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Parure 3d A.Geoffray2 / Photo 7 Jours à Clermont
Photo 7 Jours à Clermont
Culture Innovation

« Les Armeuses » hommage au savoir-faire des dentelières du Puy

Présentées actuellement au FRAC Auvergne, "Les Armeuses" sculptures d'Agnès Geoffray, illustrent tout l'intérêt pour un artiste, de pouvoir collaborer avec une entreprise technologique. Elles rendent hommage au travail des dentelières du Puy grâce à l'impression métal en 3D.

L’exposition temporaire du FRAC, Fond Régional d’Art Contemporain Auvergne, Beautés, prend fin cette semaine. Les amateurs d’art n’ont donc plus beaucoup de temps pour visiter cette exposition collective, qui rassemble les œuvres d’une quarantaine d’artistes et créateurs, dont celles d’Agnès Geoffray Les Armeuses, inspiré du travail des dentelière du Puy, (lire notre article Les Armeuses d’Agnès Geoffray, la 3D au service de l’art). Ces sculptures tiennent une place particulière au regard de leur mode de production. En effet, elles ont été réalisées grâce à la haute technologie de la société clermontoise, mécène du FRAC, AddUp, reconnue dans le monde entier pour ses machines permettant l’impression additive 3D, autrement dit, la fusion d’une poudre d’acier sous l’action d’un laser. C’est Jean-Charles Charles Vergne, ex-directeur du FRAC qui avait eu l’idée de proposer à Agnès Geoffray de travailler sur un projet dans le cadre d’une résidence au sein de l’entreprise présidée par Franck Moreau.

Agnès Geoffray : j’ai pu profiter d’une technologie à laquelle je n’aurais jamais eu accès

7 Jours à Clermont : Quel était l’idée première du projet ? 
Agnès Geoffray : L’idée était de rigidifier des cols qui étaient des attributs féminins, d’apparat que l’on mettait dans certaines occasions. Le fait d’en faire une structure inamovible permettait de repenser le vêtement féminin sous un autre angle, à la fois comme objet d’art mais aussi comme piste de réflexion sur le statut du vêtement féminin qui a toujours vacillé entre décorum et contrainte.

7JàC : Sur Les Armeuses vous avez finalement assez peu travaillé avec vos mains, était-ce frustrant ? 
A.G : Non il n’y a pas de frustration. Les artistes sont habitués à parfois déléguer à des artisans. Ils ont tout un savoir-faire qui n’est pas ce que l’on a pu apprendre dans les écoles d’art comme la photo, la vidéo, la peinture… Ici j’ai pu profiter d’une technologie à laquelle je n’aurais jamais  accès parce que cela a un coût. Je n’aurais jamais pensé pouvoir m’en inspirer et approfondir. Alors oui, j’ai totalement délégué la mise en œuvre, c’est vrai… mais il n’empêche que sa genèse m’appartient. L’entreprise n’aurait pas pensé à le faire avec ses propres outils donc c’est là où l’artiste peut exister.

7JàC : Le rendu est-il  à la hauteur de vos espérances ?
A.G : Moi  je suis très heureuse parce que le résultat est assez incroyable. Je vois que les gens, qu’ils soient, ou non, issus du milieu de l’art, sont impressionnés par la restitution de la finesse des dentelles, du savoir-faire des dentellières, de la précision. Après j’ai demandé au designer orfèvre Pascal Perun de rajouter des imperfections parce qu’avec un outils numérique ont peut juste faire la reproduction d’un même motif, ce que je ne voulais pas. Il a donc rajouté de l’imperfection dans cette technologie qui normalement, n’est pas faillible. L’idée était de rajouter les erreurs que pouvaient faire les dentellières car un motif, même répété n’était jamais le même.

7JàC : Comment s’est passé votre « intégration » chez AddUp ?
A.G : Beaucoup d’enthousiasme car c’était vraiment de la recherche des deux côtés. Chacune de nos rencontres a permis de réajuster, de renégocier des choses, de challenger son savoir-faire et sa pratique. J’avais déjà fait des résidence d’entreprises et comme je suis ouverte à expliquer mon travail et ma démarche de façon approfondie, je crois que chez AddUp, ils ont saisi rapidement ce que cela impliquait et au delà de la mise en œuvre de leur savoir-faire. Cela a ouvert la question du corps féminin, du vêtement que l’on porte tous et toute, une histoire commune qui a été visitée par le biais de mes objets.  Ils avaient déjà travaillé avec la haute-couture mais jamais avec cette finesse là, ils en étaient fiers.

Franck Moreau : Agnès est une  artiste comprenant les défis technologiques

7JàC : Est-ce qu’il a été compliqué d’intégrer une artiste dans votre structure ?
Franck Moreau : Sur le fond non, mais cela tient sans doute à la personnalité d’Agnès. J’ai peu d’expérience, mais avec d’autres artistes cela aurait peut-être été plus compliqué. On a eu la chance, grâce à Jean-Charles Vergne, de travailler avec une artiste qui savait s’intégrer dans un monde industriel, à la fois exigeante, bienveillante, comprenant les défis technologiques et en gros, comprenant jusqu’où elle pouvait pousser en terme de challenge. Après, très vite, dans notre structure, qui est encore petite, nous avons pu identifier une « équipe cœur » de quelques personnes seulement, fortement ou totalement dédiée au projet. On a aussi intégré Pascal Perun, qui nous a beaucoup aidé sur la partie digitale. La bienveillance d’Agnès a facilité son passage chez nous.

7JàC : Fallait-il trouver, dans votre équipe, des profils spécifiques pour suivre le dossier ?
F.M : Il est clair que les personnes qui ont rejoint le projet dans cette « équipe cœur » avaient une fibre personnelle, un intérêt à développer des œuvres d’art. J’ai moi même, un intérêt pour la chose et les deux jeunes ingénieurs qui ont bossé sur le sujet, avaient un appétence sans laquelle ils ne seraient  pas monté à ce niveau de performance :  Ce n’était pas sûr au départ.

7JàC : Le résultat final de Armeuses est exceptionnel.  Où en est aujourd’hui, la technologie que vous avez développée ?
F.M : Aujourd’hui, autant sur des objets relativement uniques, on est capable de mettre en œuvre cette technologie, autant le passage à l’acte industriel dans certains domaines très réglementés comme le médical ou le spatial est plus compliqué. Dans les années 2015, on pensait que cela irait plus vite. On va avoir prochainement, et c’est notre fierté, des pièces AddUp sur du matériel Dassault Aviation et on est désormais certifié sur des pièces de satellite pour Thalès. C’est une phase transitoire très excitante pour les équipes, mais l’avenir n’est pas encore complètement ouvert. Le passage à l’industriel est un peu retardé ou plus incertain que ce que l’on pouvait penser.

7JàC : Et pour les objets grand public ?
F.M : Le grand public connaît bien l’imprimante polymère, très accessible en terme de coût alors que les imprimantes 3D métal, restent d’un coût élevé, supérieur à million d’euros la machine. Il faut donc que les business cases industriels tiennent la mer quand on investit une telle somme. Il y a une marche pas facile à gravir.

Les Armeuses œuvres d’Agnès Geoffray à voir dans l’exposition Beautés jusqu’au 5 octobre 2023, FRAC Auvergne, 6 rue du Terrail, 63000 Clermont
04 73 90 50 00 /www.frac-auvergne.fr/

Parure 3d, détail - A. Jauffray / Photo 7 Jours à Clermont
Parure 3d, détail – A. Jauffray / Photo 7 Jours à Clermont

À propos de l'auteur

Olivier Perrot

Pionnier de la Radio Libre en 1981, Olivier Perrot a été animateur et journaliste notamment sur le réseau Europe 2 avant de devenir responsable communication et événements à la Fnac. Président de Kanti sas, spécialisée dans la communication culturelle, il a décidé de se réinvestir dans l'univers des médias en participant à la création de 7jours à Clermont.

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