Elle a beau être classée Monument Historique depuis 1889, la Maison de l’apothicaire ne figure pourtant pas sur la liste des monuments à visiter à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine 2023.
Située à l’angle des rues de la Rodade et des Cordeliers dans le quartier de Montferrand, cette maison à colombages et murs en pisé a été construite au XVe siècle. Elle est sans doute l’une des plus anciennes du quartier et l’un des premiers immeubles privés à avoir fait l’objet d’une protection à une époque où l’on classait surtout les monuments religieux et les châteaux. Accusant aujourd’hui plus de 500 ans, les partie en bois de la maison commencent à se dégrader en particulier les deux statuettes situées sous la toiture.
Et le clystère chut
Ces deux statuettes représentent l’enseigne de l’activité qu’abritait la maison à l’origine, celle d’apothicaire, autrement dit, le pharmacien. Le premier personnage est l’apothicaire lui même, prêt à s’occuper de l’autre, le malade, pantalon baissé, fesses en l’air, prêt pour recevoir… un lavement intestinal. Hippocrate, père de la médecine insistait sur les bienfaits du lavement en thérapie et en prévention de la constipation, des irritations des intestins et des ballonnements. La pratique était donc suffisamment répandue au XVe pour en faire une enseigne. Pour administrer le traitement on utilisait un clystère, sorte de grosse seringue métallique contenant différents liquides comme le lait d’ânesse, les jus de melon, de chou, ou de coloquinte ou encore de l’huile de ricin.
Sous le poids du clystère, la main de la statue l’apothicaire montferrandais, bien rongée par le temps et les intempéries, a fini récemment par lâcher prise et le clystère tomba sur la chaussée. L’outil fut récupéré par les pompiers qui le posèrent devant la porte de la maison… en attendant des jours meilleurs. L’épisode rappela que la bâtisse a besoin, elle aussi, de soins assez urgemment avec en priorité des travaux à réaliser sur les enduits, les boiseries et des solives qui méritent un remplacement.
Devenir la Maison du patrimoine de Montferrand
Récemment encore, l’échoppe abritait un bar ouvert fort tardivement et des locataires occupaient deux appartements. Mais la maison de l’apothicaire est aujourd’hui vide d’activité régulière. Son propriétaire, un promoteur immobilier clermontois, soutient la récente association ASAM, Association de Sauvegarde de l’Apothicaire de Montferrand et en a confié les clés à ses membres. Après un gros coup de ménage, le rez-de-chaussée de la maison a repris vie par le biais d’une première exposition d’artiste.
L’association aimerait transformer la maison de l’apothicaire en Maison du patrimoine de Montferrand où l’on retrouverait l’histoire de la bâtisse mais aussi celle de tout ce quartier historique remarquable. Anne-Sophie Simonet, présidente de l’association souhaite ardemment un rachat de la maison par la ville ou la métropole afin de pouvoir mettre en œuvre un plan de sauvegarde, encadré obligatoirement par l’Architecte des Bâtiments de France, puis initier un programme d’actions culturelles qui permettrait de redonner de la visibilité à ce quartier. La maison de l’apothicaire pourrait être rénovée comme le Pavillon du jardin Lecoq qui reçoit aujourd’hui des artistes en résidence. En attendant, il faut se contenter de passer devant en levant les yeux bien haut pour apercevoir l’apothicaire manchot et les fesses bien fripées du patient.
ASAM : adhésion annuelle 15 €, possibilité de faire des dons. Actualités sur Facebook contacts 06 63 36 42 49 / 06 32 35 49 65
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