par feuille de match et le XV du Trèfle ne s’en porte pas trop mal, merci pour lui !
C’est d’ailleurs de ce dernier modèle que Bernard Laporte avait fait un objectif pour 2020 en prenant place dans le fauteuil présidentiel de la FFR.
On sait déjà, et c’est bien dommage, que l’intention restera lettre morte. Pourquoi ?
« Entre la Ligue et la FFR c’est chacun pour sa gueule…Il y a deux projets différents, celui de la Fédé et celui des clubs (la LNR) au sein desquels sont nés d’autres projets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres ». Morceaux choisis signés Marc Lièvremont (1) et l’ancien entraîneur national ajoute « Quand les gens de tous bords se réunissent pour parler de l’équipe de France, j’y vois au mieux un intérêt poli et plus souvent une forme d’hypocrisie. En fait les hommes s’en foutent un peu ».
Hormis ces incorrigibles empêcheurs de tourner en rond que sont les journalistes, ils sont ainsi quelques-uns du sérail d’Ovalie à ne pas se gêner pour dire tout haut ce que la majorité silencieuse pense des effets pervers du professionnalisme.
S’il y a autant et trop de joueurs étrangers dans notre rugby pro c’est peut-être parce que l’impatience des résultats incite les clubs à s’offrir de la main d’œuvre ‘’prête à porter le maillot’’ plutôt qu’investir pleinement dans une formation des jeunes dont on n’est jamais sûr des résultats.
Mais c’est aussi et surtout la faute à la boulimie d’un exigeant championnat qui ‘’bouffe’’ 29 dates là où 24 suffisent en Angleterre et dans le Pro14 des pays Celtes (2 poules). Sans parler de l’Hémisphère sud où tout est organisé au bénéfice de la sélection nationale.
Obstination et aveuglement

Comme le pire est souvent à venir, avez-vous vu le calendrier du prochain Top14 qui va s’étaler sur onze mois, du 24 août 2019 au 26 juin 2020 ? La Coupe du Monde (du 20 septembre au 2 novembre) mobilisant 36 joueurs pendant la phase de préparation, les internationaux feront défaut à leurs clubs durant les 8 sinon les 9 premières journées de championnat. Ajouter à cela deux mois pour les VI Nations 2020 et c’est le pompon !
Rincés jusqu’à la moelle, les Bleus se contenteront d’une petite demi-saison avec leurs clubs.
La Ligue n’aurait-elle pas pu envisager d’adapter son championnat aux contraintes de ce XV tricolore que le président de la Fédé annonçait avec raison vouloir remettre à sa place au centre du village rugby ? Il faut croire que non, son diffuseur télé n’entendant sûrement pas la chose de cette oreille.
« Ce calendrier me fait peur par avance…c’est n’importe quoi !…on n’aura pas le temps pour bien se préparer et la profondeur d’effectif, on sait bien qu’on ne l’aura pas » cauchemarde déjà Sébastien Bourdin le pourtant discret préparateur physique de l’ASM (2)
Dans la série ‘’bouts de ficelle’’, et sachant que les meilleurs produits des centres de formation ne suffiront jamais à compenser, les clubs pourvoyeurs d’équipes nationales pourront embaucher des jokers additionnels. Mais d’où viendront-ils donc ? Oyonnax, Aurillac, Limoges ou Aire-sur-l’Adour ? Evidemment non, forcément de l’étranger.
Entre des grenouilles de ProD2 qui veulent se faire aussi grosses que les milliardaires et les mégalos du rugby d’en-haut (il reste pourtant quelques dirigeants de clubs raisonnables) et une FFR chahutée par quelques casseroles, où l’avenir du rugby pourrait-il trouver sa voie ?
« Nous sommes coincés entre deux grandes entités qui ne sont pas compatibles en terme d’objectifs » lâche Christophe Urios au sortir d’une réunion LNR-FFR dite œcuménique fin novembre. Et l’entraineur du Racing Laurent Labit d’emboiter le pas du Castrais : « L’idéal serait de repenser notre championnat et surtout le calendrier… » Marc Lièvremont avait déjà résumé le problème : « Il faudrait un homme fort qui œuvre pour le rugby français au sens général et non pour une somme de petits intérêts individuels »
Il ne reste plus qu’à attendre le Père Noël…ça tombe bien !
(1) Midol mag juin 2018
(2) La Montagne 3 novembre 2018
Parfaitement résumé… Bravo M’sieur Meunier !