Le fameux dossier du train Intercités entre Clermont et Paris polarise toutes les attentions au point d’en occulter une autre bataille, qui se déroule dans les Bois noirs et sur la Plaine du Forez. Depuis 2016, une section longue de 48 km, entre Thiers et Boën, est suspendue en raison de la vétusté et du mauvais état de la voie, coupant en deux la ligne transversale Clermont-Saint-Étienne. Comme pour beaucoup de « petites » lignes le scénario de la SNCF a été parfaitement respecté : manque d’entretien, vitesse réduite pour des questions de sécurité, temps de trajet allongé, service dégradé pour les usagers contraints de trouver d’autres moyens de transport et finalement fermeture au motif de la non rentabilité… Pourtant en 2023, la région AuRA a financé une étude qui a fait ressortir un potentiel de fréquentation sur cette liaison entre Clermont et Saint-Étienne, qui sont, faut-il le rappeler, deux des cinq métropoles que compte la région. Aujourd’hui les usagers qui ne circulent pas par la route, n’ont plus vraiment de choix pour la santé ou l’éducation par exemple. Selon leur lieu de résidence sur le territoire, ils sont obligés de se tourner soit vers Clermont soit vers Saint-Étienne.
Un territoire qui se retrouve enclavé
Face au manque de moyens de transport de substitution efficace depuis la fermeture du tronçon, un collectif a été créé en 2020, remplacé en 2022 par l’association LeTrain634269 qui rassemble des citoyens mais aussi des élus de communes qui se sont retrouvés à gérer une situation inédite depuis l’ouverture de la ligne Clermont-Saint-Just-sur-Loire en 1827. L’objectif de l’association est d’obtenir la réouverture du tronçon pour combler ce qu’elle juge comme la plus absurde et consternante fracture territoriale française du 21e siècle au cœur de la région Auvergne Rhône-Alpes. L’association organise de nombreuses actions de terrain pour informer et mobiliser les usagers afin qu’ils fassent remonter les dysfonctionnements constatés sur la ligne de train où les services de bus mis en œuvre. Ces informations partent ensuite vers la Région et à la SNCF. LeTrain634269 échange également avec des parlementaires qui se sont mobilisés et qui évoquent la problématique en commission. « Nos actions depuis 2020 ont contribué à faire que notre problématique et plus largement celle de la population qui n’a pas de train pour rejoindre les grosses métropoles, soient évoquée en commission nationale » explique Karine Legrand, co-présidente de l’association.
Une liaison fragilisée entre deux métropoles
« De chaque côté, on a deux culs de sacs avec des trains qui fonctionnent, d’un côté Clermont-Thiers, de l’autre Saint-Étienne-Boën-sur-Lignon. Ces deux tronçons sont fragilisés car si la ligne était entièrement ouverte, on aurait plus d’activité et un meilleur développement économique. De plus, on estime que la Région économiserait 1 Million d’euros par an, puis qu’aujourd’hui on a deux circulations » explique Karine Legrand co-présidente de l’association LeTrain634269. « Aujourd’hui il y a énormément de choses mises en place par le Gouvernement comme Petites villes de demain, Territoire d’Industrie ou Cœur de ville… mais si on pas de moyens de transports diversifiés pour répondre aux besoins de la population, cela ne fonctionne pas à plein régime malgré les investissements ».
Comment en est-on arrivé là ?
« Dans le CPER 2015/2020* la région Rhône-Alpes avait décidé la régénération de la ligne, c’était programmé. Au même moment, il y a eu la fusion des régions et l’ancien président Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de suspendre la régénération, ce qui a conduit à l’arrêt de la circulation sur le tronçon Thiers-Boën » rappelle la co-présidente de l’association LeTrain634269. « La région a voté un amendement en disant qu’elle ne s’occuperait que du matériel roulant. Par contre elle a décidé d’investir sur des lignes nationales Clermont-Paris et Lyon-Turin qui ne sont pas forcément de la compétence de la Région… elle a fait un choix politique ». Effectivement, ce choix est visible sur les routes avec un bon nombre de bus régionaux bleus qui sillonnent le territoire. Cette stratégie ne convient pas forcément aux ardents défenseurs du rail mais elle peut se justifier sur le plan financier au regard des sommes colossales nécessaires à la régénération d’une ligne de chemin de fer.
*Les CPER Contrats de Plan État-Région sont un outil de développement entre l’État et les régions, par la mise en œuvre de projets structurants. Ils viennent renforcer la politique d’aménagement au service de l’égalité des territoires.
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